La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu, ce 28 avril, un arrêt de portée considérable,
qui marque un coup d’arrêt majeur aux politiques de pénalisation des
étrangers en situation administrative irrégulière, en vigueur dans
nombre d’États membres dont la France.
Monsieur EL DRIDI avait
fait l’objet d’une mesure d’expulsion prise par le préfet de Turin
(Italie), suivie d’un ordre d’éloignement auquel il ne s’était pas
conformé. Poursuivi devant la juridiction pénale italienne, il était
passible d’une peine de un à cinq ans d’emprisonnement pour le simple
fait de s’être maintenu sur le territoire italien malgré cet ordre.
Saisie de son cas, la Cour d’appel de Trente a opportunément demandé à
la CJUE si cette législation pénale n’était pas contraire aux
dispositions de la directive du 16 décembre 2008 fixant les procédures à
appliquer au retour des ressortissants étrangers en séjour irrégulier.
Rappelant que cette dernière établit « une gradation des mesures à prendre en vue de l’exécution de la décision de retour » et qu’elle « subordonne expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d’efficacité »,
la Cour confirme qu’une législation prévoyant une peine
d’emprisonnement pour le seul motif qu’un étranger se trouve présent de
manière irrégulière sur le territoire malgré l’ordre qui lui a été donné
de la quitter est contraire à la directive.
Or, la législation
française n’a rien à envier aux dispositions de la loi italienne. Le
Code de l’entrée et du séjour des étrangers punit en effet de trois ans
d’emprisonnement le fait de se soustraire à l’exécution d’un arrêté
d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une
obligation de quitter le territoire français ou de revenir sur le
territoire malgré une décision d’interdiction.
Ainsi, ce sont chaque
année plusieurs milliers de personnes qui comparaissent devant les
tribunaux et sont condamnées à des peines d’emprisonnement uniquement du
fait de leur situation administrative.
Dès aujourd’hui, les juges français, liés par cette décision de première importance, doivent « laisser inappliquée »
toute disposition légale contraire à l’arrêt de la Cour, c’est-à-dire
refuser de condamner à l’emprisonnement tout étranger qui ne s’est pas
conformé à une décision administrative ou judiciaire d’éloignement.
Dès demain, il
appartiendra au gouvernement de mettre la législation française en
conformité avec le droit de l’Union en supprimant purement et simplement
toute peine d’emprisonnement. Il faut à cet égard espérer que les
arguments pitoyables qui avaient été utilisés pour tenter de contrer les
arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme sur la garde à vue
(qui, c’est bien connu, ne s’appliquaient qu’à la Turquie…) ne
refleuriront pas.
La France avait jusqu’au
24 décembre 2010 pour transposer la « directive retour ». Le projet de
loi de transposition, dont l’examen s’achève, sera soumis à une
commission mixte paritaire dans les prochains jours. Le gouvernement va
donc devoir réviser sa copie avant même de l’avoir achevée : c’est en
effet une de ses marques de fabrique que de n’avoir, une fois de plus,
absolument rien anticipé de l’arrêt qui a été rendu hier…
Pour nos organisations en
revanche, la décision du 28 avril 2011 marque une victoire déterminante
dans le combat qu’elles mènent depuis toujours contre la conception
punitive de la politique migratoire, conception que l’actuel
gouvernement n’a cessé de légitimer.
Paris, le 29 avril 2011
Organisations signataires :
-
ADDE (Avocats pour les défense des droits des étrangers)
-
Fasti (Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés)
-
Gisti
-
La Cimade
-
Pratiques, les cahiers de médecine utopique
-
SAF (Syndicat des avocats de France)
-
SMG (Syndicat de la médecine générale)
-
Syndicat de la magistrature