Selon Michel Neyreneuf, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement
chargé de l’urbanisme et du logement, les prières ont commencé dans la
rue au début des années 1990. « Mais il y a une explosion du nombre
de fidèles depuis trois ans. Notamment en raison de la fermeture de la
mosquée de la rue de Tanger, dans le XIXe, qui accueillait 3 000
personnes dans un ancien entrepôt que le propriétaire a fait abattre
dans l’espoir de construire une grande mosquée cathédrale sur fonds
privés. Mais il n’a pas encore trouvé les financements. La Mairie de
Paris a alors mis à disposition un grand local Porte de la Villette pour
les fidèles, mais les croyants se rabattent plutôt ici. Le local est
trop loin », explique-t-il.
Trop loin ? Pourtant, une partie des fidèles qui se retrouvent chaque
vendredi dans le XVIIIe viennent d’Aubervilliers et de Saint-Denis. En
témoignent les habitants arabophones du quartier, comme les plaques
d’immatriculation des véhicules garés dans les rues adjacentes à l’heure
de la prière. Certains invoquent le marché africain hebdomadaire, qui
rassemblerait les fidèles tant pour les courses que pour la prière. Il
faut savoir que dans le quartier, des grossistes tiennent commerce sous
enseignes de détaillants, ce qui, en sus d’être interdit par la loi,
provoque embouteillages et surpopulation les jours de marché. Il faut
savoir aussi que tout le monde ne vient pas écouter le même imam : on se
retrouverait plutôt fonction de nationalités d’origine, de langues
pratiquées, de points de vue théologiques. Même si « le sermon se fait toujours exclusivement en arabe »
.
La montée de l’islam politique a imprimé ici un
caractère idéologique. Tous les vendredis, les mosquées sont des
forums, des points d’accumulation de rapports de force.
Mohammed M. (1), d’origine algérienne, vit ici depuis le début des années 1960 : «
Ce n’est pas le vendredi mais le samedi matin que les Maghrébins
viennent de banlieue acheter leur couscous aux grossistes. Les gens qui
viennent le vendredi viennent car la mosquée de la rue Myrha est
politiquement marquée. Et ils s’y reconnaissent. C’est aussi le cas de
la mosquée de la rue Polonceau. Traditionnellement, au bled comme en
ville en Orient, les mosquées sont des lieux de convivialité et de
sociabilité : si vous débarquez sans connaître personne, vous vous y
ferez des amis ; si vous avez faim, vous pourrez y manger… Mais ce n’est
pas ce qui se produit en France de nos jours. La montée de l’islam
politique a imprimé ici un caractère idéologique. Tous les vendredis,
les mosquées sont des forums, des points d’accumulation de rapports de
force. »
Source