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Commentaire de HORCHANI Salah

sur La nouvelle tendance du Ministère tunisien de l'Enseignement Supérieur !


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HORCHANI Salah HORCHANI Salah 12 janvier 2012 11:27
« Niqâb : les enjeux d’un accoutrement 

Mercredi 11 janvier 2012 par Baccar Gherib  

Avant, quand il m’arrivait de rencontrer ces lugubres silhouettes noires, c’était souvent des femmes venant de « pays frères », marchant soigneusement quelques pas derrière le mâle, le chef de famille, le patriarche. Le sentiment qu’elles m’inspiraient alors était, en premier lieu, la compassion. Aujourd’hui que les porteuses de Niqâb que je croise sont vraisemblablement mes concitoyennes, le sentiment qui l’emporte c’est toujours la compassion. Car si cet accoutrement est un choix spontané, il dénote forcément d’un mal-être, d’un malaise, d’une détresse psychologique. En effet, outre le fait qu’il consacre l’idée de la femme comme simple objet sexuel, qui doit être caché pour ne pas susciter les tentations voire la fitna, cet accoutrement signifie simplement le refus de toute communication avec l’autre. 

A cet égard, les universitaires, à travers leur syndicat, ont vu juste en interdisant le Niqâb dans les salles de cours et d’examen, non pas pour des raisons idéologiques, ce qui les aurait mis sur le terrain glissant des faux débats identitaires, mais pour des raisons strictement pédagogiques. La relation pédagogique impliquant un échange entre enseignant et enseigné, elle ne peut avoir lieu si ce dernier soustrait son visage aux autres, empêchant par là toute relation humaine et a fortiori pédagogique. 

De ce point de vue, le Niqâb n’est pas seulement un déni de féminité, mais un déni d’humanité ! Dès lors, qu’est-ce qui explique l’apparition de cet accoutrement déshumanisant, abaissant et humiliant pour la femme qui le porte ? D’autant plus qu’il est admis par tous qu’il n’a aucun soubassement ni justification d’ordre religieux ? 

Et pourquoi ses adeptes visent-elles d’abord l’université ? A mon avis, le Niqâb a avant tout une utilité politique, qui est double pour nos nouveaux gouvernants : diversion et recomposition de la scène politique. 

Diversion, d’abord, car il réussit à imposer un faux débat identitaire. Comme les tenues afghanes des hommes, le port du Niqâb veut véhiculer l’idée que ceux qui le portent seraient « plus musulmanes » que les autres, l’idée que notre société ne serait pas assez islamique en somme et que, partant, les autres seraient tous responsables de cette déviation par rapport à l’ordre juste, l’ordre divin. Le choix de l’université n’est donc pas fortuit, car elle est perçue comme un lieu de rationalité et de refuge des valeurs de la modernité. La polémique que le Niqâb y provoque réussit facilement à capter les feux de l’actualité et à imposer à l’opinion publique un faux débat. 

Recomposition du champ politique, ensuite, car l’apparition du Niqâb et les polémiques qu’il suscite ont le don de faire paraître Ennahdha comme un parti modéré face à des extrémistes qui le débordent sur sa droite. Au moment où plusieurs partis estiment que les Tunisiens se situent politiquement au centre et s’auto attribuent, pour cela le qualificatif de « centriste », il est toujours bon, en effet, d’avoir à ses côtés un plus radical que soi qui, par son existence même, vous pousse automatiquement vers le centre. Et ce n’est sans doute pas un hasard que ce soit Dilou qui ait demandé l’organisation d’un « débat national » autour de la question du Niqâb !

 C’est pour cela que, tout en défendant ses valeurs, la citoyenneté et la république, le camp progressiste a tout intérêt à éviter ce vrai faux débat identitaire qui l’engluerait dans une polémique dont il n’a rien à gagner. Le Niqâb ne peut exister que par le défi, le scandale et la polémique. Si celle-ci venait à refluer, il est appelé à refluer lui-même et à demeurer dans le registre du phénomène marginal et anecdotique. » .

 Salah HORCHANI


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