On désigne par ce terme une perturbation majeure de
la surface solaire. Celle-ci est constituée de plasma ou particules de
haute énergie. Ordinairement, de telles particules échappent de la
surface sous la forme bien connue des « vents solaires ». Lorsque
certaines d’entre elles rencontrent la magnétosphère terrestre en haute
atmosphère, elles produisent, particulièrement aux pôles, des « aurores
boréales ».
Mais périodiquement le vent solaire transporte des sphères de plasma de
plus d’un milliard de tonnes, qui sont éjectées de la couronne de façon
centrifuge, dans des directions variées. Il s’agit de phénomènes
localisés, se produisant sur le mode aléatoire, associés généralement
aux taches solaires et aux périodes de forte activité solaire, l’une des
prochaines devant se produire en 2012. Pourquoi des CME ? Les
mouvements chaotiques des particules chargées, se produisant dans la
haute atmosphère solaire, créent des champs magnétiques violents,
instables, qui peuvent se reconfigurer dans ce que l’on désigne par le
terme de « reconnection ». Il s’agit de phénomènes extrêmement puissants
à la source des CME évoquées ici. Si l’une de ces éjections se dirige
vers la Terre, elle accélère sous l’effet de la gravitation et le champ
magnétique intense qu’elle représente interfère rapidement avec la
magnétosphère terrestre, qui joue habituellement un rôle protecteur.
Dans la mesure où les deux champs seraient de même sens, il ne se
produirait pas grand-chose. Par contre, s’ils étaient en sens opposé, la
CME éventrerait la magnétosphère terrestre et les particules chargées
envahiraient l’espace terrestre, provoquant des catastrophes
électro-magnétiques en chaîne.
Catastrophes en chaîne
Le premier résultat serait l’induction de courants électriques continus
anormalement forts dans tous les réseaux interconnectés de production et
de distribution d’électricité. Les transformateurs fondraient les uns
après les autres en quelques dizaines de secondes, comme la plupart des
câbles de diverses tensions répartissant le courant. C’est ce qui se
produit à toute petite échelle lors de surtensions locales des « grids
», n’ayant rien à voir avec une CME, telles que celle étant survenue au
Québec en 1989. Les centrales classiques et nucléaires seraient
également incapacitées, ainsi bien entendu que tous les appareils
électriques, radioélectriques et téléphonique utilisant du courant basse
tension.
Il en résulterait que, comme dans le cas d’une explosion à énergie
pulsée d’origine criminelle se produisant en haute atmosphère, des
millions de personnes seraient immédiatement privées d’eau,
d’alimentation, de transport, de chauffage et de soins. Leur mort serait
inévitable en quelques jours. Avec l’interconnexion mondiale des
réseaux, les désastres et les morts s’étendraient ensuite à l’ensemble
des zones habitées.
Un phénomène de cette nature, sans doute de moindre ampleur, avait été
observé en 1859 par l’astronome amateur britannique Richard Carrington
et par bien d’autres témoins, émanant de tâches solaires
particulièrement importantes. Mais les équipements de cette époque se
limitaient à des magnétomètres et à un réseau de télégraphie mondial.
Les uns et l’autre furent fortement perturbés, sans conséquences
économiques graves.
Précautions
La Nasa avait mis en orbite en 1997 un satellite dit ACE (Advanced
Composition Explorer) destiné à observer le soleil en permanence, ainsi
que les vents solaires et leurs perturbations éventuelles. ACE peut
signaler entre 15 et 45 minutes l’arrivée d’une tempête magnétique
d’ampleur moyenne. Mais, outre que la sonde est vieillie et n’est pas en
voie de remplacement, faute de crédits, l’arrivée d’une CME serait si
rapide et si puissante qu’elle rendrait l’engin inutilisable.
De toutes façons, il n’existe pas de mesures actuellement prévues
destinées à blinder ou doubler par des matériels de rechange les
équipements électriques et magnétiques installés. Les gouvernements,
quand ils sont saisis du problème, estiment inutile d’agir, compte tenu
du fait que les dépenses à consentir seraient énormes, pour un risque
non avéré à court terme. Mais le même raisonnement, à plus petite
échelle, avait été tenu pour éviter de renforcer les digues de Louisiane
avant Katrina.
Nous croyons pour notre part qu’il conviendrait au contraire de prendre
dès maintenant différentes mesures de grande ampleur destinées à rendre
les équipements terrestres moins fragiles. Il s’agirait notamment,
malgré les coûts, de mettre un terme à la généralisation des
interconnections au sein des divers réseaux de distribution. Il faudrait
aussi, comme indiqué, blinder tous les équipements sensibles et tenir
en réserve des parcs de matériels de secours susceptibles d’intervenir
en cas de catastrophe.
Ce ne serait pas seulement dans la perspective d’une CME prochaine que
ces précautions seraient utiles, mais dans celle d’un conflit de haute
ou basse intensité utilisant des bombes dites EMP ou électromagnétiques à
énergie pulsée (voir notre article
http://www.automatesintelligents.com/echanges/2008/sep/bombeemp.html).
On peut penser aussi, en dehors de tout évènement électromagnétique
naturel ou de guerre, que la généralisation probable des conflits et
agressions s’en prenant dans le cadre de la crise systémique en cours à
tous les grands équipements fragiles rendrait très vite ces précautions
indispensables.
La National Science Academy américaine a produit il y a quelques
semaines un rapport très documenté sur cette question. Il convient de
s’y référer (voir ci-dessous). Malheureusement, il ne semble pas que ce
rapport ait éveillé beaucoup d’échos.