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Commentaire de benevole

sur Faillite de l'école conséquence de l'échec de l'éducation ?


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benevole 13 février 2012 18:09

@ l’auteur

Je n’ai pas évalué votre article parce que j’aurais sans aucun doute voté oui pour l’aspect « journaliste » qui rapporte son expérience de manière claire , correcte et bien orthographiée, ce qui n’est pas toujours le cas dans les articles à modérer.

Pourtant, j’aurais répondu « non » pour la conclusion réactionnaire (l’école a été trop tolérante)

J’ai travaillé comme éducateur et comme enseignant à une autre époque (j’ai aujourd’hui 63 ans). J’ai eu affaire à des enfants et adolescents de tous âges et même à des adolescents
dits asociaux et placés en institution. Il en existe des fermées, la mienne était ouverte.

Je n’ai jamais été un partisan de la discipline, ni du respect dû à ma fonction. Et j’ai toujours eu un excellent contact avec les enfants et adolescents.

Puisque vous parlez d’enfants de six à douze ans, l’essentiel est de ne pas se cantonner au rôle de « parent normatif » dont parle la méthode de l’analyse transactionnelle mais de pouvoir investir soi-même tous les rôles, dont celui de « l’enfant rebelle ».

Je sais que la classe n’est pas l’endroit rêvé pour cela mais un peu d’anticonformisme ne tue pas. Cela aide au contraire à établir un lien entre le prof et l’élève. Si le prof sait réveiller , à certains moments, l’enfant qui est en lui, il n’aura aucun problème lorsqu’il changera de ton pour jouer un rôle plus parental ou plus neutre et objectif. 

J’ai constaté souvent que des enfants de parents désunis cherchaient en moi plus qu’un prof et ne me suis jamais soustrait à cet appel. Un peu d’affection, quand l’enfant la demande, ne tue pas non plus. Elle peut s’exprimer par le ton et le geste, parfois aussi par l’une ou l’autre activité en dehors de l’école. Ainsi, plusieurs de mes élèves ont fréquenté mon club d’échecs.

L’enfant aime jouer, c’est sa nature et c’est heureux qu’il en soit ainsi. Si la classe est le moment où le jeu cesse, l’apprentissage devient beaucoup plus difficile.

Je me souviens d’un prof qui avait divisé la classe en quatre ou six équipes représentant chacune une écurie de course automobile et les élèves avaient sur leur banc une voiture de course miniature « Porsche, Maseratti, Ferrari, ou Lotus. » Je me souviens encore de la marque de ces modèles réduits : Norev.

C’était un petit investissement en début d’année mais ça nous tenait motivés l’année entière car, quelle que soit la matière, ça donnait lieu à une petite épreuve à la fin de chaque cours, tantôt individuelle, tantôt collective, qui faisait évoluer les voitures sur une reproduction sans doute infidèle du circuit du Mans divisé en de multiples cases.

Ce n’est qu’un exemple mais la motivation pour apprendre à lire peut partir d’une belle histoire qui conduise l’enfant à lire un message pour passer à l’étape suivante. Chaque matière peut être associée à un jeu.

Enfin, outre l’analyse transactionnelle et le jeu, le facteur le plus important est tiré de l’effet Pygmalion. J’avais le pouvoir de m’émerveiller sincèrement devant les progrès de mes élèves et leur renvoyais l’image d’élèves doués et intelligents.

Et s’ils ne l’étaient pas au départ, ils le devenaient. Car l’enfant a de lui l’image que lui renvoient les autres et plus particulièrement ses professeurs et ses parrents. Dites à un enfant qu’il est un cancre ou un voyou et il le devient. Dites lui qu’il est super doué ou un chic type et il le devient. 

Dans le secondaire, les règles évoquées plus haut sont toujours valables mais il faut leur adjoindre quelque chose en plus que je pourrais appeler « l’objection de conscience ».

C’est à ce moment de sa vie que le jeune ado va construire sa personnalité, se démarquer de ses parents ou de sa fratrie, en choisissant ça et là les options qui lui conviennent.

L’amener à réfléchir, à décoder l’information, à débattre, à se positionner, à prendre des responsabilités, à s’opposer à l’autorité quand il estime un ordre injuste ou arbitraire, bref lui apprendre à se forger sa propre opinion est le service le plus estimable qu’on puisse rendre à un ado.

Parce que c’est d’abord lui faire comprendre qu’il est quelqu’un et que son opinion compte.
C’est ce qui manque dans la société d’aujourd’hui. Le jeune habite parfois dans un quartier miteux ou qu’il estime tel par comparaison avec ce qu’il voit à la TV, il n’a pas d’argent et la société de consommation ne cesse de l’en culpabiliser , ses parents sont chômeurs ou travaillent pour un salaire de misère et il a l’impression de n’être personne. C’est pour cela qu’il joue au caïd , rackette les plus faibles, persécute certains condisciples ou fait le mariolle pour attirer l’attention.

Alors, la discipline pour la discipline, ça ne marchera pas ou ça fera des psychopathes qui se tiendront correctement devant vous et auront un comportement inadmissible quand ils auront le sentiment de pouvoir échapper à la sanction.

Je vous parlais au début de respect pour la fonction, en vous disant que je ne l’ai jamais exigé mais le fait d’adopter les conseils qui précèdent conduit au respect de la personne et ça, c’est beaucoup plus intéressant.

Beaucoup trop de profs pensent que parce qu’ils sont profs, ils doivent être respectés. Allons donc ! Ils n’avaient pas droit au respect avant d’entrer en fonction ?

Ne soyez jamais un prof, soyez d’abord une personne.


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