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Commentaire de easy

sur Affaire DSK : le culot monstre du directeur de L'Express


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easy easy 12 décembre 2011 14:05



«  »« on lui accorde volontiers qu’un journaliste est homme à s’élèver »contre tous les pouvoirs« , à une exception près... son propre pouvoir qui l’autorise à répandre des bobards, à violer la présomption d’innocence et à usurper une autorité pour jouer les directeurs de conscience. Paul Villach »« 


Votre travail, devrait aller à décortiquer l’expression » Présomption d’innocence« non à l’utiliser telle quelle alors qu’elle n’est faite que de mou.

Avant cette expression et le soi-disant concept novateur qui l’a portée, il y avait quoi ?
La »présomption de culpabilité«  ?

Mettons.

Et ça change quoi de passer de la présomption de culpabilité à la présomption d’innocence, ça sert à quoi ce tremblement, cette »révolution du regard«  alors que dans tous les cas, le présumé se retrouve bloqué à fins d’enquête.

Qu’est-ce que ça peut bien foutre qu’on soit présumé coupable ou présumé innocent puisque dans les deux cas, on se retrouve plaqué au sol, mis à poil et en laisse, voire en préventive.
Qu’est-ce que ça peut foutre qu’on soit désigné présumé innocent ou présumé coupable puisque dans tous les cas on se fait embarquer, que sa vie sociale s’arrête et que parfois son coeur aussi.

Il y a bien 90% des moulinades verbales qui ont été faites autour de DSK qui ont été articulées sur »Ah mais attention, jusqu’à preuve du contraire il est présumé innocent, donc bla bli bla blo...« 

Des millions et des millions de fois il aura été écrit ou prononcé »Présumé innocent« au sujet de DSK.
Et cette purée produite sur base de »présumé innocent« aura eu quelle valeur spécifiquement liée au sens de cette expression ?
Strictement aucune.

La seule valeur de cette montagne de mots articulés sur base de »présumé innocent« c’est d’avoir servi de soupape, d’exutoire, d’échappatoire à nos montagnes de frustrations

Tout, absolument tout ce qui aura été dit et fait autour de DSK aurait pu être dit et fait sur base de »présumé coupable« sans que ça fasse la moindre différence.

Même si l’on admettait que  »présumé innocent« n’apporte strictement rien de neuf, même si l’on revenait à  »présumé coupable« , ça ne changerait rien aux effets et procédures. Il y aurait toujours placage au sol, menottage, fouille à nu, blocage de sa situation sociale, GAV suivie ou pas de préventive sous divers motifs, contrôle judiciaire, débuts de lynchages, insultes, défenseurs, lapidateurs, profiteurs, etc.


Ce que je dis là, tout le monde le sait. Alors mouliner à charge ou à décharge en arguant à une époque de la »présomption de culpabilité« ou à une autre époque de la »présomption d’innocence« c’est jouer la comédie sociale et de ses modes, rien de plus.

Quelle que soit l’enveloppe rhétorique ou morale, dès l’instant où l’on est accusé, on passe hyper vulnérable, on est dans la merde et on est bloqué.

C’est l’accusateur qui donne le LA.

A l’époque où la Justice se réglait par ordalie ou par duel, les accusateurs y réfléchisaient à deux fois avant de publier. S’ils publiaient, ils imposaient certes l’ordalie ou le duel à leur cible mais lors de cette confrontation publique, ils payaient de leur personne et à niveau de risques équitable.

Mais dès que la Justice s’est réglée par le biais d’un Organe Tiers ultra puissant ne risquant strictement rien à juger, le biais de l’accusation est devenu très intéressant. Il a encore été un temps limité par la question pécuniaire, on hésitait encore à accuser si l’on n’avait pas le sou. Mais plus la Société est devenue redistributrice et socialiste, plus chacun s’est retrouvé sans gêne pour accuser. Zola servant alors de modèle autant que Che.

Peu importe »présomption d’innocence« ou »présomption de culpabilité", nous sommes devenus procéduriers. Le nombre de lois explose, le nombre de procès explose, le nombre d’avocats explose, le nombre de détenus aussi.
 
Nous nous retrouvons donc dans une société où la défiance l’emporte sur la confiance et où chacun devient bien plus convaincu de dystopie que d’utopie.
Il y a toujours des coagulations mais elles sont désormais beaucoup plus souvent destructrices et haineuses que constructives et aimantes. On est soit individualiste soit lyncheur.




L’esprit qui avait conduit au projet de la statue de la Liberté consistait originellement à marquer l’amitié de la république française à la république américaine. Puis, l’Amérique se l’était vraiment appropriée en lui faisant exprimer sa propre utopie au travers du poème d’Emma Lazarus

Donnez-moi vos pauvres, vos exténués
Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres,
Le rebut de tes rivages surpeuplés,
Envoyez-les moi, les déshérités, que la tempête m’apporte
De ma lumière, j’éclaire la porte d’or !

Cet esprit là est mort.
Tué en grande part non par l’argent comme on le martèle mais par la manière de se procurer cet argent. Dont la manière judiciaire, d’où notre goût de plus en plus marqué pour les procès, formels et informels, ce que le développement de la rubrique « procès » dans les médias, démontre.




Voici quelques cas susceptibles d’illustrer le virage.

En 1628, à Stockholm, on lance le trois-mâts Vasa que le roi Gustave II avait commandé en imposant ceratines dimensions. Il coule au bout de 10 minutes car trop instable. Grosse perte matérielle et mort de 30 personnes. Sur le coup, le roi étant très vexé, le capitaine est incarcéré. Mais après enquête, il ressort que la faute est bien plus collective qu’individuelle et personne n’est condamné. Mais la Suède s’en souviendra toujours et construira des bateaux mieux lestés qui ne couleront plus à la moindre brise. Voilà ce qui est important.

En 1911, dans un New York qui sort à peine de son époque Five points mais qui a déjà Central Park, un incendie éclate au 6 ème étage de l’immeuble de l’entreprise Triangle Shirtwaist. Des centaines de jeunes femmes y confectionnaient des corsages. Les issues sont trop étroites ou bloquées, les échelles des pompiers sont trop courtes, c’est par dizaines que les malheureuses se jettent dans le vide.
Gros choc en Amérique et même ailleurs. Doit-on continuer de construire des immeubles de plus en plus hauts ?

Les patrons ne feront pas un seul jour de prison, pas même de menottes. Tout ce qui déconnait chez eux déconnait partout ailleurs. Plutôt que perdre son temps à critiquer ces patrons, il vallait mieux gamberger à ce que ça ne se reproduise pas. C’est la société entière qui tira leçon de ce drame et il en découlera des dizaines de mesures de sécurité que seul le 11 sept mettra à mal. 


En 1912, c’est le Titanic qui coule. Des milliers de personnes réclament un procès, des dommages et intérêts (Les plaignants avaient de forts intérêts pécuniaires car ils pouvaient espérer se faire bien indemniser par les assureurs).
Le sénateur W.A. Smith se met en tête de démontrer le cynisme et l’avarice du propriétaire du navire, J. P. Morgan.
Mais n’y connaissant rien de rien en marine, il ne fait que se ridiculiser et sa commission d’enquête avec. Du coup, au fur et à mesure du naufrage de cet objectif accusatoire, surgissent des réflexions plus constructives sur les dispositions à prendre pour que ça ne se reproduise pas. Là encore l’esprit positiviste l’aura emporté sur la colère.

Il y a donc eu, aux environs de 1900, une conscience très forte qu’il valait mieux réfléchir aux améliorations en prévention que de s’épuiser le moral en procès et rhétoriques.

Mais depuis que chacun a des contrats d’assurance, se développe une mentalité consistant à tirer profit de réclamations. Ca a beau être interdit, il vient de plus en plus à l’esprit de chacun d’incendier sa voiture et de se marier en prévoyant déjà les conditions pécuniaires de son divorce.

Un siècle plus tard, on est arrivé à une situation où l’on n’en démord pas de procédure, où l’on pense immédiatement à faire procès contre un cafetier qui aurait servi un café trop chaud et où l’on dépense 130 millions $ pour faire avouer à un président qu’il aimait se faire sucer sous son bureau.
Mesures de prévention ? Meilleures dispositions futuristes ?
Aucune.

On s’est bien hystérisé, on aura beaucoup bavassé sur Polanski et Clinton mais on n’y aura rien gagné pour le futur et DSK n’aura donc tiré aucun enseignement des turpitudes de ses prédécesseurs.
Et de Michael Jackson, de ses deux volet judiciaires, tant le premier où il était posé en vilain que le second où il est posé en victime, quels enseignements en tirons-nous ? 
Aucun.



Nous avons perdu le sens de l’utopie, nous n’avons plus le réflexe positiviste qui consistait à croire en un lendemain meilleur pour tous afin de négliger nos douleurs du présent. Nous ne focalisons plus que sur nos souffrances présentes et ne croyons plus qu’à un désastre final voulu par quelques vilains en Nike ou en Armani. Que ces vilains soient « présumés coupables » ou « présumés innocents » tout ce qui nous intéresse désormais c’est d’hystériser de procés et de fantasmer de bûchers.
C’est la décadence par le judiciarisme.
 


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