Tant qu’un Titanic, un TGV ou une centrale va selon le train qui fonde son autorité, nul ne songe à dire une « ânerie ». Même une candiderie « Euh, chef, ça sert à quoi d’aller plus vite » vaut être envoyé à Sainte Anne.
Mais dès qu’une machine autoritaire, un système bancaire, un système économique, un système énergétique, avoue une catastrophe, n’importe qui se sent autorisé à dire n’importe quoi.
Avant Fukushima, personne sur AVox ne se serait permis de se poser en expert du nucléaire. Depuis un mois, on ne compte plus les éleveurs de poules, les conducteurs de car, les danseurs et les juristes qui citent à tout bout de champ des Sievert, des Becquerel, des coriums et des MOX.
Comment veux-tu, devant le spectacle de la déconfiture totale des responsables de Fuku, devant leur tentatives allant du canons à eau en la sciure de bois en passant par la colle Nutella, résister à l’envie de proposer son taille-haie, son escabeau et son amateurisme ?
Quand le professionnalisme prouve qu’il n’existait pas, qu’il n’était que façade, que théâtre et comédie, comment s’empêcher de monter sur scène pour y faire un ti numéro devant papa, maman et tata Gisèle ?
Je trouve que c’est non seulement normal, mais même que c’est bien. Il est sain que les Autorités soient régulièrement renversées à la faveur de quelque chute d’escalier et qu’elles laissent la place à de nouvelles.
Toutefois, cette rotation, des Autorités et Valeurs n’est intéressante que pour autant qu’à chaque rupture, on puisse revenir au Bon sens d’abord, c’est à dire en se fiant à ses sens que sont la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût.
Malheureusement, contrairement au naufrage du Titanic ou à l’incendie de Londres que même un Papou aurait pu comprendre, nous allons de plus en plus vers des systèmes construits sur un échafaudage d’Autorités multiples, en réseau et fondées sur des transcendances. Tant et si bien que les catastrophes modernes (Sang contaminé, WTC, Bhopal, subprimes, Tchernobyl, médiator) échappent à toute analyse par nos 5 sens.
Les Anciens avaient dix dieux, tous rivaux, les uns disant de faire lorsque d’autres disaient de ne pas faire. Quand l’un deux préconisait de faire une guerre et qu’elle se terminait en désastre, il était boudé et on écoutait mieux ceux qui avaient préconisé de s’abstenir.
Quand on est passé au monothéisme, on a construit tous nos châteaux autour d’un dieu unique qui disait « Croissez et multipliez-vous ». Le républicanisme magnifique, soi-disant laïque, n’a rien changé à cette habitude de ne plus voir les choses que sous un seul angle, celui de la croissance, celui du développement.
« Sous-développés » étaient les peuples qui traînaient à se moderniser.
Alors quand Fukushima explose d’en avoir trop fait, la réponse de ce monothéisme laïque en ouroboros est qu’il faut l’exploser pour mieux faire.
Concernant les questions que pose Béta.
Je ne saurais quantifier. Mais chacun de nous peut poser son avis d’un point de vue éthique, moral ou philosophique sur la question suivante :
Doit-on, si c’est techniquement possible, se partager Fukushima ?
Posons qu’il soit possible de se partager la radio activité par exemple en envoyant à la mer les jus de refroidissement et posons que ce partage puisse être absolument homogène sur la Planète. Posons que ça nous fera à tous un facteur de cancer multiplié par 10, que pour chacun de nous, ce soit 2 ans de vie de moins au compteur.
On partage ou pas ?
Je vois déjà une première réponse très claire à cette hypothèse. Je trouverais du sens à partager avec les Japonais mais je refuserais que les Papous, les baleines et les serpents aient leur part.
La première chose que j’exigerais serait que ce partage ne soit pas homogène et qu’il ne se fasse qu’entre nations nucléarisée et à due proportion de leur niveau de nucléarisation.
Se poserait alors la question des habitants antinucléaires de ces nations nucléarisées mais je leur dirais que c’est le lot d’un national que de subir les contraintes nationales. Ils auront le droit d’aller dans les pays qui ne seront pas taxés mais s’ils restent ici, ils subiront la peine qui frappera tous les Français.
Je refuse que les Papous et autres Karen aient à subir la punition du nucléaire et je serais d’accord pour partager la radioactivité avec les Japonais, les Américains, les Allemands etc. Etant donné le fort taux de nucléarisation des Français, ça me conduirait à subir autant de radiations qu’un Japonais et je l’accepterais.
J’exigerais donc qu’on privilégie une solution de partage des radiations entre nations pronucléaires à une solution de partage universel.
Partant de là, et s’il n’y a aucune autre solution technique que d’envoyer les jus de refroidissement dans des containers, je serais d’accord pour que nous ayons notre lot à conserver chez nous et en métropole, tout près de Paris, pas sur l’île des Pins ni sur Marie-Galante.
Ce débat sur le partage de la merde ouvrira aussi celui des poubelles en général et devrait régler la tendance consistant à expédier nos saloperies dans des pays aux populations sous-développées dont on abuse.
Par ailleurs, je lis ici et là des réflexions sur le moutonnisme des Japonais qui nous semblent être trop dociles ou résignés. Ce débat sur le partage de la radioactivité devrait rappeler à certains qu’en principe nous devrions être très solidaires d’eux, surtout en tant que fournisseurs de combustibles. Nous devrions considérer que nous avons notre part de radiation à prendre dans la gueule. Nous devrions nous considérés comme étant déjà aussi irradiés qu’eux et voir alors que nous aussi, nous restons bien passifs.
Dans nos pantoufles nous attendons que les Maghrébins renversent leur raïs en sacrifiant leur sang afin que par magie, notre révolution soit faite. Nous attendons aussi que les Japonais ferment leurs centrales en grillant sous les radiations afin que par magie, nous sortions du nucléaire. Mais nous trouvons qu’ils manquent d’ardeur à la tâche ces niacs.