on ne vous a JAMAIS entendu parler de ça, mossieu Dupont
L’affaire, qui mêle les saveurs du roman d’aventure et de l’intrigue diplomatique, embarrasse depuis trois ans Paris autant que Tunis. Ces derniers jours, elle enflamme le barreau d’Ajaccio où plusieurs avocats fulminent contre le ministère pu blic. Début août, le procureur général de Bastia a en effet annoncé que le procès d’un important dossier de vol de yachts, qui s’ouvre aujourd’hui à Ajaccio, se tiendrait en l’ab sence de ses deux commanditaires présumés - qui se trouvent être les frères Trabelsi, neveux du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. « Curieusement, la justice française s’apprête donc à juger les lampistes tout en se désintéressant des auteurs principaux parce que Paris craint de froisser Tunis », grince Me Jean-Michel Mariaggi, qui défend l’un des onze prévenus.
Le 8 août, c’est donc contre toute attente que le procureur général de Bastia a annoncé qu’il ne citerait pas les Trabelsi, mis en examen à comparaître devant le tribunal, préférant dénoncer les faits qui les concernent à la justice tunisienne. Révoltés, les avocats de plusieurs autres prévenus comptent bien demander aujourd’hui le renvoi du procès. L’un d’eux, Me Antoine Sollacaro, tonne : « Je savais que la Tunisie avait été un protectorat français. J’ignorais que la Corse fût désormais une colonie tunisienne. »
Soupçonnés d’avoir commandité trois vols de yachts amarrés en France, Imed et Moez Trabelsi ont été mis en cause durant l’instruction par plusieurs mis en examen. Évoquant l’arrivée du Beru Ma dans le port de Sidi Bou Saïd, l’un d’eux a raconté au juge : « Le bateau a plu à Imed Trabelsi et celui-ci m’a dit qu’il allait le garder et qu’il fallait aller faire les papiers à la douane. (…) Au début, le douanier a dit que ce n’était pas possible de faire les papiers. Imed Trabelsi a dit : “Comment cela, ce n’est pas possible ? Tu sais à qui tu parles ?” Il a fait pression sur le douanier et au final, celui-ci a accepté de faire les papiers en contrepartie du paiement de la taxe de luxe et d’une somme d’argent qu’il a versée au noir. »
S’agissant de Moez Trabelsi, un autre suspect a précisé en garde à vue : « Lorsque, le premier soir, nous sommes arrivés à Bizerte, c’est dans sa BMW que nous avons été à Tunis. En route, il y avait un contrôle radar que nous avons passé à plus de 200 km/h. Lorsque Trabelsi a été flashé, il a freiné brusquement puis a fait marche arrière sur plusieurs centaines de mètres pour aller à hauteur du point de contrôle. Il est sorti de voiture, a pris le radar et l’a fracassé contre la voiture de police, tapant le policier avec. »