Quel est le coût du laissez-faire ?
Cette question a fait l’objet de plusieurs tentatives de chiffrage, aux résultats très disparates. La plus célèbre est le Rapport Stern, publié en 2006 à la demande du gouvernement britannique. Ce rapport aboutit à l’estimation d’une perte de PIB de 5% à 20%, à l’échelle mondiale et à l’horizon 2100, sans que l’on sache s’il s’agit d’une perte annuelle ou d’une perte globable cumulée sur 100 ans, le rapport se contredisant lui-même entre le résumé pour les décideurs politiques et l’étude détaillée de 800 pages. Vous pourrez lire bientôt un article que je suis en train de rédiger sur ces sujets.
La politique européenne actuelle se fonde à la fois sur les rapports du GIEC et sur celui de Stern. Les uns et les autres font l’objet de controverses. Selon qu’on considère ces rapports comme fiables à 100% ou qu’on les estime erronés, la réponse à la question posée diffère. Dans le premier cas, on conclut à des pertes si on se maintient dans une politique « business as usual », dans le second cas, c’est l’intervention publique dans l’économie qui conduit à des pertes.
Le coût de l’intervention par une politique de « décarbonisation » résolue pèse n’importe comment sur l’économie, et les bénéfices éventuels se situent à long terme, cinq à dix décennies. Chiffrer ces bénéfices futurs éventuels est un exercice très théorique, bien sur, car le futur dépend d’un nombre d’éventualités tel qu’il n’est pas possible de les prendre en compte dans un modèle, ni les recenser.
Autre aspect à considérer : dans la double hypothèse où les conclusions du GIEC seraient confirmées, et que les solutions actuellement retenues seraient efficaces, c’est à dire permettraient à l’humanité de changer l’évolution du climat, des résultats positifs ne seraient possibles que si tous les pays du monde prenaient effectivement des mesures drastiques, qui auraient un coût élevé, mais qui pourraient peut-être se justifier par les objectifs à long terme. Si l’Europe est seule à réagir, ce qui est le cas présent, et ce qui risque de durer longtemps, alors elle perdra sur les deux tableaux, en s’imposant de lourds sacrifices dans les dix ans à venir, et en subissant les conséquences de l’évolution future du climat dans quelques décennies, malgré ses efforts. Dans ces conditions, il semble préférable de se donner les moyens de réagir ultérieurement aux évolutions du climat, quelles qu’elles soient, ce qui commande d’abord que nous nous assurions une bonne santé économique.
Quel est le coût de la pénurie énergétique ?
L’inventaire actuel des ressources de toutes les énergies disponibles ou en cours de développement montre que les potentiels sont globalement suffisants, pour plusieurs décennies avec le bouquet énergétique actuel, et pour des milliers d’années avec l’évolution prévisible du bouquet énergétique en faveur de l’électricité et des innovations dans le domaine de l’énergie. La question critique est celle du pétrole, puisque nombre d’experts pensaient que nous avions atteint le pic de production ou que nous allions l’atteindre très bientôt. Or les développements technologiques récents en matière d’exploration et d’exploitation pétrolière permettent d’accroitre assez considérablement les quantités de pétrole conventionnel dont l’extraction devient possible, et la mise en valeur de quantités considérables de pétrole non conventionnel fait que les approvisionnements sont garantis pour un grand nombre de décennies, même avec une demande croissante (sable bitumineux au Canada et au Vénézuela, dont l’exploitation est déjà rentable, et schistes bitumineux partout dans le monde, rentabilisables sous certaines conditions de prix du marché des carburants). En fait, la pénurie pourrait ne pas provenir d’un manque de ressources pétrolières, mais d’un manque de capitaux, la mise en oeuvre de toutes ces technologies exigeant des capitaux considérables et pouvant se heurter aux limites actuelles des capacités d’investissement des agents économiques. Ces investissements sont rentables, aux prix actuels du pétrole, encore faut-il avoir le capital initial nécessaire.
Ce qui est sur, c’est que la mise en oeuvre de ces technologies pétrolières sera étalée dans le temps, et que nous dépendons actuellement beaucoup trop de réserves massivement concentrées au Proche Orient. Qu’il survienne des événements tels que guerre régionale, ou arrivée généralisée au pouvoir des pays du Golfe Persique de régimes extrémistes utilisant l’embargo pétrolier, et qu’il en résulte une coupure durable d’approvisionnement en Europe, nous nous retrouverions en plein désastre économique. Le prix de la pénurie est alors dramatique.
Sinon, le prix de la pénurie ordinaire, c’est l’augmentation du prix du pétrole. A cela, il faut bien s’adapter. Mais on peut limiter ces hausses en développant des produits qui concurrencent le pétrole conventionnel, c’est à dire les pétroles conventionnels, et/ou l’éthanol et les biofuels. Faut-ll que les Etats interviennent dans cette évolution ? faut-il laisser faire les agents économiques ? Libéraux et dirigistes ont des réponses qui diffèrent.