Doucement vers l’abîme.
En ce début d’année, les dix-sept pays de la zone euro cheminent plus
que jamais vers l’abîme. Aucune des deux urgences ayant fait l’objet de
plusieurs « sommets historiques » ces derniers mois n’ont été traitées : la
Grèce se dirige vers un défaut total d’ici au mois de mars, et l’Europe n’a
toujours pas mis en place de mécanisme de sauvetage crédible.
De ce fait, alors que la crise grecque entre dans sa troisième année, la
parole politique est sérieusement décrédibilisée. Il y a longtemps que les
dirigeants européens ont perdu leur triple A auprès des marchés financiers ou
plutôt, devrait-on dire, des épargnants qui, dans le monde entier, se demandent
s’il est bien raisonnable de leur faire encore crédit.
Comment en serait-il autrement ? Depuis plus de deux ans, les Européens
répètent que le sauvetage de la Grèce est une question de survie pour la zone
euro. Que le projet européen lui-même serait en ruine si l’on échouait à
Athènes. Que c’en serait fini du rêve d’une Europe puissante, capable de faire
jeu égal avec les autres grands blocs économiques de la planète... Or que
font-ils face à l’obstacle ? Ils renâclent, tergiversent, posent des
conditions, gagnent du temps, bref se montrent incapables de résoudre la crise
d’un pays représentant à peine 3 % de la richesse du continent. Hier, à Berlin,
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont une fois de plus sonné l’alarme. Mais ils
ont aussi donné un sentiment d’impuissance alors que quatre signes inquiétants,
en ce début d’année, montrent que la catastrophe n’est pas loin.
Le premier, on l’a vu, est l’imminence d’un défaut grec. Le second est
la montée de la défiance vis-à-vis de tous les pays de la zone euro à
l’exception de l’Allemagne : hier, pour la première fois, des investisseurs ont
prêté à des taux négatifs à Berlin, autrement dit ils ont préféré payer l’Etat
allemand pour placer leurs liquidités auprès de lui plutôt que de prendre le
risque de les conserver ailleurs. Le troisième est le gel des transactions
entre banques, celles-ci ne se faisant plus confiance entre elles. Le quatrième
est le repli sur le court terme : pour
les Etats comme pour les entreprises, les horizons de prêt se raccourcissent.
Un sursaut massif est indispensable pour éviter que tout le système
financier européen ne se grippe et n’entraîne le continent dans l’abîme. Il
sera vite trop tard.
Nicolas Barré.
http://www.lesechos.fr/opinions/edito/0201832353127-doucement-vers-l-abime-272970.php