Herr Doc,
fast réponse
Même mouvement de modernité dans la sphère d’influence anglo-saxonne
(Egypte) et française ( que la Tunisie en attendant) ou cependant des
différences... ?
Disons que les aspirations
(liberté, dignité,etc…) se rejoignent et avalise ce concept (certes valise mais va
falloir en inventer d’autres au fur et à mesure) de post-islamisme mais il y a
tout de même des différences : non seulement entre Maghreb et Machrek mais
aussi selon les pays.
Pour faire court : on a des
différences manifestes : 1 le
rapport au vécu/ressenti colonial (et donc la relation actuelle mais surtout future avec l’Occident) : beaucoup
plus prégnant au Maghreb que plus à l’Est : si dans le Maghreb le début du
XXè siècle renvoie au colonialisme : côté P.O, M.O il y renvoie certes
mais sous sa forme britannique (beaucoup moins jacobine) et aussi et surtout à la Nahda (le moment historique où ont été pensé les deux courants historiques (panarabisme&(pan)islamisme) qui ont marqué l’ordre ancien que les révolutions en cours tentent d’abattre) ;
ce qui 2 engendre des différences aussi dans le patrimoine
idéologique/politique où d’un côté on a surtout eu des luttes d’indépendance
(des héros de la libération comme figures emblématiques) alors que de l’autre
on a déjà toute une somme idéologique, politique, etc… quant au rapport à l’Occident,
à la modernité vs religion… (donc des figures héroïques plus des penseurs…attention
ça ne veut pas dire qu’il n’y en pas ou pas eu côté Maghreb ; juste dans
la conscience collective : les figures emblématiques sont plus liés à la
décolonisation et le patrimoine idéologique de référence est avant tout construit là-dessus) > disons que côté Maghreb : on est entre le ressenti et
le complexe face à l’Occident ;
côté Machrek on est beaucoup moins complexé et on est plus dans l’optique de
prendre ce qu’il y a d’utile ou de bon côté Occidental et l’intégrer au
patrimoine existant ou l’arabiser/islamiser : bref pragmatisme anglosaxon ayant déteint.
Dans la
perspective maghrébine, c’est beaucoup plus compliqué : d’autant plus avec l’importante
diaspora en Europe : diaspora qui n’a d’ailleurs pas le même profil : essentiellement pour raisons économiques alors que côté Machrek le rapport entre opposition politique/ exil ou diaspora est beaucoup plus évident : ce qui entraîne que les diasporas du Machrek me semblent plus en phase avec ceux restés au pays que celles du Maghreb où et déculturation et radicalisation ont contribué à largement déconnecter immigrés et locaux. Bref : il y a par exemple une dimension politique (voir religieuse) dans le cas de la diaspora égyptienne beaucoup plus évidente que pour la diaspora marocaine et donc un rapport au pays et un intérêt quant à son évolution somme toute différent.
Puis 3 en raison de colonisateurs différents : impact direct sur l’intelligentsia ainsi que les potentiels futurs leaders : et
sans vouloir être méchant entre un jeune machrékin
passé par un campus de la Côte Est US ou sur l’île d’Albion et un maghrébin
inscrit à Montpellier ou à la Sorbonne : il y a des différences manifestes
(ce qui serait d’ailleurs le cas entre un étudiant français habitué à la tutelle
des syndicats étudiants et un étudiant américain au fait de toutes les
stratégies et du marketing en matière d’action politique)…tout cela pour dire
que avoir x classes d’âge de diplômés sortis des universités US ou brit est un
avantage certain dés lors qu’on parle com, marketing, action, lobbying, campagnes médias,
etc…beaucoup plus pragmatique voir efficace l’action politique côté anglo-saxon :
sans compter que l’impact est beaucoup plus large dés lors qu’on conjugue et en
arabe et en anglais.
(un autre wiener d’adoption, le très-médiatique
Baradaï a juste découvert récemment que le board d’Harvard comptait une bonne
quinzaine d’Egyptiens…)
Bien entendu, ici je n’émets pas
de jugement de valeur au niveau individuel mais considère la suite des événements
au niveau global/local où il y aura un besoin urgent d’avoir une/des élite(s)
capable d’assurer avec pragmatisme&efficacité la continuation du processus : et donc mon avis
personnel est de considérer que le Machrek a plus d’atouts que ce soit au niveau
local ou dans sa diaspora. (enfin un petit 4.
un contexte multiconfessionnel (chrétiens/musulmans) inconnu au Maghreb)…et
bien entendu dans le cas de l’Egypte, on peut difficilement trouver dans l’histoire
contemporaine, un pays arabe qui était aussi proche de l’idée de pôle ou centre
(du monde arabe) que l’Egypte l’a été.
Mais en dépit de ces différences :
les deux mondes arabes communiquent : une donnée essentielle souvent
oubliée est l’usage d’une langue commune de Tanger à Sanaa : support via
internet d’une diffusion autant intensive qu’instantanée de tout ce qui agite
le monde arabe actuellement.
Disons que les mécaniques ou
situations ne sont certes pas les mêmes mais il y a bien une mécanique globale/panarabe en marche au sein du monde
arabe qui pour l’instant n’a pas de centre ou d’origine précise mais la
destination elle est bien la même : la fin de l’ordre ancien.