QUAND, en 1992, Deng Xiao Ping déclara : « Le Moyen-Orient a du pétrole, mais la Chine a des terres rares », tout le monde rigola. Aujourd’hui
on rit jaune... La Chine,
qui produit 97 % de terres rares, vient de commencer à fermer le robinet. Et
on est mal.
Sous le joli vocable de « terres rares » se cachent dix-sept minéraux aux
noms poétises, néodyme, dysprosium, lanthane, etc., qui partagent les mêmes
caractéristiques : ils sont difficiles à extraire et à raffiner, et les
nouvelles technologies en ont grand besoin. Notamment, comme c’est bizarre, les technologies dites durables : le terbium est indispensable aux
lampes à basse consommation ; sans néodyme on ne pourrait guère faire de moteurs de voitures électriques ni de générateurs
pour éoliennes. Et d’autres métaux rares, que la Commission européenne
vient de classer sur une liste de quatorze « matières premières critiques », sont eux aussi indispensables à
la fameuse « croissance verte » : le gallium
est décisif pour les LED et les cellules solaires à haut rendement, l’indium
est idéal pour les cellules photovoltaïques, etc. Ajoutons que la
demande pour toutes ces
raretés a explosé avec le high-tech
(écrans plats, fibre optique, afficheurs à cristaux liquides, lasers, radars,
etc.), et l’on comprendra que Deng Xiao Ping avait vu juste.
Et que les
industriels occidentaux se
mettent à paniquer.
C’est dans ce contexte que vient de sortir un passionnant et très informé bouquin (1) sur la
question, écrit par des centraliens, des ingénieurs donc, qui ne jurent que par la technique et dont on s’attend à ce qu’ils nous
promettent de trouver des solutions, grâce à la recherche, à l’innovation
technologique, au recyclage, comme on nous le serine d’ordinaire. Stupeur : au
contraire, ils détruisent méthodiquement toute illusion.
1.
« Nous exploitons un stock fini » de métaux qui s’épuisera bientôt, croissance aidant. La pénurie nous guette, et plus vite qu’on ne le croit : dans dix à treize ans, par exemple, il ne
restera plus d’indium.La « croissance verte » qui viendrait apporter la solution
à tous nos maux est un mythe : la course technologique et l’innovation
créent un emballement de besoins en métaux, enparticulier les plus rares, qui
rend cette croissance non durable.
2.
L’extraction des
minerais requiert de plus
en plus d’énergie, car ils
sont de moins en moins
concentrés. Or l’énergie, toujours moins
accessible, exige de plus en plus de minerais : nous venons tout juste d’entrer dans ce cercle vicieux
3.
Croire que le
recyclage va tout régler est une erreur. « Il n’y a pas de
circuit sans perte. » S’il peut freiner le gaspillage, le recyclage « ne pourra pas inverser la tendance ».Et de conclure :
« C’est donc sur le
terrain du juste besoin et, par-delà, de la morale que devront se situer les progrès. » Aaaargh ! si même nos meilleurs ingénieurs se mettent à
douter que la Sainte Technique
et de la
Sanctissime Croissance verte puissent nous tirer d’affaire...