• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Cédric

sur Et si le réchauffement climatique provenait des taches solaires ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Cédric (---.---.172.188) 14 janvier 2007 23:24

Re-bonjour,

C’est vrai, c’est une hypothèse qui a été émise et qui comptait de très nombreux adeptes jusqu’à la fin des années 90. Des données plus récemment publiées remettent cependant en cause la catastrophe ponctuelle de l’impact météoritique et semblent montrer que le volcanisme aurait pu jouer un grand rôle, en influant de façon particulièrement notable le climat de la fin du Permien.

Le Permien correspond à la fin de l’orogène hercynien marqué par la formation du supercontinent appelé la Pangée. Il est marquée par un épisode majeur de retrait de la mer et la naissance de nombreuses mers intérieures, des conditions de climat aride, la disparition des glaces, des températures plus élevées et à la chute de l’oxygène dans les mers. Les animaux caractéristiques de l’époque correspondent à des reptiles dit mammélés, qui se sont développés et ont dominés au cours du Permien l’ensemble du continent.

Vers 251 millions d’année a lieu la transition entre le Permien et le Trias. Elle est souvent appelée la « Grande Mort » (the « Great Dying » en anglais), terme non moins catastrophiste mais pour une fois assez correspondant, car elle représente la mort d’environ 96% des espèces marines (soit 53 à 57% des familles marines, ou encore 84% des genres vivant en domaine marin) et environ 70% des espèces terrestres. Elle est considérée en réalité comme l’extinction massive la plus importante que la Terre n’ait jamais connue. Seule la transition Dévono-Carbonifère (360 millions d’années) avait jusqu’à présent été relativement importante en terme d’extinction des espèces et d’évolution relative (avec notamment la mise en place des grandes forêts tropicales du Carbonifère). A cette époque, environ 70% des espèces avaient été décimés, apparemment en plusieurs phases successives étalées sur environ 20 millions d’années.

Il reste aujourd’hui acquis que la transition Permo-Trias libère une grande partie des niches écologiques, et ce d’autant plus que l’extinction massive est... massive ! Les archosaures puis les dinosaures vont ainsi pouvoir se développer et vont devenir les vertébrés terrestres dominants. En mer, les espèces dites sessiles vont diminuer drastiquement et le fond des mers va se re-peupler plus doucement, en particulier du fait des conditions anoxiques de l’Océan Mondial de l’époque. On estime d’ailleurs à 100 000 ans la re-colonisation des nouvelles niches écologiques avec des bestioles plus bizarres les unes que les autres.

Si d’un point de vue paléontologique, la transition Permo-Trias reste relativement bien définit, elle reste néanmoins méconnue. Elle a par exemple moins passionné les foules que la bien connue crise K-T (ou transition Cretacé-Tertiaire) et l’extinction relative des dinosaures. Son origine reste également, d’un point de vue scientifique, à éclairer totalement, mais il se peut cependant que ce soit aussi une résultante de plusieurs facteurs, comme cela a été envisagée pour la fin du Crétacé. La première théorie, largement adoptée jusqu’à il y a une dizaine d’années, s’est basée sur l’impact météoritique, mais aucun candidat potentiel n’avait encore été découvert. Il a donc fallu trouver une autre théorie, plus fiable et plus honnête : tectonique des plaques ou volcanisme, ou éventuellement une combinaison de plusieurs facteurs.

Dès 2000, une première études publiée par l’équipe de Ward (Washington University, Seattle, USA) dans le non moins célèbre Science va dans ce sens et remet très fortement en cause l’hypothèse météoritique (ou hypothèse catastrophique ponctuelle). Les couches de fossiles de la fin du Permien sont dites azooïques, c’est à dire qu’elles ne contiennent pas ou très peu de fossiles. C’est notamment le cas du Karoo, en Afrique du Sud, où l’équipe de Ward est allée travailler. L’étude du paléomagnétisme (datation relative des strates) a permis de dresser une séquence d’extinction des amphibiens et reptiles peuplant le Bassin du Karoo. Cette séquence s’étale sur près de 10 millions d’années mais semble toutefois s’accélérer de manière conséquente vers la fin du Permien.

Une autre étude, plus récente, porte sur des roches sédimentaires d’ages similaires mais échantillonées en Asie du Sud-Est et au large l’Australie. Elle y a montré une prolifération de cyanobactéries. Ceci est équivalent à dire que l’eau de mer s’est vue petit à petit raréfiée en oxygène, si ce n’est en profondeur du moins en surface, et sursaturée en soufre. Un retour à des conditions « normales » peut se faire plus ou moins rapidement, mais cela dépend fortement du brassage de l’eau de mer, de l’activité bactérienne et bien entendu du souffre et de l’oxygène contenus dans l’atmosphère et qui restent à dissoudre dans la colonne d’eau.

Les sursaturations en soufre sont la plupart du temps associées à des évènements volcaniques. Pour enregistrer de manière si conséquente un « évènement sulfuré », il faut une activité volcanique de très grande importance. Il a donc fallu ici aussi trouver un candidat potentiel pour un volcanisme de masse au Permien. Les géologues se sont tournés vers les trapps de Sibérie, datés à 252 millions d’années. Ce sont de grands épanchements basaltiques qui s’étendent sur des milliers de km depuis la Mongolie jusqu’à l’Artique, et qui atteignent près de 3 millions de km3. Lors de leur mise en place, la Sibérie se serait alors embrasée en une « coulée basaltique massive », pendant des centaines de milliers d’années.

Ce volcanisme aurait libéré suffisamment de gaz à effets de serre pour modifier de façon assez radicale le climat de la planète et son écosystème. Ward a tenté d’évaluer la quantité de CO2 émise pendant les épanchements, ainsi que celle des autres gaz tels que le soufre. Dans le pire des cas, la température de la Terre aurait augmenté de seulement 5°C. Si les modèles montrent qu’une augmentation de 4°C suffit à tuer une grande partie de la vie sur Terre, ce n’est pas suffisant pour tuer près de 95% des espèces. Il faudrait que la température soit doublée.

Ces deux études ne peuvent donc remettre totalement en cause l’hypothèse catastrophiste ponctuelle. Comme je le soulignais précédemment, nous devons prendre en compte tout les facteurs possibles et imaginables, les tester et ne pas oublier aussi qu’une combinaison de facteur est potentiellement possible.

Ainsi, en 1998, le planétologue Campino (New York University, New York, USA) met au point un nouveau type de calendrier basé sur la danse de la Terre autours du Soleil, en étudiant des roches des Alpes permiennes des Alpes européennes. Il pense en réalité que l’extinction massive à la fin du Permien s’est réalisée sur 8 à 10 000 ans, ce qui est fort compatible avec l’hypothèse de la météorite.

Ceci dit, pour arriver à une valeur aussi catastrophique, il faut envisager une météorite énorme, plus grosse que la plus grosse de toute la montagne - sa racine comprise ! - l’Everest. Un tel impact doit laisser des traces, mais aucune trace n’est connue aujourd’hui. Ca a été le cas par exemple pour l’impact du Chixulub au Mexique, qui aurait tué les dinosaures. Mais comme nous le savons aussi, les dinosaures ont mis 8 millions d’années à s’éteindre et non pas été tué instantanément alors que la métorite mexicaine large de 10 km de diamètre aurait largement suffit. Certains scientifiques avancent que la métorite permienne se serait écrasée en mer, et les traces directes de l’impact auraient été gommées par la subduction de la plaque océanique, les traces secondaires par érosion (telles que des poussières déposées sur l’ensemble du Globe comme le fameux iridium).

Dans les années 1990, le géologue Wignall (Leeds University, UK) découvre une autre séquence d’extinction dans des roches du Groenland, dans un état de conservation sans précédent. Il conclue que l’extinction du Permien s’est effectuée en trois phases, étalée sur 80 000 ans. L’extinction météoritique est donc une fois de plus bancale.

A la même époque, des travaux sur le nitrate de méthane montre que des quantités de carbone de type C12 peuvent être émises lors de la « décomposition » du méthane marin. Or, Wignall a montré que des quantités de C12 était bien trop importantes dans ses roches du Permien Groenlandais. Il faut donc que la méthane marin passe dans l’atmopshère, ce qui est valable si l’eau de mer est plus chaude. Et pour réchauffer l’eau de mer, nous nous sommes tournés vers... le volcanisme permien des trapps de Sibérie !

Il reste toujours à trouver d’autres indices pour corroborer cette thèse composite. Cependant, la thèse de la météorite tombée du ciel semble devoir être aujourd’hui écartée. De mon côté, et comme je l’ai souligné, je pense que ce n’est pas parce que nous n’avons pas d’indice que ce n’est pas TOTALEMENT faux. En particulier, les modèles de changement climatique restent à être affinés et d’autres indices de l’extinction massive de la fin du Permien doivent être trouvés afin d’affirmer ou d’infirmer cette nouvelle hypothèse.

En espérant que ces lignes sont lisibles, Cédric


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès