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Commentaire de Paşa

sur Sauver la liberté d'expression : Mission impossible ?


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Emin Bernar Paşa 16 janvier 2012 14:44

voici ce que pense Robert Badinter (voir Le Monde du 15 janvier) de la proposition de loi qui vise à punir punit d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende ceux qui contestent ou minimisent de façon outrancière un génocide reconnu comme tel par la loi française. :

« Certes le génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale a fait l’objet de dispositions législatives en France, et notamment de la loi Gayssot de 1990. Mais le génocide juif par les nazis a été établi et ses auteurs condamnés par le Tribunal militaire international de Nuremberg. A cette juridiction créée par l’Accord de Londres du 8 août 1945, signé par la France, participaient des magistrats français. Les jugements rendus par ce tribunal ont autorité de la chose jugée en France. Rien de tel s’agissant du génocide arménien qui n’a fait l’objet d’aucune décision émanant d’une juridiction internationale ou nationale dont l’autorité s’imposerait à la France. Le législateur français peut-il suppléer à cette absence de décision judiciaire ayant autorité de la chose jugée en proclamant l’existence du génocide arménien commis en 1915 ? Le Parlement français peut-il se constituer en tribunal de l’histoire mondiale et proclamer la commission d’un crime de génocide par les autorités de l’Empire ottoman il y a un siècle de cela, sans qu’aucun Français n’y ait été partie soit comme victime, soit comme bourreau ? Le Parlement français n’a pas reçu de la Constitution compétence pour dire l’histoire. C’est aux historiens et à eux seuls qu’il appartient de le faire.

Cette évidence, la Constitution l’a faite sienne. La compétence du Parlement sous la Ve République a ses limites fixées par la Constitution. Le Parlement ne peutdécider de tout. Notamment, au regard du principe de la séparation des pouvoirs, il ne peut se substituer à une juridiction nationale ou internationale pour décider qu’un crime de génocide a été commis à telle époque, en tel lieu. Pareille affirmation ne peut relever que de l’autorité judiciaire. La loi de 2001 déclarant  »la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915« , aussi généreuse soit-elle dans son inspiration, est ainsi entachée d’inconstitutionnalité. Je renvoie à ce sujet les lecteurs au dernier article publié par le doyen Vedel, analysant la loi de 2001 ( »Les questions de constitutionnalités posées par la loi du 29 janvier 2001« , inFrançois Luchair, un républicain au service de la République, textes réunis par Didier MausetJeannette Bougrab, Publications de la Sorbonne, 2005).

Ni les plus hautes autorités de l’Etat, ni soixante députés ou soixante sénateurs n’ont jugé bon de déférer cette loi au Conseil constitutionnel. Les considérations politiques ne sont pas toujours absentes de la décision de saisir - ou non - le Conseil constitutionnel... Mais depuis 2008, une innovation importante est intervenue. Tout justiciable peut, dans un procès, soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dénonçant l’inconstitutionnalité de la loi qu’on entend luiappliquer au motif qu’elle méconnaît ses droits fondamentaux : dans le cas de la négation du génocide, la liberté d’opinion et d’expression.

Et selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, si une loi qui lui est soumise repose sur une loi antérieure qui ne lui a pas été déférée, la question de la constitutionnalité de cette loi antérieure peut être soulevée devant le Conseil constitutionnel. La discussion portera donc en premier lieu sur la constitutionnalité de la loi de 2001. Dès lors, la déclaration d’inconstitutionnalité de cette loi entraînerait celle de la loi nouvelle punissant la négation du génocide reconnu par la loi. Rien de plus logique. Comment concevoir qu’une loi française puisse punir la négation d’une loi inconstitutionnelle ? »


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