Je viens de parcourir le texte de M Blot, que vous nous avez conseillé, et je m’arrête sur ceci :
« Les philosophes grecs se sont révélés les plus antidémocrates. Jusqu’à SOCRATE, ils ont été très aristocratiques. Puis les sophistes, par l’intermédiaire de PROTAGORAS, vont propager l’idéologie démocratique, le relativisme, la mesure de tout étant l’homme. SOCRATE s’est battu toute sa vie contre le relativisme. Il a prôné une vérité, un bien, une morale, une société basée sur la justice. »
Je me dois de souligner et de rectifier en partie ces propos : Le terme philo sophos, dont est tiré le mot et le concept de philosophie, signifie amoureux de la sagesse, aimant la sagesse, Socrate est le premier représentant de ce nouveau courant de pensée. Son procès terminé il choisit de ne pas fuir et de boire la sigue en 399. Nous n’avons aucun texte écrit de lui. Les enseignants, les sophos, ceux que l’on qualifiaient de sages donnaient des leçons orales. Platon, une de nos deux sources « directes » sur les propos de Socrate est un opposant à la démocratie, et revient dans une Athènes traumatisée par la guerre perdue contre Sparte. Les Athéniens tiennent à leur démocratie et la restaurent en 403. Socrate à fait partie de ce que nous pourrions nommer les « purges politiques » de la Cité quatre ans plus tard. Nombre de ses élèves, dont Alcibiade au destin mouvementé, ont fait partie de la coalition des Trente ayant condamné à mort les trois quart de la Boulée (assemblée des citoyens athèniens). Athènes donc, Cité-État a besoin de repeupler ses rangs, elle a besoin d’enseignants. Les sophistes, les « sages » précedement cités ayant été chassés de la Cité. A partir de cette instant les régimes politiques s’intéresseront de prêt à l’éducation des jeunes. Platon fonde l’Académie, début de la Vita Contemplativa des penseurs selon Arendt, et Isocrate son école pour orateurs publics. A partir de ce moment, l’enseignant ou le penseur ne participent plus à l’« action politique » au sens où les sophistes le faisaient. Tout deux, Isocrate et Palton condamnent les sophistes dans leurs écrits pour rassurer le pouvoir, l’« opinion » dirons nous par anachronisme, mais que font ils dans leurs cours ?
Dans ses dialogues, Platon fait une référence constante aux sophistes et à leurs thèses. Isocrate reprends leurs exercices et leurs méthodes d’enseignement de la rhétorique (dialogie, études des topos...). Les cours on lieu dans des salles, le prototype de la formation universitaire est née.
Auparavant, les sophistes étaient payés par les parents pour enseigner aux jeune comment se défendre. Car qui ne sait pas argumenter est une cible politique facile dans un régime qui connait les procès et accusations de toutes sortes utilisés pour abattre au sens propre un adversaire. L’étude de la rhétorique est né avec l’invention des tribunaux. Convaincre de la véracité de ses propos une assemblée est une capacité cultivée par toute la jeunesse athènnienne qui a profité du « gouvernement » de Périclès. Périclès, le dernier architecte et non des moindre de notre paléodémocratie. Périclès disciple de Protagoras.
Donc, les sophistes sont antérieurs aux philosophes et non l’inverse. A tel point qu’à l’époque on ne distingue pas poètes, historiens, penseurs et scientifique, tous sont des sophistes, sophos : Homère, Hésiode, Parménide, des sophistes. Protagoras, Gorgias, Hippias furent ceux que l’histoire officielle, par Platon, gardèrent en mémoire. Le sophiste est un étranger qui ne participe pas directement à la vie politique de la Cité. Il influence, il enseigne, il ramène de ses déplacements des nouvelles de l’extérieur, des autres cités. Il voyage par les routes avec ses élèves durant toute l’année. Les leçons sont chères, mais un calcul récent qui prend en compte la nourriture et toutes les dépenses du disciple sur plusieurs années démontre que ce n’était pas exorbitant. Les sophistes sont démocrates car sans ce régime leur action est vaine. Ils sont les premiers à tenter une appréhension rationnelle du réel, à faire une étude théorique de la langue, a expliquer des phénomènes par d’autres moyens que la tradition. Ils inventent de nouveaux discours pour un nouveaux système politique et une nouvelle façon de voir le monde. Ils s’affrontent, ils sont en concurrence sur le marché de l’éducation et de la pensée. Ils y différent courants. C’est également le début de l’échange d’idée, des intellectuelles.
Socrate est l’élève d’un sophiste brillant, Prodicos.un maître ( Ménon, 96d) et ami pour lui ( l’Hippias Majeur, en 282c). Eleve de sophiste, condamné comme sophiste, Socrate est également celui qui questionne les traditions. Beaucoup de sophistes furent les premiers athées. Décrivant les dieux comme des inventions humaines : « les hommes avaient fait des dieux de ce qui leur était utile, le soleil, la lune, les rivières, les sources, les prairies, les récoltes, adorant le pain sous le nom de Déméter, le vin sous celui de Dionysos etc » sont les propos de Prodicos.
Et je souligne maintenant : « Socrate a prôné une vérité, un bien, une morale » il faudrait mieux préciser, le « Socrate de Platon », car c’est effectivement le programme de Platon et d’une bonne partie de l’intelligence occidentale apres eux.
« Les sophistes répandirent l’idéologie de la démocratie », ils en furent les pères et les fondateurs. Comme d’une partie non négligeable de notre identité intellectuelle. Imaginez, ils se sont battus en leur temps pour convaincre le peuple d’Athènes qu’il était possible, par l’enseignement, de faire grandir l’esprit d’un homme riche comme d’un homme pauvre, le fils d’un aristocrate puissant comme celui d’un humble agriculteur. Eschyle rapporte dans ses pièces l’agitation d’une société aristocratique que les idées des sophistes vont plonger dans l’histoire démocratique au Veme siècle. Car il n’y a pas vraiment d’histoire sans point de vue opposés, sans progrès du débat sur les questions fondamentales de type éthiques, scientifiques ou politiques. Par la démocratie le groupe se réunit et choisit son destin. Depuis ce moment fatal nous avons sombré dans les affres de la responsabilité et du doute. Certains préferaient la tranquillité pré-démocratique, le plaisir de savoir ce qu’était la vérité par la tradition, mais la vérité a disparu, et ils feront tout pour la retrouver. Encore aujourd’hui ils cherchent... Les sophistes considéraient le relativisme comme une liberté donnée à l’esprit humain, nous mettrons presque 2500 ans pour nous en souvenir... Pardon pour ce long texte, mais le sujet m’est familier.
Bonne soirée à tous
Zenon
17/01 16:42 - Zenon
Chère Anne, Je me suis trompé d’option, ma réponse s’est transformée en (...)
17/01 16:39 - Zenon
Chère Anne, Pardon pour cette réponse tardive, Je suis en accord avec vos analyses des (...)
14/01 22:20 - Vertigo
Cher ami, ’Notre héritage n’est précédé d’aucun testament’ [René (...)
14/01 11:43 - Tito
Votre article est très pessimiste mais vous allez voir que je peux faire encore mieux. Je (...)
13/01 14:52 - meridien
merci zenon d’avoir répondu « évasivement »’à mon commentaire.Je vcous signale ou (...)
13/01 03:32 - Anne
Cher Zénon, L’idée n’est pas de se replier sur le microcosme, mais de se (...)
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