La résistance écologique
La résistance à laquelle en appelle Isabelle Stengers depuis quelques
années prend, dans son nouvel essai, la forme inédite d’une résistance
“écologique”. “Nous ne pouvons pas”, écrit-elle, “nous ne pouvons
surtout pas laisser aux responsables des désastres qui s’annoncent la
charge d’y répondre. C’est à nous de créer une manière de répondre, pour
nous mais aussi pour les innombrables espèces vivantes que nous
entraînons dans la catastrophe.” De ce point de vue, ce qui manque le
plus à l’écologie politique est un art de remettre en politique les
affaires de l’écologie, en refusant d’emblée les termes de l’alternative
infernale qui paralyse et empoisonne la pensée : soit la croissance et
la compétition, soit la ruine de l’État et la faim dans le monde. Il
reste à inventer ce que l’on pourrait appeler une pragmatique des
situations de catastrophes écologiques, c’est-à-dire un ensemble
d’expériences pratiques, de techniques ou d’artifices capables de
produire “les capacités collectives de se mêler des questions qui
concernent l’avenir commun, et de se mêler d’abord de la manière dont
ces questions sont formulées”. L’enjeu de la réflexion n’est pas, et
ne peut pas être, celui de dire quel “autre monde” est possible, car “la
réponse appartient à un processus de création dont il serait insensé et
dangereux de sous-estimer la difficulté terrible”, mais de rendre
d’abord et avant tout sensible au caractère inédit de ce qui arrive et
qui n’a été ni voulu ni préparé par personne, et auquel nous devons
pourtant répondre.
Isabelle Stengers : “Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient”
VIDEO avec siné