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Commentaire de Cédric

sur Et si le réchauffement climatique provenait des taches solaires ?


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Cédric (---.---.172.188) 15 janvier 2007 19:17

Bonsoir Talleyrand,

J’ai essayé de faire un état des connaissances sur la Transition Permo-Trias hier, et de montrer son importance sur le changement climatique de l’époque. Cela vaut ce que ça vaut, c’est sûr, mais si je commence à parler de la fin du Permien, je risque de sortir en dehors du sujet de l’article. Ceci dit, j’ai essayé de montrer combien cette crise est difficile à comprendre et que nous n’avons encore aucune clef définitive pour affirmer ou infirmer telle ou telle hypothèse, y compris l’hypothèse de l’impact météoritique. C’est aussi à mon avis un des changement climatique qui est utile de revoir fortement (puisque nous le savons réel) pour comprendre ce que nous SEMBLONS vivre aujourd’hui.

Je répète que pour ma part, je suis assez partisan d’une théorie composite et je n’ai pas rejetté totalement la théorie de l’impact, même si je suis un peu sceptique sur le sujet. Trois arguments majeurs : (1) l’extinction massive Permienne s’est déroulée, selon plusieurs études, sur au moins 10 millions d’années, (2) pas de traces (y compris de poussières) n’ont été découvertes sur Terre à ce jour et (3) comment expliquer l’anoxie relativement importante dans les océans permiens.

Deux contre-arguments maintenant, non pas forcément en faveur de l’impact mais qui peuvent aller en défaveur des autres théories qui réfutent catégoriquement la théorie de l’impact : (1) les roches permiennes sont relativement rares sur Terre, si bien que les traces d’impact peuvent être dissimulées ponctuellement à travers le monde ou même érodées et (2) la transition Permo-Trias est en conséquence relativement rarement enregistrée.

A rajouter également l’observation de Ward qui montre une accélération de l’extinction massive vers la fin du Permien.

Pour être franc, j’ai fait preuve hier d’une petite fermeture d’esprit scientifique, étant loin d’être convaincu par la théorie unique de l’impact. Ainsi, je n’ai pas parlé d’une hypothèse relativement récente qui se base sur la découverte d’un POTENTIEL cratère... simplement parce que je ne suis pas convaincu par les études menées à ce jour. Ce n’est pas très professionnel, je vous l’accorde !

En 1996, le géologue John Gorter a découvert un potentiel candidat lors d’une campagne pétrolière réalisée dans le Bassin de Roebuck, s’étendant à 300 km au Nord-Ouest de l’Australie. Des données morphologiques, de sismique pétrolière et de gravimétrie ont définit que le cratère dit de Bedout (ou Bedout High en anglais) ressemblait à une dépression circulaire d’environ 200 km de large, avec un dome central et une croûte continentale partiellement fondue. Des données minéralogiques prélevées à proximité, ainsi qu’en Antarctique, au Japon et en Chine, vont aussi dans ce sens. Ceci dit, rien d’autre que ces éjectats n’a été découvert ailleurs dans le monde, ce qui semble étrange pour un bolide de cette taille (mais encore une fois, les roches permiennes sont rares du fait de leur age).

Un autre site a été aussi proposé en 1962, il s’agit du Wilkes Land Crater, situé en Antarctique. Ceci dit, son existence reste relativement hypothétique, du moins en temps que cratère météoritique. Dans le cas d’un cratère d’impact, la météorite aurait été jusqu’à 5 fois plus grosse que celle à l’origine du cratère du Chixulub au Yucatan. De nouvelles données, publiées en 2006, ont cependant permis de préciser la taille et la morphologie du cratère et aboutissent à la conclusion d’un cratère d’impact. Il n’y a cependant pas, à ce jour, d’échantillonages directs qui peuvent aller dans ce sens, notamment du fait de l’épaisseur de la calotte du Wilkes Land. D’autres scientifiques ont aussi proposé d’autres origines possibles, telles qu’un volcanisme de point chaud ou potentiellement un mini-trapp.

Si on admet l’hypothèse du cratère, il faut aussi expliquer les taux de soufre relativement importants à la fin du Permien. Des scientifiques ont proposé en 2004 que l’impact a été d’une importance telle que le bolide aurait pu arracher en suffisament grande quantité du soufre mantellique. Très honnêtement, je n’y crois pas du tout ! D’autant plus que les modélisations proposées sont à mon avis assez hazardeuses.

Pour le coup, l’hypothèse volcanique avec l’histoire du méthane océanique reste assez jolie. Mais encore une fois, je ne veux pas complètement rejeter l’hypothèse de l’impact. Cependant, prétendre l’un ou l’autre reste relativement hazardeux, si ce n’est assez scientifiquement malhonnête. Et comme le disait le géologue Luann Berkeley, spécialiste du sujet, il ne faut pas rejeter une hypothèse composite et ne pas raisonner aussi en « faute de mieux ». Je pense effectivement que c’est assez sage.

Et pour en revenir à l’histoire de l’article ci-dessus. Les tâches solaires ne nous dédouannent pas de notre action sur le climat. La Transition Permo-Trias nous montre qu’en matière de changement climatique, il faut franchement prendre les choses avec des pincettes et prendre en compte tous les paramètres connus. Agir de toute autre façon est allé droit dans le mur. Si nous nous interrogeons sur un potentiel réchauffement climatique actuel, alors nous devons aussi nous interroger sur la durée des phénomènes ainsi que la place de l’Homme dans l’histoire (Cf. ma réponse à Ocsena hier).

Bien à vous, Cédric

PS. : je suis géologue et géodynamicien. Ma marotte est l’étude des rifts continentaux, et notamment l’étude des interactions tectonique-sédimentation-climat, ainsi que la propagation des failles et des déformations annexes. Je suis donc ammener à utiliser une grande partie des méthodes de la géologie actuelle, y compris la volcanologie de temps en temps.


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