À l’heure où l’on se contente de comprendre Hegel à travers
l’analyse de Kojève qu’en font un Fukuyama ou un Huntington, lui-même
disciple de Leo Strauss (détracteur de Nietzsche et grand pourfendeur du
relativisme culturel), et qui nous a rebattu les oreilles d’un prétendu
« Choc des civilisations », il serait bienvenu de relire, ou de lire
pour la plupart, John Stuart Mill et son magnifique et ô combien moderne
essai On Liberty, où l’utilitariste britannique, bien avant la
Cour Suprême américaine, chante les louanges de la liberté d’expression,
la seule qui différencie le civilisé du barbare. Il y a la « liberté »,
celle que les gens croient posséder parce qu’ils ont la possibilité de
voter et de se faire asservir, cette sensuelle « servitude volontaire »
dans les bras de laquelle nous aimons nous abandonner, et puis, il y a
ce que Rimbaud appelait la « liberté libre », cette liberté si
dangereuse car elle nous fait côtoyer « l’autre ». Mais comme le
rappelle Hölderlin : là où est le danger est aussi ce qui sauve.
C’est du sabir....