Houria Bouteldja est celle qui pose sur le couverture de ce livre. Comme elle a co organisé des manifs cristallisant autour de l’idée que Dien Bien Phu a été non une défaite mais une victoire (de la liberté, de la fraternité) et comme j’ai plus de relations à Dien Bien Phu qu’elle, je veux en dire quelques mots.
Lorsqu’en France on parle de la victoire d’Austerlitz, avec le recul du temps, on sait ce que ça veut dire et on n’en tire aucune conclusion orgueilleuse. Lorsqu’en France on parle de la défaite de Waterloo, on sait tous ce que cela veut dire et on n’en tire aucune honte particulière. Les Français sont obligatoirement rattachés au camp de Napoléon et ils doivent appeler les défaites de N 1er des défaites et ses victoires des victoires. Mais en aucun moment, les Français d’aujourd’hui n’utilisent ces mots de défaite ou de victoire en ressentant un coup de la honte, un coup de la fierté. On pourrait même dire que dans bien des cas, pour bien des Français, ce qu’ils nomment victoire française leur file la honte et ce qu’ils nomment défaite française leur procure un sentiment de justice.
Il y a bien entendu des gens comme le colonel Bigeard qui prennent victoire et défaite au sens partisan et patriote. De sa part, c’est logique et il n’y a rien à redire à cela. Mais il est normal que les Français de moins de 40 ans parlent de la défaite française de Dien Bien Phu sans ressentir la moindre honte et en ressentant même que cette issue de la guerre d’Indochine était la bonne.
Alors faire comme Houria Bouteldja, jouer sur les mots, aller à dire que la défaite (française) de Dien Bien Phu était la victoire des colonisés revient à dire que la défaite de Waterloo était la victoire des opprimés. Cette requalification par adoption du point de vue de l’ennemi est littéralement juste, un Martien n’y trouverait rien à redire, mais dans son cas, elle ne fait ça que pour ranimer des rancoeurs que le temps a su éteindre.
Plus précisément, en tant que fils de cette colonisation indochinoise, si je peux comprendre qu’en 1954, la victoire de Giap sur les troupes françaises d’Indochine aient pu encourager les indépendantistes du Monde entier à se soulever, je n’admets pas que 60 ans plus tard une fille qui n’a rien à voir avec l’Indochine, se mette à s’en servir pour alimenter son feu de haine.
Si les Vietnamiens vivent aujourd’hui le plus pacifiquement du monde avec les Français, c’est parce qu’ayant vécu la colonisation indochinoise de près, ils ont pu en voir les avantages et les inconvénients. Ils ont pu voir le courage des soldats de Bigeard. Ils ont pu voir qu’en effet, faute de structure en dur, leur guérilla indépendantiste communiste (opérant comme les FARC) avait été obligée de sous-alimenter les soldats français prisonniers après leur défaite de Dien Bien Phu. Ils ont pu voir qu’au fond, ce sont les Français comme Hugo et Jaurès qui leur ont mis en tête des idées anti féodalité (féodalité à laquelle ils étaient habitués depuis des siècles, comme les Népalais, comme les Chinois, comme les Japonais, comme les Indiens, les Perses et les Arabes). C’est aussi parce qu’ils ont clairement vu ce que la colonisation avait également apporté de bon (Première université de médecine occidentale à Hanoï) Lycées, organisation des villes, réseau d’égouts, le tout à la sauce française certes, le tout vantant la France Impériale et effaçant le Viet Nam ancien certes, mais finalement avec la même sincérité que quand un personnage puissant adopte un enfant. Le puissant étouffe son adopté, en fait son jouet, certes mais sa démarche d’adoption est sincère.
Quand Angelina Jolie adopte une palanquée de gamins, elle part d’une idée sincère même si, in fine, elle découvre préfèrer passer son temps sur les tournages. Est-ce pour autant que ces gosses adoptés, coupés de leurs racines naturelles, gavés à la culture Bradjoliesque vont devoir faire procès à ce couple de cinéma ?
Les Français et les Viets ont tiré les bonnes leçons de l’épisode colonial et de la bataille de Dien Bien Phu et ils pacifient. Cette histoire construite au prix de leur sang et de leurs larmes, leur appartient. Ceux qui n’ont pas payé très cher pour participer à l’épopée de l’Indochine n’ont aucune légitimité pour l’instrumentaliser dans leur discours, surtout s’il ne va pas dans le sens de la pacification franco-vietnamienne actuelle.
Houria Bouteldja , si elle est d’origine algérienne, qu’elle se démerde avec les Algériens de l’époque coloniale pour exploiter l’Histoire de l’Algérie dans le sens qui l’arrange, mais qu’elle ne touche pas à l’Indochine avec des pattes pleines de haine.
Houria, les Viets n’en veulent pas de ton amour soudain pour eux. en 1973, ils avaient voulu l’amour de Jane Fonda quand ils étaient alors en guerre contre les EU et elle avait pris de très gros risques en trahissant l’Amérique. Maintenant, les Viets sont en paix aussi bien avec la France qu’avec les EU et ne veulent pas voir leur Histoire douloureuse être récupérée gratuitement par une pasionaria en manque de meilleurs arguments.