Marianne :
Dans l’interview de Sylvie Brunel, vous avez omis de relever et souligner une phrase majeure qui pose parfaitement le problème de la Sécurité Alimentaire :
« seul l’investissement dans le secteur agricole, la mise en place de filières efficaces [NdR : »de stockage & de commercialisation« ] et la rémunération correcte des cultivateurs et des éleveurs permettent de faire disparaître la faim. Une sécheresse fonctionne comme un révélateur qui n’engendre la famine que lorsqu’il y a des dysfonctionnements préalables ».
La Sécurité Alimentaire se situe très en amont de l’Aide Alimentaire (nutritionnelle & d’urgence) qui, elle, ne devrait jamais être mobilisée, en aval, si les mesures prises, par anticipation, pour la Sécurité Alimentaire sont adéquates.
Il convient d’expliciter et d’expliquer le distinguo entre « Sécurité Alimentaire » et « Sécurité Nutritionnelle » qui doit rester, en permanence, présent à l’esprit afin de toujours tenir compte de l’incontournable « concept de relation de cause à effet ».
La Sécurité Alimentaire comporte une dimension restreinte et une dimension généralisée.
Dans sa dimension restreinte, la Sécurité Alimentaire se limite à la production de tous les aliments de base (au sens le plus large : agriculture, élevage, pêche) nécessaires à la satisfaction de l’offre en produits alimentaires requis par les populations rurales (autoconsommation) et urbaines. Il entre également dans le cadre de la Sécurité Alimentaire Restreinte d’assurer les conditions adéquates de commercialisation des productions alimentaires pour que les populations rurales productrices de ces aliments en perçoivent un revenu financier les incitant à accroître leur productivité et leur donnant les moyens financiers d’acquérir les outils et les intrants nécessaires.
La Sécurité Alimentaire Restreinte a pour objectif de sécuriser l’offre alimentaire.
Dans sa dimension généralisée, la Sécurité Alimentaire consiste, d’une part, à rentabiliser les productions agricoles non alimentaires (coton, bois, et cætera) afin que ces producteurs ruraux en retirent un revenu financier leur permettant d’acquérir les aliments qu’ils ne produisent pas et, d’autre part, à promouvoir les conditions adéquates pour que les populations urbaines des secteurs économiques secondaire (industrie) et tertiaire (commerce & services) constituent une authentique demande solvable afin de pouvoir acquérir les aliments nécessaires pour se sustenter.
La Sécurité Alimentaire Généralisée a pour objectif de rendre solvable la demande des ruraux non producteurs d’aliments ainsi que celle de tous les urbains (non producteurs alimentaires, par définition) afin de pouvoir acquérir l’offre alimentaire nationale ou/et un éventuel complément importé.
En outre, au titre de la solidarité nationale ou/et internationale, la Sécurité Alimentaire, par une aide alimentaire gratuite, doit, d’une part, assurer l’alimentation des populations rurales productrices d’aliments dont les productions sont détruites par des catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, épizooties, et cætera) car ces populations deviennent alors des sinistrés économiques et insolvables, incapables d’acquérir leur alimentation ; au-delà de l’aide alimentaire gratuite, la problématique de Sécurité Alimentaire doit prendre également en compte le problème de la reconstruction de leurs outils de travail (semences, bétail, et cætera).
D’autre part, et enfin, la Sécurité Alimentaire, toujours par une aide alimentaire gratuite, doit assurer l’alimentation des populations rurales et urbaines insolvables.
Quant à la Sécurité Nutritionnelle, située en aval de la Sécurité Alimentaire, elle se définit comme étant l’ensemble des mesures alimentaires d’urgence à mettre en oeuvre lorsque l’insécurité alimentaire se manifeste par une dénutrition et une déshydratation physiologiquement mesurables sur les enfants, les femmes et les hommes. Une situation aussi extrême ne devrait, en réalité, jamais se manifester si, en amont, toutes les mesures spécifiques prises au titre de la Sécurité Alimentaire sont efficientes et effectives.
En somme, la nécessité de se mobiliser pour lutter contre l’insécurité nutritionnelle signe le patent échec des stratégies et politiques préventives de Sécurité Alimentaire !