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Commentaire de Daniel Bainville-Latour

sur Israël : la stratégie de l'escalade


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Daniel Bainville-Latour (---.---.219.63) 15 mars 2006 19:52

L’agression israëlienne, fût-elle ponctuelle poursuit manifestement deux buts. Le premier est d’ordre intérieur : montrer la fermeté, pour ne pas dire l’audace, du parti Kadima permet d’éviter une surenchère du Likoud à l’approche des élections . L’autre est, tout comme la suspension du versement aux Palestiniens des taxes qui leurs sont dues, de créer une situation chaotique dans les Territoires, pour dénoncer ensuite toute possibilité de négocier.

La stratégie israëlienne est pleine de risques. D’abord l’image d’Israël est très dégradée dans le monde, notamment chez les non-alignés. Ensuite, la radicalisation des Palestiniens accroît la menace sur l’Etat Hebreu.

Mais il faut comprendre le problème profond et stratégique qui se pose à Israël. Le pays, dès avant 1948, s’est agrandi en permanence par la force, en refoulant les Arabes et cette pratique s’est poursuivie depuis l’indépendance par différentes guerre avec les états voisins et différentes conquêtes de territoires, notamment en 1967.

Ce qui n’est pas sans rappeler la façon dont l’Amérique s’est constituée : refoulement et destructions des populations indiennes, ce qui peut expliquer, entre autres raisons , une connivence constante entre les USA et Israël et une pratique identique qui consiste à bombarder et canoner ceux qui sont considérés comme ennemis, où qu’ils se trouvent et au mépris, si nécessaire des règles du droit international.

Ou en est Israël aujourd’hui ? L’immigration qui a permis le développement est en panne, voire connait un déficit, Le monde arabo-musulman, plus fécond, accroît le déséquilibre démographique et parallèlement s’enrichit et monte en puissance - et en influence - grâce aux ressources pétrolières ( l’Iran, par exemple ). Il n’est donc plus question de réver au « Grand Israël » mais plutôt de se bunkeriser en se protégeant derrière des barrières, telles que le mur, assorties des derniers perfectionnements technologiques.

Un autre sujet de préoccupation est le déclin de l’unfluence, au niveau mondial, du protecteur américain et, au Moyen-Orient même, de son enlisement dans un monde musulman de plus en plus massifié et hostile.

Enfin, le retour de la Russie sur la scène régionale est un troisième facteur préoccupant dès lors que Moscou maintient les relations politiques,économiques et commerciales avec les anciens alliés du temps de l’URSS et avec l’Iran voisin. L’invitation du Hamas à Moscou est un signal clair et ferme à cet égard , et qui a parfaitement réussi.

Devant cette dégradation de sa situation régionale, Israël peut être tenté de pratiquer l’escalade, certes, de maintenir les Territoires dans l’état de protectorats vassalisés et jouant un rôle de tampon, voire de s’engager dans une spirale : attaque des installations iraniennes par exemple, pour renforcer l’imbrication avec l’Amérique.

Ce ne peut être qu’une dangereuse manoeuvre retardatrice, car elle ne modifie pas les fondamentaux défavorables à Israël sur le long terme.

D’autant que s’il est tentant d’utiliser le bellicisme actuel de l’équipe Bush, rien ne dit que les élections américaines reconduiront les faucons. Non qu’il faille s’attendre à un revirement américain, l’appui à l’Etat Hébreu étant constant, mais il pourrait diminuer en intensité.

L’impasse est donc totale. Sharon, auquel on tente de forger une image d’homme de paix, mais qui a toujours été un faucon en a pris conscience, parce que militaire et réfléchissant en stratège plutot qu’en politique, Ce qui explique son revirement, tout en maintenant une position de force en vue de négociations futures.

Son successeur, intérimaire, et qui ne jouit pas de la même aura, ne peut que montrer ses muscles pour ne pas être débordé par le Likoud. Si le parti Kadima l’emporte, il sera toujours possible de faire quelque concessions à la marge, par exemple en reversant aux Palestiniens les fonds qui leur sont dûs. Ce pourrait être un timide début de dégel.

Initiative que l’on voit mal le Hamas pouvoir refuser et qui placerait la balle dans son camp.

Et permettrait de relancer progressivement le processus de paix.

La diplomatie de la canonière est stérile et la situation financière engendrée par le surarmement et les impératifs de sécurité n’est pas tenable a long terme alors que le « terrorisme », combat a-symétrique du faible au fort peut durer éternellement.

Pour l’heure, la balle est bien du côté israëlien pour engager le processus de détente et aboutir à une sécurisation de ses frontières et à une coopération avec ses voisins.

A cet égard, l’histoire récente de la France peut inspirer. Notre pays est passé , en quelques années, de l’Algérie française face à un monde arabe hostile à l’indépendance algérienne, ouvrant la voie à des relations pacifiées et à une coopération féconde.


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