Cher JL,
C’est
une question de définition : l’élection
est un choix, le choix du meilleur, le meilleur= aristos.
Par définition, je dis bien par
définition, l’élection de représentants est une procédure aristocratique.
DONC, la démocratie ne peut PAS se fonder sur l’élection, qui est sa négation même.
Le seul suffrage universel compatible avec une démocratie digne de ce nom, c’est le vote DIRECT des citoyens présents à l’Assemblée, commune par commune.
Autrement dit, l’expression "démocratie représentative" est un oxymore, une contradiction dans les termes, une... incohérence.
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Je vous propose quelques citations utiles, à connaître, il me semble :
• « Les élections sont
aristocratiques et non démocratiques : elles introduisent un élément de choix
délibéré, de sélection des meilleurs citoyens, les aristoi, au lieu du
gouvernement par le peuple tout entier. » Aristote, Politique, IV, 1300b4-5.
•
« Ce sont les Grecs qui ont inventé les élections. C’est un fait historiquement
attesté. Ils ont peut-être eu tort, mais ils ont inventé les élections ! Qui
élisait-on à Athènes ? On n’élisait pas les magistrats. Les magistrats étaient
désignés par tirage au sort ou par rotation. Pour Aristote, souvenez-vous, un
citoyen est celui qui est capable de gouverner et d’être gouverné. Tout le
monde est capable de gouverner, donc on tire au sort. Pourquoi ? Parce que la
politique n’est pas une affaire de spécialistes. Il n’y a pas de science de la
politique. Je vous fais remarquer d’ailleurs que l’idée qu’il n’y a pas de
spécialistes de la politique et que les opinions se valent est la seule
justification raisonnable du principe majoritaire. » Cornélius Castoriadis,
Post scriptum sur l’insignifiance.
•
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à
faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils
dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce
serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est
pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler,
ne peut agir que par ses représentants. »
Abbé SIEYÈS, discours du 7 septembre 1789.
• « J’entends par jury un
certain nombre de citoyens PRIS AU HASARD et revêtus momentanément du droit de juger. (…) le jury est avant tout une institution politique ; on doit le considérer
comme un mode de la souveraineté du peuple ; il faut le rejeter entièrement
quand on repousse la souveraineté du peuple, ou le mettre en rapport avec les
autres lois qui établissent cette souveraineté. Le jury forme la partie de la
nation chargée d’assurer l’exécution des lois, comme les Chambres sont la
partie de la nation chargée de faire les lois ; et pour que la société soit
gouvernée d’une manière fixe et uniforme, il est nécessaire que la liste des
jurés s’étende ou se resserre avec celle des électeurs. (…)
De quelque manière qu’on applique le jury, il ne peut manquer d’exercer une
grande influence sur le caractère national ; mais cette influence s’accroît infiniment
à mesure qu’on l’introduit plus avant dans les matières civiles.
Le jury, et surtout le jury civil, sert
à donner à l’esprit de tous les citoyens une partie des habitudes de l’esprit
du juge ; et ces habitudes sont précisément celles qui préparent le mieux le peuple
à être libre.
Il répand dans toutes les classes le respect pour la chose jugée et l’idée
du droit. Ôtez ces deux choses, et l’amour de l’indépendance ne sera plus qu’une
passion destructive. Il enseigne aux
hommes la pratique de l’équité. Chacun, en jugeant son voisin, pense qu’il
pourra être jugé à son tour. Cela est vrai surtout du jury en matière
civile : il n’est presque personne qui craigne d’être un jour l’objet d’une
poursuite criminelle ; mais tout le monde peut avoir un procès.
Le jury apprend à chaque homme à ne pas
reculer devant la responsabilité de ses propres actes ; disposition virile,
sans laquelle il n’y a pas de vertu politique. Il revêt chaque citoyen d’une
sorte de magistrature ; il fait sentir à tous qu’ils ont des devoirs à remplir envers
la société, et qu’ils entrent dans son gouvernement.
En forçant les hommes à s’occuper d’autre
chose que de leurs propres affaires, il combat l’égoïsme individuel, qui est
comme la rouille des sociétés.
Le jury sert incroyablement à former le jugement et à augmenter les
lumières naturelles du peuple. C’est là, à mon avis, son plus grand avantage.
On doit le considérer comme une école
gratuite et toujours ouverte, où chaque juré vient s’instruire de ses
droits, où il entre en communication journalière avec les membres les plus
instruits et les plus éclairés des classes élevées, où les lois lui sont
enseignées d’une manière pratique, et sont mises à la portée de son
intelligence par les efforts des avocats, les avis du juge et les passions
mêmes des parties. Je pense qu’il faut principalement attribuer l’intelligence
pratique et le bon sens politique des Américains au long usage qu’ils ont fait
du jury en matière civile.
Je ne sais si le jury est utile à ceux qui ont des procès, mais je suis sûr
qu’il est très utile à ceux qui les jugent. Je le regarde comme l’un des moyens
les plus efficaces dont puisse se servir la société pour l’éducation du peuple.
» Tocqueville, « De la démocratie en Amérique », livre 1, partie 2, chapitre
VIII.
Je vous propose enfin de consulter cette compilation passionnante (je trouve) que j’ai composée sur ce sujet :
Bien à vous.
Étienne.
19/08 11:55 - Stéphane Bernard
Bonjour,Démocratie, dites-vous ?Je voudrais attirer votre attention sur une démarche de (...)
19/06 21:58 - Étienne Chouard
Bonsoir, Je donne ici le texte complet et mes sources pour la citation d’Aristote : (...)
15/06 01:41 - totof
bonsoir, je voudrais poser une question à Etienne Chouard si ce n’est pas trop tard. Vous (...)
07/06 07:27 - Étienne Chouard
Bonjour. Juste un mot avant de partir bosser : « La démocratie est un état où le peuple (...)
07/06 01:14 - Étienne Chouard
ReBonsoir. À la demande d’André Bellon, mon cher Raoul Marc (Jennar) a rédigé un billet (...)
07/06 01:09 - Étienne Chouard
Cher JL, C’est une question de définition : l’élection est un choix, le choix du (...)
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