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Commentaire de Brath-z

sur Front de Gauche : ça sera Mélenchon !


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Brath-z Brath-z 22 juin 2011 20:14

En dehors du « jeu » des partis, les notions de géographie politique n’ont aucun sens. Il n’y a pas de « droite », de « gauche », de « centre ni d’ »extrêmes« chez les citoyens lambda. La population engagée politiquement est certes surreprésentée sur internet et dans les médias (et c’est normal), mais elle est marginale dans la population totale.
Sinon, un centre »éclaté« ne peut exister que s’il y a des moments où il se rassemble. Or le ponctuel succès de François Bayrou en 2007 n’a débouché sur rien. Si l’on considère, comme vous le dites, que le centre »s’éparpille aujourd’hui de l’UMP au PS« , que le centre serait en quelque sorte »à mi-chemin de la droite et de la gauche« (position de François Bayrou à la Nouvelle UDF de 1998 à 2006, bien que son positionnement réel sur cette période ai été au centre-droit), alors le MoDem, qui se proclame depuis sa création »ni droite, ni gauche« (ce que je nommerait le »centre pilier« par opposition au »centre trait d’union« ) n’est pas au centre mais... ailleurs. Dans ce cas de figure, je vois bien un centre-gauche (PRG, aile droite du PS), un centre-droit (ARES, aile gauche de l’UMP), mais de centre, point, puisqu’il n’y a pas de jonction (je ne dis pas qu’il ne peut pas y en avoir : la famille radicale pourrait se rassembler !). Si au contraire on considère que le centre n’est pas la confluence de la droite de la gauche et de la gauche de la droite mais bien un troisième pôle idéologique (thèse de François Bayrou), alors, comme je l’ai écrit plus haut »pour le moment, hormis le groupuscule marginal qu’est le MoDem et qui végète à moins de 4% depuis 2008, il n’y a pas de [centre]« .

Pour ce qui est de la stratégie du Front de Gauche, il est vrai qu’elle était au départ spécifiquement destinée à empêcher le »virage au centre« du PS afin d’éviter un »scénario à l’italienne« (dilution du PSI et du PCI dans la sociale-démocratie du PD). Il est vrai aussi qu’au sein du PCF, quelqu’un comme André Chassaigne continue aujourd’hui à prôner cette stratégie de »peser le plus possible à gauche pour servir d’appui au PS au détriment du centre« afin de mener une politique sociale conséquente. Mais, si vous avez correctement lu mon article (et je n’en doute pas un instant), vous savez que ce n’est pas André Chassaigne mais Jean-Luc Mélenchon que les communistes ont choisi. Or la ligne de Jean-Luc Mélenchon était claire : le danger de la »tentation centriste« du PS étant passé (après le dernier soubresaut des européennes de 2009, le MoDem s’est stabilisé à 4-5%), la stratégie clairement et explicitement avancée est bien de doubler le PS pour devenir la première force à gauche. Car depuis 1994 (théoriquement, en réaction aux »sommets des modernisateurs« organisés après l’élection de Bill Clinton aux États Unis d’Amérique) et surtout 2005 (pratiquement, et en rupture avec la majorité des militants du PS), Jean-Luc Mélenchon défend la thèse qu’à gauche il n’y a pas qu’une simple différence de degré mais une différence de nature, que la gauche n’est pas réductible à la sociale-démocratie (raison pour laquelle, au PS, il a toujours refusé l’étiquette »social-démocrate« qu’on voulait lui affubler après son passage au gouvernement Jospin de sinistre mémoire) et que ce serait donc amputer la gauche d’une tendance réelle (et pas d’une simple dérivée de la »racine« de la gauche) que de se désister au profit du PS.

Pour ce qui est de l’idée qu’une élection se gagne au centre, je m’inscris en faux ! Si, effectivement, un second tour d’élection présidentielle se remporte par une posture de rassemblement national (pas nécessairement au centre, du reste), l’élection elle-même, qui se joue largement au premier tour, ne se remporte absolument pas au centre. Surtout lorsqu’elle est présidentielle. En fait, cette antienne est rabâchée depuis 1988, qui est effectivement la seule élection présidentielle à ce jour où la victoire est allée se chercher au centre. Qu’on en juge :
- en 1965, Charles de Gaulle l’emporte face à François Mitterrand - candidat unique de la gauche - en adoptant la position coutumière du rassemblement national par dessus les chapelles politiciennes
- en 1969, Georges Pompidou l’emporte contre Alain Poher (qui est, lui, au centre !) sur une orientation (très) clairement à droite, et même à droite de la droite française, sur des positions qui ont plus à voir avec l’aile la plus conservatrice des Républicains américains de l’époque qu’avec la gentillette droite chrétienne-sociale française qui domine à droite depuis la Libération
- en 1974, Valéry Giscard d’Estaing (qui ne se définira »au centre« - bien qu’en réalité l’UDF ai toujours été au centre-droit - qu’après 1977), incarnation d’une droite libérale »moderne« , l’emporte sur François Mitterrand, à nouveau candidat ( »socialo-communiste« ) de toute la gauche, qui était arrivé largement en tête au premier tour avec plus de 43% des suffrages et n’a perdu que de moins de 2% !
- en 1981, François Mitterrand, candidat du Parti Socialiste après la rupture de l’union de la gauche, l’emporte largement sur le candidat »centriste« (désormais, il se définit ainsi) Valéry Giscard d’Estaing, qui plus est président sortant
- en 1988, effectivement, François Mitterrand l’emporte assez glorieusement avec une posture »niniste« qui a tout du centrisme sur le candidat de la droite »autoritaire« (ne pas rire) Jacques Chirac
- en 1995, le candidat »gaulliste« Jacques Chirac adopte pour l’occasion une posture »ni droite ni gauche« largement inspiré du général de Gaulle lui-même, et l’emporte sur le candidat de la »gauche de combat« (ne pas rire, sérieusement, je vous en prie) Lionel Jospin ; à noter que le candidat »centriste« Edouard Balladur ne passe pas même le premier tour
- en 2002, le président sortant Jacques Chirac a la chance d’affronter au second tour le représentant de l’extrême-droite Jean-Marie Lepen, qu’il explose sans même y penser et sans se donner la peine d’avoir un programme (!), après avoir réunit moins de 20% des suffrages au premier tour (! !)
- en 2007, le candidat de la »droite décomplexée« Nicolas Sarkozy l’emporte assez nettement sur la candidate socialiste Ségolène Royal, elle-même sur une posture assez atypique, en tous cas pas centriste pour un sou, le débat avec François Bayrou durant l’entre-deux-tours n’ayant en rien changé les reports de voix du »troisième homme« par rapport à ce qui était indiqué dès le lendemain du second tour (à savoir : environ 40% à gauche, 40% à droite, 20% à l’abstention)

Alors je sais bien que c’est un lieu commun de communiquants qui n’ont pas compris que la France n’est ni l’Allemagne ni le Royaume-Uni ni les États Unis d’Amérique, relayé depuis quelques années par les journaleux politiques qui n’ont pas plus de mémoire que des poissons rouges ni plus de curiosité intellectuelle que le gibon moyen, mais il n’empêche que cette conviction n’est fondée sur rien du tout.

Sinon, pour ce qui est des »places« , sachant qu’en 2007 déjà le PS avait envoyé des candidats contre les 3/4 des sortants communistes (mais pas contre les Verts, qui se sont pourtant maintenus au premier tour eux aussi !), la situation que vous décrivez ne serait en rien surprenante. Elle n’en serait pas pour autant nouvelle, et rien ne pourrait indiquer que le non retrait de la candidature Mélenchon en serait la cause.

Sinon, je ne crois pas aux »fariboles" des politiques, je me refuse simplement au procès d’intention et aux anathèmes.


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