C’est une fois hors de l’onde que le
poisson se met à aimer passionnément son élément... Voici ce que je ressens pour
la France, lorsque je m’attarde trop longtemps en terre étrangère
:
Un ciel, une terre, un pays sont loin de mes yeux. J’ai
quitté mon sol natal, un royaume de petits riens mystérieux et de grandes choses
familières, et je n’entends plus aujourd’hui le chant du vent dans les herbes
folles.
Tout un monde me manque. Cette terre quittée, ce lointain pays
d’origine, ce cher empire, pour vous le nommer ici permettez-moi d’y mettre un
peu d’esprit et beaucoup de cœur. Ce paisible royaume, ce séjour plein de
quiétude, ces rivages aux ondes sereines, c’est tout humblement la
France.
Quel expatrié pourrait sans rougir renier plus de dix jours ce
pays aux mille châteaux où coulent des ruisseaux sages de vins âgés, où
s’élèvent, dressées sur leurs pieds puants, des montagnes de fromages vifs, où
des poètes ivres chantent des vers suaves et féroces ?
Ma France, ma
terre, mon berceau, mon alcôve et ma tombe, je n’ai qu’un mot pour elle :
NOSTALGIE. Oui, j’ai l’honneur d’aimer la France. Nulle autre contrée ne saurait
consoler mon coeur exilé, et je donnerais l’Empire State Building, et encore
tous les monts de l’Olympe, pour un plateau de fromages de mon pays.
Je
déteste Paris, je hais sa triste banlieue et j’exècre encore tous ses habitants
aux regards moroses. Je vomis sur la banalité et l’ennui des dimanches
provinciaux aux heures molles pleines de torpeur ensoleillée. Et pourtant, qu’il
est doux mon amour pour la France !
Je vous parlerais volontiers de ces
petits clochers de villages qui sonnent les heures discrètes des jours qui
passent. Ou bien de ces sentiers perdus, pavés ou non, où souvent l’Histoire
croise la Poésie et où se concertent muses et troubadours. Ou encore de ces
chères demeures hantées par leur propre charme, habitées par les pierres
elles-mêmes, lesquelles ont une âme en ce beau pays de France...
Mais
tout ceci est un secret. Un délicieux mystère commun à ses habitants. Elle est
là. Vous la trouverez au bout de ma plume, à la fin de cette lettre, et mon
coeur se serre. Regardez-la, écoutez-la, sentez-la, respirez-la chaque jour
depuis vos fenêtres en ville, admirez-la à travers champs et chemins de
campagne, c’est elle, c’est la mienne, c’est la vôtre, c’est notre FRANCE.