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Commentaire de easy

sur Le développement, une affaire de culture ?


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easy easy 22 décembre 2011 15:27

«  »«  »«  »«  »«  »L’actuel cloisonnement entre les sciences de l’homme – les facettes du réel – n’est plus de mise. L’économique se doit de renouer avec l’éthique utilitaire, l’esprit inventif, la conscience civique, le respect de la fonction accomplie... Rien assurément n’obscurcit notre vision de la société que le préjugé économiciste.«  »«  »«  »«  »

Je partage cet avis.



L’Occident décompose beaucoup, il découpe beaucoup, il analyse beaucoup, il synthétise peu.

Je n’ai aucun intérêt pour le classement de valeur de ce que font les uns et les autres.

C’est hors manichéisme que je souligne deux faits.
Le langage synthétique qu’on pratique par exemple en Extrême-Orient, offre à chacun de ne jamais perdre de vue l’ensemble des choses (le concept d’harmonie y est donc majoré). Pendant que le langage analytique qu’on pratique en Occident apporte le scalpel, le microscope et le colimateur (en métal ou en mots) ces outils offrant à chacun une redoutable efficacité dans le détail.


Prenons un exemple simple.
Le tir à l’arc.
partout dans le Monde, jusqu’en 1900, on tirait à l’arc en ne visant que ne manière synthétique. Ce que l’Occident a appelé le tir d’instinct.
Viser de manière synthétique, avec un arc, un boomerang, une fronde c’est tenir compte d’un bouquet de paramètres, en particulier quand on tire pendant une bataille en étant juché sur un cheval au galop (ce qu’on n’a pas fait en Occident).
Après 1900, seulement en Occident, poussés par la culture analytique, les meilleurs archers qui tiraient jusque là d’instinct, se sont mis à installer des mires sur les arcs. Soudain, après 30 000 ans d’archerie mondiale, voilà qu’on se mit à viser (on aligne trois points grâce à un colimateur)
En compétition olympique, tous les tireurs d’instinct se sont retrouvés largués par ceux qui utilisaient des mires.

Quand on tire en visant, on a un paquet de problèmes à résoudre mais il s’agit essentiellement de ne pas bouger pour bien aligner la mire sur la cible, ce qui est difficile même quand on est debout sur un sol stable et par vent nul. On est alors hyper concentré autour d’un nombre de paramètres réduits au minimum grâce à la technique du viseur

Quand on tire d’instinct, donc sans viseur, comme Robin des Bois, on a également un paquet de problèmes à résoudre mais le champ des considérations est beaucoup plus étalé (surtout qu’on est alors dans une chasse au bison ou dans une bataille contre des Cow-Boys). Cet étalement du champ des considérations (Mouvements du cheval sur le mouvement du terrain, vitesse relative du Cow Boy, poids de la flèche, fatigue de l’arc,...) ne produit pas chez le tireur une hyper concentration à le faire transpirer à grosses gouttes. Il peut conserver un état d’esprit assez ouvert à d’autres sujets et peut donc changer de cible, d’objectif ou de stratégie toutes les deux secondes. Ca le laisse aussi plus fataliste. Il ne pique pas une crise s’il rate sa cible et ne se sent pas doué si sa flèche fait mouche.


De cette histoire de tirc à l’arc, on peut retenir que le tir avec viseur est très performant en compétition mais ne vaut rien en bataille (sinon en stratégie de sniper)
Nos ordinateurs ont cherché à résoudre cette faiblesse en offrant aux chars le moyen de colimater une cible tout en roulant à 80 km/h sur des bosses.



Cette différence de concept a été mise en évidence lors de la bataille de Dien Bien Phu, en 1954.
Les Français avaient fortement focalisé sur une étroite vallée près du Laos en considérant que c’était idéal pour y installer une base à partir de laquelle leur aviation pourrait contrôler l’ennemi Viet Minh dans cette région de montagnes boisées. Ils considéraient que les montagnes autour de cette plaine étaient si pentues que jamais le Viet Minh ne pourrait y installer des canons ou des mortiers pour les arroser de haut.
Ils ont oublié de considérer que les Viets ont une conception du déplacement logistique différente, beaucoup plus instinctive donc moins technique se passant de routes et de camions.

Et au-delà même de ce champ de bataille, les Français avaient fondé toute leur stratégie de victoire sur ce seul terrain. Ils ne pensaient plus à rien d’autre. Ils négligeaient des paramètres régionaux, hexagonaux et internationaux. ne considérant que les armes en acier, ils négligeaient les autres outils de guerre, comme la propagande, le relationship, l’esprit de contradiction.

En face, Nguyen Vo Giap, beaucoup plus synthétique, ne faisait pas de calculs hyper pointus sur le site même de la bataille (pas trop mléticuleux sur le site, il y a perdu 10 fois plus d’hommes que les Français) mais il considérait le champ de bataille à l’échelle mondiale. Il prenait en compte même ce qui se passait dans notre Hexagone. Des communistes de France étaient très mobilisés contre cette guerre et certains sabotaient même les armes et munitions de nos soldats. Giap avait placé dans notre Hexagone, en Russie, en Chine, en Amérique, en Algérie, presque autant de billes qu’autour de Dien Bien Phu. Ho Chi Minh utilisait les affirmations de Victor Hugo et d’Albert Camus, non les siennes, pour saper les convictions des Français colonialistes.

Alors que cette défaite française était, sur le plan technique, circonscrite à une petite vallée sans aucune maison ni route, strictement inconnue du monde entier jusque là, alors que techniquement la France n’avait pas perdu la guerre, alors qu’elle aurait pu renvoyer des troupes fraîches, Giap avait fait un si grand nombre de prisonniers et l’oncle Ho avait si bien travaillé l’opinion internationale y compris française que le lendemain, les Chefs français se sont vus ruinés et ont donc capitulé (Pour essayer de prendre leur revanche en Algérie) 




Il faut donc toujours s’attendre à ce que les pays à culture analytique soient capables de performances de pointe aboutissant à des désastres globaux. Les implants mammaires PIP en étant un des derniers avatars.




D’où vient que l’Occident ait été si porté par le scalpel, le microscope et le colimateur ?
Je n’en sais rien sûrement.
Mais je remarque que la configuration de l’Europe géographique est particulière. L’Europe est particulièrement constituée de péninsules. Une péninsule n’est ni exactement un continent (comme l’est si bien la Chine) ni exactement une île. Même l’île Anglaise est si proche de nous qu’elle est presque une péninsule.
Un continent dentelé en péninsules offre divers états d’esprit depuis l’isolationnisme le plus immobiliste au circulationnisme le plus curieux.
C’était donc le berceau idéal du prométhéisme.

Il ne me semble pas étonnant que ce soit entre nos péninsules que le concept de création ait pris autant d’importance et que ses dieux y aient été autant et si essentiellement des Créateurs.
 
Dans les autres régions du Monde, il y a aussi des idéaux, des idoles, des dieux, mais ils ne sont pas aussi créateurs qu’ici. Ils sont plutôt gestionnaires de l’état existant. Ici nous en sommes à considérer que nos Dieux ont essentiellement Créé avec une visée de paix parfaite puis se sont mis à faire la sieste. On ne les voit donc plus intervenir. Ailleurs, il est parfois évoqué l’épisode créateur des dieux mais on les voit beaucoup plus nettement intervenir au quotidien. La gestion de l’état présent ressort alors prépondérant sur la création, sur le neuf, sur l’innovation.
Ici, on est obnubilé par la recherche de nouvelles solutions et cela se sait de manière collective. Ailleurs on préfère le continuum.

Ailleurs, chacun invente des bidules dans son coin sans concevoir que ça puisse intéresser la collectivité. Ici, chacun est obsédé par le projet de devenir un créateur attendu-reconnu, un messie créatif. alors ici les inventions, quand elles prennent, ont toujours des impacts grandioses.

Ici, les cas comme celui du facteur Cheval ou de Séraphine de Senlis sont rarissimes. Ici chacun n’envisage de créer que dans l’optique d’en être reconnu par la Société.

Ailleurs les philosophes sont le plus souvent dans la sagesse du continuum (Confucius, Lao Tseu, Omar Khayyam ne proposent aucune transformation, aucune révolution). Ici ils sont critiques et proposent toujours une nouvelle utopie. Ici, même les psycholoques et psychanalystes sont prométhéens. Ils proposent de nouvelles solutions pour que ça aille mieux demain. Ici, il n’y a quasiment que les géographes pour dire les choses comme elles sont sans proposer ni panacée ni pays de Cocagne

Les livraisons de créativité -portées par le concept « de solution par le changement »- qui sont faites à notre Société, la rendent donc beaucoup plus dynamique.

Nous avons eu une tare qui nous a longtemps freinés : nous n’avions que les chiffres romains auxquels il manque le zéro. Mais dès que nous avons récupéré, grâce à Fibonacci, ce zéro qui dansait en Algérie où il était venu de l’Inde, nous avons pu faire des calculs d’intérêts et notre prométhéisme a explosé.

Le prométhéisme ne peut être qu’analytique (les livres occidentaux qui prétendent expliquer sont en fait des monographies). Ce prométhéisme doit toujours faire l’impasse sur beaucoup de ses conséquences. Il doit toujours comporter des oeillères. Au moins 7 fois sur 10 nos créatifs ont entrevu les inconvénients des inventions qu’ils livraient mais ils les ont tues.

Le prométhéisme implique le phare. Il ne faut plus voir que le phare. Il en découle l’éclat, le brillant, la gloire, le luxe, l’apparent. 

La publicité + l’écran, donc l’imagisme, traduisent ce pharisme + prométhéisme + oeillérisme.


Ici, déjà avec Platon puis Saint Augustin mais plus encore à partir de 1200, a régné le concept de solution par le progrès et de développement, donc par le changement.
Ailleurs, on a souvent préféré le statu quo.

( Les Anglais et les Français avaient saccagé le Palais d’Eté en 1860. Alors que l’impératrice Cixi aurait, dans un esprit occidental, dû consacrer les moyens du Trésor à la reconstruction d’une marine capable de bloquer les navires occidentaux qui injectaient de l’opium en Chine, elle a été obsédée par la nécessité de reconstuire ce palais. Priorité au continuum des valeurs.

A noter toutefois que vers 1851, était apparu le cas extraordinaire d’un Chinois -inspiré par les Jésuites- qui avait bel et bien voulu changer les valeurs et fonder une utopie en se prenant pour un nouveau Jésus : Hong Xiuquan. Il a ouvert un sillon dans lequel Mao n’aura eu qu’à semer )

 


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