J’ai réagit en quelques minutes juste après la lecture de l’article. Je m’en vais vous citer in extenso la partie de Triomphe et mort du droit naturel en révolution (F. Gauthier, Paris, PUF), sans reproduire toutefois les citations et notes de bas de page, ainsi que les références :
Chapitre 2 : Droit à l’existence ou loi martiale ? in Deuxième partie : Liberté, Égalité
« Que l’on nous permette ici un développement sur la loi martiale. L’historiographie de la Révolution française des XIX et XXè siècles a curieusement »oublié« son existence, et de na mentionne qu’à l’occasion de la fusillade du Champs-de-Mars, le 17 juillet 1791, à Paris. C’est A. Ado qui dans ses travaux sur les mouvements paysans a retrouvé bien des preuves de son application. Par ailleurs, l’historiographie a séparé la loi Le Chapelier de la loi martiale, sans doute parce que la loi Le Chapelier visait, entre autres, le droit de grève. Mais cette distinction dans les formes de répression qui souligne l’interdit du droit de grève, et »oublie« l’application de la loi martiale à toutes les autres formes du mouvement populaire, a un caractère anachronique, comme si la grève avait été, dans tous les temps et dans tous les lieux, la seule forme d’expression et de résistance des exploités.
[Je coupe ici un passage où l’auteure cite March Bloch sur les révoltes agraires]
La loi martiale a visé systématiquement toutes les formes d’expression populaire : la révolte agraire, les troubles de subsistance, les coalitions d’ouvriers, d’artisans, de moissonneurs, les mouvements armés comme les manifestations pacifiques y compris le droit de pétition, le droit de réunion et d’expression.
[Je coupe ici un (long) passage où l’auteure cite in extenso les articles organisant la loi martiale]
La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 est, elle aussi, un complément précis de la loi martiale, ce que nous allons maintenant démontrer.
L’objet de cette loi est de »prévenir tant les coalitions que formeraient les ouvriers pour faire augmenter le prix de la journée de travail [note personnelle : ces coalitions étaient interdites sous le système des métiers, et portaient le nom de « caquehans » ou « taquehans »], que celles que formeraient les entrepreneurs pour la faire diminuer.«
La loi Le Chapelier interdit le droit de réunion aux citoyens d’un même état, le droit de faire entre eux des conventions tendant à n’accorder qu’à un prix déterminé les secours de leur industrie ou de leurs travaux, le droit des mêmes de s’attrouper ainsi que le droit d’envoyer adresses et pétitions aux corps administratifs et municipaux, ainsi que de s’exprimer par affiche ou lettre circulaire.
[...]
Ce que fait la loi Le Chapelier, c’est de (sic) qualifier ces attroupements de »séditieux« , relevant donc de l’application de la loi martiale : [ici, citation du texte de la loi Le Chapelier]
[Je coupe un passage où l’auteure détaille et cite les lois des 20 et 26 juillet 1791]
Nous pensons avoir démontré que la loi Le Chapelier est un complément de la loi martiale. La loi du 26 juillet 1791 synthétise nettement la loi martiale du 21 octobre 1789 et ses compléments du 23 février 1790, du 14 juin 1791 [note personnelle : loi Le Chapelier], du 20 juillet 1791.
[...]
En ce temps-là, on ne dissociait pas loi martiale et loi Le Chapelier. Pourquoi l’aurait-on fait ? [...]
On peut s’étonner de l’esprit sélectif de l’historiographie, qui isola de l’ensemble de la loi martiale, la loi Le Chapelier, parce qu’elle réprimait ce qui apparu plus tard la forme par excellence des luttes de classe : la grève. N’a-t-on pas été jusqu’à croire que la loi martiale ne fut pas même appliquée, sauf à Paris, le 17 juillet 1791 ?
[Ici l’auteure cite Jaurès, qui distingue entre loi martiale et loi Le Chapelier]
Commentant la loi Le Chapelier, Jaurès s’étonne longuement que Robespierre comme Marat n’aient pas »compris« le caractère de classe de cette loi.
[...]
Or, Robespierre dénonce la loi martiale sous toutes ses formes, et n’établit pas de hiérarchie dans la répression du mouvement populaire.
A l’époque de la Révolution française, la révolte agraire, les émotions de subsistance, les coalitions d’ouvriers, urbains et ruraux, étaient donc présents ensemble, et inséparables du régime seigneurial maintenu par la Constituante, du processus de formation du marché privé de gros, et de l’entreprise capitaliste, agraire en particulier.
Si l’on veut bien poser la question dans les termes où elle se posait à l’époque : Robespierre a-t-il dénoncé la loi martiale qui tendait à réprimer toutes les formes du mouvement populaire, en établissant le despotisme du pouvoir exécutif militaire ? Il répondra : oui, sans cesse, et ce, jusqu’à son abolition votée par la Convention le 23 juin [note personnelle : et pas janvier, je me suis trompé dans mon message ci-dessus] 1793. Nous y reviendrons. »
J’espère qu’une citation aussi importante n’est pas illégale. Mme Gauthier (ou son éditeur), si vous lisez ceci et jugez que cela contrevient à la législation en vigueur sur la propriété intellectuelle, contactez je vous prie l’administration d’Agoravox pour qu’ils censurent ce message.
Elle y revient donc en pages 102 et 103 de son ouvrage (chapitre 5 : Notes sur la loi martiale, suite, toujours dans la deuxième partie) en citant les débats législatifs sur l’abolition de la loi martiale, et en mettant en avant ceux mentionnant la loi Le Chapelier (quoiqu’elle ne soit pas explicitement nommée ; l’habitude de discuter les textes législatifs antérieurs n’avait pas encore été prise).
Tout cela pour dire que oui, Robespierre a combattu et même obtenu l’abolition de la loi Le Chapelier.
Quant au système des métiers (dit aussi « corporations »), il n’a jamais été rétabli, mais il a persisté dans certaines professions et dans certaines régions (je pense notamment au Limousin et aux Ardennes) jusqu’au milieu du XIXème siècle, malgré son interdiction officielle. On conçoit alors que la Convention Nationale aurait eu du mal à imposer son interdiction autrement que de jure (ce qu’elle a maintenu). Pour en savoir plus sur les difficultés de l’administration républicaine à imposer les mesures de la Convention et des comités et la « continuité administrative » avant et après 1789 (et jusqu’à l’Empire, et même après la Restauration !), vous pouvez consulter une bonne dizaine d’articles parus dans les Annales historiques de la Révolution Française, ainsi que les ouvrages de nombreux historiens. J’ignore par contre si une monographie a été spécialement consacrée au sujet. Cela serait intéressant.
Pour répondre à votre question : « N’était-ce pas le meilleur système pour éviter l’extension illimitée de la propriété ? » je répondrais par « non ».
Suivant les provinces, suivant les corps, suivant les statuts octroyés, les métiers revêtaient des formes bien différentes. Il est certain que leur existence freinait l’accumulation de la fortune, au même titre que les innombrables octrois disposés partout sur le territoire, ainsi que les droits particuliers et la présence dans le même espace économique de dizaines de devises différentes (ce qui faisait la fortune des agents de change). Mais tout cela n’empêchait pas l’extension illimitée de la propriété, qu’elle soit mobilière ou immobilière, encore moins de la fortune. En témoignent les innombrables fortunes accumulées dans les villes (un exemple illustre : Jean Boinebroke, drapier de Douaix, qui se tire depuis qu’on a analysé les documents relatifs à son testament une réputation - à mon avis en partie injustifiée, quand on connaît les ressorts de l’économie urbaine médiévale - d’exploiteur sans vergogne chez bien des historiens du bas Moyen-Age).
11/02 23:04 - La Terreur et la Vertu
@ffi Ce monsieur ffi ne sait pas de quoi il parle. Robespierre a instauré le droit de vote (...)
04/02 17:35 - citoyenrené
12/11 21:24 - Axel de Saint Mauxe
13/06 11:44 - Brath-z
« La Révolution n’a vraiment rien à voir avec cette légende dorée d’un peuple qui (...)
13/06 11:31 - Brath-z
Je pense que la lecture nationale a toujours sa pertinence. A la période de la Révolution, (...)
12/06 19:25 - ffi
Merci encore pour cette source Brath-z. Il est clair que les fortunes du commerce (...)
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