Chère Ariane,
Je suis pessimiste, les politiques maqueraux-économiques qui broient les individus en les acculant à la pauvreté, à la mort, à l’exil dans des conditions dégradantes, ne seront pas infléchies par quelques dizaines ou centaines d’activistes. La majorité de la population se moque complètement de ces questions et fait quelques « bonnes actions » normalisées en poinçonnant périodiquement les cartes d’adhésion au système.
Et les protestataires, sont-ils si différents ? On est indigné, on voudrait que tout change, mais chacun repart gentiment dans son coin, incapable de jeter concrètement les bases d’une autre vie ensemble.
Et puis chaque groupuscule, chaque personne, a ses théories, ses idées, ses solutions, souvent en conflit avec les autres. Alors, de temps en temps, il y a quelques actions de protestation communes pour se tenir chaud et montrer qu’on existe, et puis tout retombe dans le quotidien bien contrôlé, fait de survie et de compromis amers, cette dure réalité qui broie les révoltes pour les transformer en résignation et en réformisme de bon aloi.
Faute de perspectives communes et de réelles transformations personnelles, nous sommes condamnés à tourner en rond et à singer la révolution. Les polices des gens « comme il faut » se contentent de surveiller nos cages, on nous jette quelques cacahuètes ou des coups de bâtons suivant les jours, il arrive même qu’on passe quelques secondes à la télévision s’ils ont besoin d’un peu de folklore ou de « justifier » les nouvelles mesures répressives.
Les portes automatiques s’ouvrent, je me retrouve seul sur le quai, dans la foule des braves gens anonymes qui ont en commun la volonté de meubler leurs solitudes de décors vides, par tous les moyens.
Je protesterai comme je le peux le 7 Décembre mais bon sans grandes illusions.
La gauche suicidée est morte vive la gauche résuscitée ?