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Commentaire de Marsiho

sur Indignez-vous contre Stéphane Hessel !


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Marsiho Marsiho 18 août 2011 11:46

 »Je n’ai jamais cessé de m’étonner devant le fait que l’ordre du monde tel qu’il est, avec ses sens uniques et ses sens interdits, au sens propre ou au sens figuré, ses obligations et ses sanctions, soit grosso modo respecté, qu’il n’y ait pas davantage de transgressions ou de subversions, de délits et de folies (…), ou, plus surprenant encore, que l’ordre établi, avec ses rapports de domination, ses droits et ses passe-droits, ses privilèges et ses injustices, se perpétue en définitive aussi facilement, mis à part quelques accidents historiques, et que les conditions d’existence les plus intolérables puissent si souvent apparaître comme acceptables et mêmes naturelles.">

Moi non plus Monsieur Bourdieu, je ne comprends pas cette capacité à supporter sans réagir, sans s’organiser. Il y a plus de 200 ans, une révolution a éclaté pour des écarts, des injustices qui étaient moins grands qu’aujourd’hui... Allez comprendre... Il faut dire que notre système est bien verrouillé, gardé par des édiles qui sont prêts à tout pour conserver leurs avantages. Cela a toujours existé, mais depuis le Fouquet’s, rien ne va plus. L’insensibilité semble toucher mes concitoyens : sur la même une de journal on peut afficher les résultats d’un match de foot en plus gros que le compte-rendu d’un attentat ou d’une agression. Les journaux télévisés passent de la même manière du coq à l’âne, passant d’un viol à la météo avec à peine le temps pour un souffle de respiration. Mais surtout, ne zappez pas ! Et les formats de devenir de plus en plus courts, 20 minutes devenant, après avoir été montré comme le vilain petit canard de la presse gratuite, le standard sur lequel tout doit s’aligner. Bientôt nous n’aurons plus que des dépêches AFP, teintés de la sensibilité de la rédaction, et encore, cela étant très formaté. 

 

Deux choses contribuent à la bonne santé d’une république, l’éducation et l’information. Petit à petit nous voilà privé des deux. Reste un peuple contemplatif derrière son petit écran, capable de réactions violentes quand la frustration survient dans sa petite vie, mais incapable de s’organiser de manière collective... Il faudrait pour cela qu’il lui reste une dose d’empathie... Bien sûr il en reste encore, mais je vois les réserves fondre comme les glaces de l’Antarctique sous l’effet du réchauffement climatique. 

 

Monsieur Hessel s’indigna, lui qui n’en a guère le temps, et l’écrivit de manière fort courte mais satisfaisante, du moins à mes yeux. Mais comme il fallait des réactions à ce succès populaire, chaque échotier se sentit obligé d’y apporter sa pierre... en critiquant l’ouvrage, et sans trop forcer la dose, vu son passé de résistant, en critiquant à demi-mot son auteur. Discours trop daté, sans logique, sans perspective... D’un coup les Indignés professionnels, furent surtout indignés du succès de l’ex résistant. Tout cela est mièvre, petit, peu glorieux et surtout anecdotique. Et les Indignés de métier de repartir rapidement sur d’autres situations qu’ils auront oubliés quelques jours après. Même Marianne était du lot, c’est dire... 

 

Indignez-vous je ne l’ai pas acheté à sa sortie. J’avais déjà bien assez à lire. Mais il me fut offert par ma tante il y a peu, et cela a une grande valeur car elle a 85 ans. C’est à dire qu’elle est de la même génération que Stéphane Hessel. La guerre, ses affres, ses raisons, et comment elle fut vécue par les français de l’époque, nous en parlons souvent. Et plus le temps passe, avec l’échéance que nous savons, plus elle m’en dit, me transformant ainsi en réceptacle de sa mémoire. Cette tante que je n’ai connu que sur le tard il y a dix ans (avant je la fuyait), je prends conscience de ce qu’elle a vécu, elle, femme célibataire, affirmant une vie autonome sans complexe. Elle a passé il y a quelques années l’épreuve du cancer du sein, et maintenant, c’est le coeur qui lâche tout doucement. Entre les deux, elle n’avait rien perdu de sa combativité. Elle a longtemps pensé que j’étais juste un jeune délinquant égoïste et sans avenir. Sur le moment, elle avait raison, mais on change parfois, au gré des rencontres et des épreuves. Notre relation est aujourd’hui tissé sur le socle de mon défunt grand-père paternel, son propre père, dont elle trouve chez moi beaucoup de traits de caractère. Ce dont je ne suis pas peu fier, car mon grand-père était un homme exceptionnel. Soldat, cheminot, résistant, élu local à la Libération, refusant de continuer une fois l’ordre rétabli... Il a toujours fuit les honneurs et ses simagrée. Ce ne sont pourtant pas les médailles qui lui manquait, mais nous n’avons découvert certaines qu’à sa mort, en rangeant son bureau. C’était le genre de type solide, fiable, avec une capacité d’analyse assez forte et une modestie réelle. Quel rapport avec Hessel et son ouvrage ? Et bien tout cet univers là, cette lutte contre le mal, la dictature, la soumission, l’aliénation des masses. Le discours de Stéphane Hessel paraît daté aux échotiers ? Je m’inscris en faux, et j’affirme haut et fort que nous allons vers un totalitarisme nouveau, mais inéluctable. Les pires heures du capitalisme (le néo capitalisme n’est qu’un leurre) sont encore devant nous. Ce ne sera pas aussi violent qu’à ses débuts, mais en terme d’échelle, ce sera bien pire. Cela a déjà commencé. Les phrases de M. Hessel me parle de tout cela entre les lignes. Son regard est pareil au regard des statues, et pour sa voix lointaine, et calme, et grave, elle a l’inflexion des voix chères qui vont se taire (merci M. Verlaine)... Alors que ceux qui ont encore envie de s’indigner le fasse ; nous finirons bien par nous organiser, comme la force centrifuge finit par lier ensemble des ingrédients disparates. 


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