Aucun dérapage chez nos voisins !
Une information parue il y a quelques mois dans la presse allemande
signalait un afflux de retraités hollandais dans ce pays. Ils fuyaient
leur pays où ils craignaient pour leur vie...
« L’avis médical » était déclaré valable PAR TELEPHONE !
25 Septembre 2009 | Pierre-Olivier Arduin*
Alors que trois Français sur quatre se déclarent favorables à l’euthanasie des malades incurables qui la réclament, selon un sondage BVA/ADMD [*], le Comité des droits de l’homme de l’Onu s’inquiète de la progression de l’euthanasie aux Pays-Bas. Sur place, des députés français ont constaté que la pratique euthanasique s’est emballée et que le pouvoir des médecins est devenu incontrôlable.
Du 13 au 31 juillet 2009, le Comité des droits de l’homme de l’Onu a tenu à Genève sa quatre-vingt seizième session à l’issue de laquelle il a présenté des observations finales sur un groupe de pays dont les rapports lui avaient été soumis. Cette institution est chargée de veiller au respect par les États signataires du Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966. Si le Comité n’a pas de pouvoir d’investigation sur le territoire concerné, il peut rédiger des conclusions sur la base d’un rapport de l’État en question et de contributions émanant d’ONG locales.
En conclusion de la séance de juillet, les experts du Comité reprochent ainsi à la Tanzanie un « schéma persistant de discriminations à l’encontre des femmes ». Au Tchad, est demandé de remédier « aux disparitions forcées » et à la « censure de la presse ». L’Azerbaïdjan est soupçonné d’extorquer des aveux « sous la torture ». Beaucoup plus surprenant, à côté de ces nations qui ne sont guère connues pour faire preuve d’un respect tatillon des droits de l’homme, le comité épingle les Pays-Bas pour son « taux élevé de cas d’euthanasie et de suicide assisté ». Les membres du Comité s’inquiètent notamment que « la loi permette à un médecin d’autoriser de mettre fin à la vie d’un patient sans recourir à l’avis d’un juge » et que le « deuxième avis médical requis puisse être obtenu au travers d’une ligne téléphonique d’urgence » [1].
Une « excuse exonératoire »
La
loi néerlandaise du 12 avril 2001 dite de « contrôle de l’interruption
de la vie sur demande et de l’aide au suicide » est entrée en vigueur
le 1er avril 2002. Celle-ci n’a pas surgi brutalement dans le paysage
législatif des Pays-Bas : elle est au contraire le fruit d’un consensus
social largement favorable à l’acceptation légale de l’euthanasie.
Dès 1984, le procès Schoohheim, au terme duquel la Cour suprême
prononça un non-lieu à l’encontre d’un généraliste qui avait supprimé
une patiente atteinte d’un cancer, avait créé un droit jurisprudentiel
qui dépénalisait de facto l’euthanasie.
Par la suite, un rapport publié en 1996 – donc avant l’entrée en
vigueur de la loi – révéla qu’entre 1990 et 1995, sur les 6324 cas d’euthanasie répertoriés, 13 seulement donnèrent lieu à un procès, chacun suivi d’un non-lieu.
Pour entériner définitivement ce choix de société, le gouvernement batave décide avec la loi du 12 avril 2001 d’introduire une excuse exonératoire de responsabilité pénale au profit du médecin qui euthanasie un malade en respectant un certain nombre de critères de minutie. Le praticien doit ainsi s’assurer que la demande d’euthanasie ou de suicide assisté est mûrement réfléchie et pleinement volontaire, que les « souffrances du patient sont insupportables » et qu’il a consulté un second médecin ayant approuvé par écrit la démarche. Cinq commissions régionales sont chargées de contrôler a posteriori le respect des critères de minutie ; en cas de violation de la procédure, un rapport est transmis au Collège des procureurs généraux qui a tout pouvoir pour se saisir de l’affaire et poursuivre le médecin.
L’enquête de Jean Léonetti
Que
se passe-t-il réellement sur le terrain pour que le Comité onusien des
droits de l’homme s’alarme de la sorte ? C’est le nouveau rapport
parlementaire sur la fin de vie signé par le député Jean Leonetti qui
va nous fournir d’intéressantes pistes de réponse. En effet, au cours
du travail d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative à la fin de
vie mené en 2008 à la demande du Premier ministre, la mission
parlementaire dirigée par Leonetti a effectué un voyage aux Pays-Bas
pour mieux se rendre compte de la réalité des pratiques hollandaises en
matière d’euthanasie.
On apprend ainsi que les directives de politique pénale édictées en 2006 par le ministère de la Justice hollandais n’évoquent plus que deux critères pour classer sans suite un protocole euthanasique : le consentement du malade et la présence de souffrances irrémissibles. Les Hollandais parlent de critères substantiels en l’absence desquels il deviendrait licite d’enclencher une procédure d’infraction. Ces circulaires prônent en effet l’absence de poursuite même si le médecin consultant n’a pas été sollicité pour donner son avis, et ce, alors même que la loi l’impose.
Évidemment, on voit mal un médecin rédiger explicitement dans son rapport que le patient qu’il a euthanasié ne souffrait pas ou ne le lui avait pas demandé. L’appréciation du médecin semble bien subjective, l’existence même de ce contrôle a posteriori faisant porter la vérification plus sur le respect technique de la procédure que sur la réalité objective des motifs médicaux.
Jean Leonetti n’a pu que relever cette ambiguïté qui consiste à revendiquer haut et fort un droit à l’autodisposition de soi pour s’en remettre en définitive à la décision toute-puissante du médecin. Fort judicieusement, il en conclut que « cette législation consacre un nouveau pouvoir médical [2] ».
Ne pas sanctionner
Au
final, depuis l’entrée en vigueur de la loi, aucune poursuite pénale
n’a été exercée à l’encontre d’un médecin. Vingt-quatre cas litigieux
en tout et pour tout ont fait l’objet d’une transmission par les
commissions de contrôle au Collège des procureurs généraux en six ans.
Dans tous les cas, les médecins concernés ont été invités à
s’entretenir avec le procureur de la reine pour un « simple rappel à la
loi ». Le chef du Collège a d’ailleurs estimé devant les députés
français que ce rappel à l’ordre suffisait, un renvoi des intéressés
devant les tribunaux étant contre-productif étant donné la
jurisprudence très conciliante pratiquée depuis vingt-cinq ans dans le
pays. Il existe donc une volonté tacite de ne pas sanctionner une
méconnaissance de la loi quand bien même elle serait avérée.
On a donc d’un côté la consécration d’un nouveau pouvoir où le médecin endosse simultanément les fonctions d’expertise, de décision et d’exécution de la sentence et de l’autre des commissions qui ne sont en fait que des chambres d’enregistrement des actes euthanasiques. Tout se passe comme si l’État avait mis en place un système administratif indépendant dédié aux affaires euthanasiques avec ses propres règles, ses pouvoirs, ses fonctionnaires, ses formulaires. Jean Leonetti en tire la leçon suivante : « L’absence totale de saisine judiciaire amène à s’interroger sur la réalité du contrôle a posteriori effectué : soit on est en présence d’un professionnalisme exceptionnel […], soit on est conduit à avoir des doutes sur la réalité de ce contrôle [3]. »
Comme on la vu, le Comité des droits de l’homme pointe le nombre important d’euthanasies annuelles : 1933 cas recensés par les autorités en 2005. Le dernier chiffre connu est celui de 2120 euthanasies pour l’année 2007, un taux qui reste très important. Ce que les experts des Nations-unies ne mentionnent pas, c’est la persistance d’actes cachés pratiqués en dehors du cadre légal. D’après une étude néerlandaise, 20 % des euthanasies ne sont pas déclarées, les pouvoirs publics estimant à 3600 leur nombre véritable. Pour Jean Leonetti, cette situation où deux euthanasies sur dix ne sont toujours pas déclarées « fragilise les vertus de transparence prêtées à cette législation par ses promoteurs [4] ».
Le caractère secret de l’euthanasie
En fait, la réalité de la fin de vie en Hollande montre que la dépénalisation de l’euthanasie
renforce le caractère secret de la pratique. Pourquoi ? D’abord parce
que les professionnels de santé déclarent sous couvert d’anonymat
qu’ils préfèrent s’épargner, à eux-mêmes et aux familles, les
désagréments d’un rappel à l’ordre, voire d’une poursuite judiciaire
dont le risque est pourtant nul. D’autre part parce qu’il existe
toujours des cas pour lesquels les exigences de minutie prévues par la
loi ne sont pas remplies, donc qui continueront à ne pas être déclarés.
Certains patients sont euthanasiés sans recueil de leur consentement,
toutes les parties jugeant qu’il en est mieux ainsi pour eux au vu de
leur qualité de vie médiocre. D’autres demandent le mort pour
une simple « fatigue de vivre », critère flou qui ne rentre
manifestement pas dans le cadre d’une souffrance insupportable.
Tout se déroule donc comme si la législation augmentait la permissivité et la tolérance envers l’acte euthanasique, à la fois chez les médecins et chez certains malades. Bref, une fois institutionnellement et officiellement approuvée et pratiquée, l’euthanasie développe sa propre dynamique et résiste à toutes les procédures de surveillance sensées la contenir.
S’exiler pour survivre
Il
existe enfin un dernier point extrêmement inquiétant qui était
jusqu’ici parfaitement méconnu. On l’a dit, la loi semble être
l’aboutissement d’une réflexion consensuelle de la société hollandaise
dans son ensemble. Pourtant, ce consensus paraît s’effriter plus qu’on
ne le pense. L’Ordre des médecins allemands fait état de l’installation
croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne,
notamment dans le Land frontalier de Rhénanie du Nord-Westphalie.
D’après la mission parlementaire française qui rapporte cette
information de taille, « s’y sont ouverts des établissements pour
personnes âgées accueillant des Néerlandais. C’est le cas notamment à
Bocholt. Ces personnes craignent en effet que leur entourage ne profite
de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N’ayant plus totalement
confiance dans les praticiens hollandais, soit elles s’adressent à des médecins allemands, soit elles s’installent en Allemagne.
De telles réactions dont la presse allemande s’est fait l’écho
démontrent que les pratiques médicales hollandaises sont mal vécues par
une partie de la population [5] ».
Loin d’être le théâtre d’un tourisme de la mort, la dépénalisation de l’euthanasie conduit bien au contraire à un exil des personnes les plus fragiles. Faudra-t-il que les Nations-unies fassent rentrer dans la catégorie des réfugiés les personnes malades, handicapées ou âgées qui émigrent par crainte d’être euthanasiées ?
Dernière leçon à tirer de tout cela. Des parlementaires français, tous partis confondus, n’ont de cesse depuis plusieurs mois de vouloir enfoncer un coin dans la loi Leonetti [6]. Dès qu’une niche législative le leur permet, ils ont la fâcheuse habitude de mordre en déposant des projets de loi qui ne sont souvent que de vulgaires copier-coller de la loi néerlandaise. La réalité que nous venons de décrire, qui vaut aux Pays-Bas d’être rappelés à l’ordre par le Comité des droits de l’homme des Nations-unies, suffit à discréditer sévèrement la démarche idéologique de ces députés.
07/11 21:13 - kemilein
heps ducon, toi qui a une bonne tete de vaincu.. une pilule que tu gobe et qui te fait faire (...)
07/11 14:31 - Manu
Parler de « suicide assisté » est extrêmement intéressant, car il est intéressant de soulever (...)
07/11 08:23 - j-p. bédol
A kiouty A vraie cause ? Quelle est, à vous, votre vraie cause ? J’essaierai de voir (...)
07/11 00:21 - kiouty
La mort est dramatique et souvent extremement brutale, c’est le dur lot de la condition (...)
05/11 10:46 - foufouille
"et moi j’ai envie de choisir (sauf accident) quand je mourais et comment, serais-je même (...)
05/11 09:53 - reivax
Le lien vers l’article recopie : http://www.libertepolitique.com/respect-de-la-vie/5552-euthan
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