« Nouvelles de la Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)
(Tunis, le 25 janvier 2012)
Par Habib Mellakh
universitaire, syndicaliste
Département de français, Faculté des Lettres de la Manouba
Les enseignants de la Manouba condamnés à un travail de Sisyphe
L’enseignant de la Manouba est un Sisyphe malheureux mais pas encore désespéré. Chaque fois qu’il croit avoir obtenu le départ définitif des sit-ineurs, ces derniers reviennent à la charge et occupent à nouveau l’institution. Et notre valeureux Sisyphe se remet à l’ouvrage avec beaucoup de courage, d’abord pour ne pas être l’otage du groupe des défenseurs du niqàb et pour obtenir ensuite à nouveau la levée de leur sit-in. Ce scénario s’est répété aujourd’hui pour la troisième fois en dix jours.
A huit heures quarante cinq minutes, ce matin, alors que l’on croyait les sit-ineurs partis pour ne plus revenir, d’autant qu’ une quinzaine d’agents des brigades d’intervention de la garde nationale (BIG) s’était postée devant la faculté, un premier groupe composé d’étudiants de la FLAHM, non concerné par les examens et par conséquent non autorisé à accéder à la faculté, devenue depuis vendredi dernier un centre d’examen, a forcé la porte principale de l’institution. Il a contraint par la menace les enseignants, les agents et les ouvriers contrôlant cet accès à permettre l’entrée de quatre étudiantes portant le niqàb, bien qu’elles aient refusé de signer un engagement en vertu duquel elles acceptent, conformément aux dispositions réglementaires, de se découvrir le visage durant les séances d’examen. « On vous coupera les doigts, se sont-ils entendus dire, si vous ne nous laissez pas entrer ! » Cette scène s’est passée sous le regard indifférent des forces de l’ordre qui n’ont rien fait pour arrêter les agresseurs avançant qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre dans ce sens.
Les agressions verbales et physiques se sont poursuivies devant le département d’histoire et le département d’arabe où une collègue a été bousculée par l’un des défenseurs du niqàb. A ce groupe s’est joint le jeune chômeur évoqué dans mon bulletin précédent et poursuivi en justice pour avoir proféré précédemment des menacés de mort à l’encontre de certains collègues. Son impunité l’encourage à abreuver d’injures un enseignant, venu discuter avec lui, et à lui souhaiter la mort, à la suite de quoi ce dernier est pris d’un malaise. Le groupe menaçant réussit à forcer l’entrée des deux départements. Les assaillants pénètrent chaque fois dans les salles d’examen et y imposent les étudiantes intégralement voilées tout en filmant la scène pour prouver le refus des professeurs surveillants de les accepter. Ces derniers le font à leur corps défendant pour éviter la perturbation des examens mais ils informent les candidates que leurs copies ne seront pas corrigées en raison de leur refus de respecter le règlement.
Durant l’après-midi le groupe, qui s’est renforcé par des intrus ayant escaladé les murs de la faculté, s’est rassemblé devant le département des langues et le département d’arabe. Une collègue pique une crise de nerfs puis s’effondre en larmes à la suite d’une invasion analogue à celle de la matinée et des menaces qui lui sont adressées et qui lui signifient que le groupe est décidé à empêcher le déroulement des examens si l’étudiante voilée n’était pas autorisée à composer.
Ces actes tombent sous le coup de la loi. Il s’agit de délits dont le plus grave est l’entrave à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions par le recours à la menace et à la violence. Ces méfaits ont été rendus possibles à cause de la passivité des forces de l’ordre. Il ne sert à rien de lever le sit-in quand on ne fait rien le lendemain pour empêcher le retour des sit-ineurs. Ces derniers passeront la nuit à la faculté.
Les enseignants réunis en assemblée générale ont décidé de poursuivre leurs efforts pour assurer le déroulement des examens.
Une bonne nouvelle est venue aujourd’hui récompenser leur résistance et leur abnégation. Monsieur Mustapha Ben Jaafar, président de la Constituante, a souligné ce matin en recevant le doyen de la FLAHM « la nécessité de réunir les conditions à même de garantir le bon déroulement des examens …….mettant l’accent sur l’impératif de respecter les règles pédagogiques définies par le conseil scientifique » selon une dépêche de l’agence TAP. ».
Salah HORCHANI
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