Vous dites :
Il [de Tocqueville] constate que nous sommes dans une société marquée par l’Égalité des conditions.
Il fait là une grossière erreur, qui dure encore aujourd’hui. Car la Révolution française (je doute que la révolution américaine parle d’autre chose) parle d’égalité devant la loi. Si la loi est faussée ou favorise grossièrement un certain groupe, l’égalité de condition n’existe plus dans ce cas. Par ailleurs, il faudrait définir ce qu’on entend par condition dans nos sociétés modernes. Grand sujet de sociologie.
De plus, l’égalité de condition n’est qu’un voeu pieux. Quand on proclame que les individus naissent et demeurent libres et égaux entre eux, il faut souligner avec force que c’est seulement devant la loi. La naissance (le milieu social et économique) influe grandement sur ce qu’on appelle la condition. Les sociologues débattent encore avec les biologistes pour savoir si le 50% de traits naturels et 50% d’influence sociale constitue le « bon » mélange. Lire le texte de Marshall Sahlins :« La nature humaine, une illusion occidentale », par exemple, qui traite de l’individualisme.
Ceci étant dit, il importe de façon urgente au corps politique d’une société de faire en sorte que les lois compensent les inégalités de condition. Cela est le but des démocraties dignes de ce nom. C’est ce qu’elles tentent de faire avec un succès très inégal dans pas mal de domaines. Ce que les lois ne font jamais, c’est de contrôler efficacement le détournement de richesses, de surplus, fournies par le travail, et donc par l’activité du plus grand nombre.
Certains argumentent que cela est fait par la redistribution que constitue la protection sociale ainsi que l’accès libre (très théoriquement) aux services offerts par l’Etat. Mais, cette protection sociale est toujours battue en brêche par les acteurs du Capital pour qui le pillage des populations par Etat interposé est un droit intangible. Et cela au nom du principe général de la propriété légale, et de la liberté d’en jouir, mais sans aucune considération de l’origine de cette propriété.
On retrouve là le détournement du pouvoir dont parle De Tocqueville. Il suffit d’élaborer des lois favorisant quelques minorités discrètes (car ignorées des majorités « raisonnables »), sous la forme de lobbyisme par exemple, et le tour est joué.
Enfin, dans votre conclusion, votre notion de médiocrité universelle est un sentiment bien personnel.