Jako dit, « vivement la même en France »
Cette soirée Muti-Verdi-Sconi était un des moments les plus émouvants qu’un public puisse vivre et j’aurais aimé y être.
Mais l’évènement est conçu, fait et vécu pour rester limité à cette salle, à cette soirée. Il est également fait pour être raconté et faire fable. L’évènement peut servir de point d’appui à un discours de sursaut national mais il ne peut pas aller au-delà de sa symbolique. Cette soirée n’est pas un programme, ce n’est même pas une doléance précise, c’est juste un point d’orgue d’un sentiment d’humiliation que vivent les Italiens.
L’humiliation que ressentent les Italiens, les Français la ressentent aussi mais pour d’autres raisons. Idem pour les Allemands, les Chinois, les Japonais. Nous subissons tous des humiliations différentes.
Hormis les différences de cas et de personnes, il y a depuis 30 ans, et ça c’est inédit dans l’Histoire, un dénominateur commun à nos humiliations. Nous partageons l’effarement de la découverte que nous sommes dans une nasse tissée par nous-mêmes.
Parce que beaucoup de Terriens ont désormais l’oreille sensibilisée à Verdi, Nabucco peut nous rassembler tous en une géoséance de larmes très émouvante mais ce sera pour pleurer sur notre sort de maîtres-esclaves, de piégeurs-piégés et nous tenir la main pour marquer notre communauté de désespoir.
Ca ne constituera toujours pas un programme pour sortir de cette funeste perspective dans laquelle il n’y a pas d’autres méchants que les victimes. Un programme peut jaillir de cette fraternité doloriste mais il reste entièrement à faire...