VÉOLIA S’ÉCLATE AU SÉNÉGAL
COUPURES D’EAU et d’électricité pourrissent la vie des Dakarois.
Dans la capitale sénégalaise, on l’a mauvaise contre la gestion des régies publiques et la vétusté des installations. Heureusement,l’ambassade de France a de quoi rassurer ses nostalgiques des colonies (c’est chez les « expatriés » au Sénégal que le FN a engrangé ses plus gros scores aux présidentielles de 2002) : les entreprises tricolores sont à ses yeux « le pilier du tissu économique sénégalais », Club Med et Accor pour le tourisme, Aventis pour la pharmacie, Bolloré pour le transport, France Télécom pour la téléphonie, Saur-Bouygues pour l’eau, Eiffage pour les travaux publics, Total pour les stations-service et la bière, Véolia (ex- Vivendi) pour l’environnement...
Pour croître et prospérer encore, ce « pilier » a trouvé un bon terreau : le marketing humanitaire.
Exemple à Fatick, une bourgade à 150 km au sud-est de Dakar :
Un diagnostic de terrain révèle qu’ici « une partie de la population ne dispose que d’eau saumâtre, chargée de quantités excessives de sel et de fluor ». L’auteur du rapport ajoute : « La question de la gestion urbaine et de la salubrité est un véritable casse-tête. Les autorités municipales manquent de moyens pour faire face aux problèmes d’assainissement. » C’est là qu’intervient Véolia Waterforce, la « cellule humanitaire d’urgence » de la multinationale française.
Avec le sauf-conduit de Macky Sall, maire de Fatick et dignitaire du PDS, le parti du président Wade, elle a créé pour seulement 43 millions de francs CFA (65 000 euros) un dispositif de « micro-crédits » pour « occuper le créneau de la lutte contre l’insalubrité ». Public visé : une centaine d’associations de femmes montées en GIE. Objectif : utiliser ce cheval de Troie pour décrocher de futurs marchés.
Au Sénégal comme ailleurs, les affaires de Véolia n’ont rien de philanthropique. Ses cadres se régalent en frais de resto à 50 000 francs CFA sur la corniche de Dakar pour fignoler le projet de Fatick, alors qu’un instituteur se débrouille avec 70 000 francs CFA par mois.
Évoquer « une gestion mafieuse des eaux » n’est pas du goût de Véolia.
Pour en avoir trop dit dans son livre L’eau des multinationales, les vérités inavouables (écrit avec Roger Lenglet, éd. Fayard), Jean-Luc Touly s’est fait virer « pour faute grave » le 7 mars dernier, sans indemnités ni préavis de licenciement, et cela après 30 ans d’ancienneté dans la boîte. Poursuivi pour diffamation, il a été condamné aussi à verser un euro symbolique à son ancien employeur.
Cet euro-là, Touly le dédie volontiers aux « 4,5 milliards d’euros que Véolia a placés sur un compte offshore irlandais ».