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Commentaire de easy

sur Vie & Vicissitudes D'Un Chômeur


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easy easy 14 février 2012 22:09


J’ai toujours été employeur mais votre témoignage ainsi que les trois autres me font frissonner et du coup je ressens moi-même de la détresse.


Je ne crois pas du tout au mythe du chômeur profiteur sauf de temps en temps dans les hautes catégories. Pour les gens de modeste condition travailler est la condition sine qua non pour se sentir utile à quelque chose et pour ressentir du sens à leur vie. Je crois que même ceux de basse condition qui prétendent profiter exprès de l’assistanat, ne prennent cette posture que par dépit, pour essayer de renverser l’humiliation du chômage ou du non emploi

Et je crois aussi que ceux qui entretiennent le mythe du chômeur profiteur sont des gens qui se défendent ainsi de leur impuissance à apporter des solutions alors qu’ils sont a priori en position voire en devoir de les résoudre. Faute de pouvoir aider les chômeurs et quitte à faire quelque chose, ils font dans l’enfoncement et doublent la peine de ceux qui sont déjà dans la détresse en les stigmatisant.

Les situations de manque d’emploi créent donc des cercles vicieux de mise en souffrance.


En tant qu’ancien employeur, je ne rejette pas complètement les considérations de Spartacus sur les candidats à l’embauche, mais j’ai toujours considéré que s’il y a des risques à prendre et à accepter en tant qu’entrepreneur, ils doivent se situer aussi dans l’embauche. Oui on peut tomber sur un prud’hommiste mais j’ai constaté que ce point d’incertitude pouvait en grande part être réglé au niveau de l’entretien et aussi par ma propre attitude de patron. 


En l’occurrence, j’ai toujours choisi une singulière façon de vivre l’entreprenariat. J’ai tout installé, bâtiments privés et entreprise dans un même endroit. La vie de tous, depuis mes enfants jusqu’à mes employés en passant par mes parents et amis était donc organisée de manière visible en sorte de village où chacun voyait comment vivaient les autres. quand je partais en chantier d’installation de laboratoires avec quelques gars, après avoir bossé d’arrache pied, moi le premier à ramper dans la boue pour passer un câble, nous effectuions le chemin du retour en musardant. Tiens ! un château à visiter, Hop on s’arrête et on y passe 3 heures. Tiens ! on n’est pas loin de la mer, hop, on y va et on lézarde sur les rochers. 

80 salariés sont passés dans mes entreprises, pas un seul procès. 


Alors bien entendu, pour vivre ça, il faut le vouloir et monter un type d’entreprise qui permet de passer ses journées avec ses employés, à rang et boulot égal. Faut pas se mettre en tête qu’on va aller jouer au golf pendant que les gars en bavent dans l’atelier.


Voici des exemples de métiers qui avaient surgi de nulle part et qui avaient permis ce genre de vie.

Vers 1970, on s’était mis à inventer des stations de ski. Je te dis pas le nombre de métiers et de marchés qui ont alors surgi. Pendant la saison d’hiver, il fallait des moniteurs de ski. Tant de demandes qu’il fallait se contenter des garçons du pays qui savaient un peu skier. Quelques heures de formation à la pédagogie, au principe du ski dit évolutif et voilà 50 moniteurs sortis de nulle part, tous habillés d’une même combinaison bien frimante.

Fin de la saison, la station se vide. Chômage. Pas tout à fait car les bâtiments de 30 m de hauteur, tout en béton mais habillé bois, doivent être entretenus. Et voilà les moniteurs de ski mués en peintres acrobates, aucun échafaudage, tout à la corde et au baudrier.
Puis, arrive le Futuroscope avec ses vitrages vertigineux qu’il faut nettoyer. Et voilà nos moniteurs-peintres mués en nettoyeurs de vitre acrobatiques.
Du coup, le CNIT qui avait jusque là besoin de nacelles en pagaille se met à convoquer ces acrobates pour toutes sortes de travaux. Même pour réparer des fissures, même pour changer des canalisations verticales.

Et dans le même temps, on prend l’habitude de faire de la moindre inauguration, un évènement. Surgissent les grands écrans qu’on tend pour un oui ou pour un non à travers les villes. Tiens, c’est le dixième anniversaire de Roissy ? Super, on va proposer à ADP d’emballer le gâteau central d’une multitude de drapeaux internationaux. Immense toile à manipuler et à arrimer. Voilà nos moniteurs-peintres-nettoyeur-plombiers mués en tendeurs de toiles géantes.
Et Christo de les embaucher alors pour tendre ses toiles roses.


Au bilan, voilà des garçons nés dans une vallée savoyarde n’offrant au départ aucun autre boulot que les vaches et la boulangerie, qui ont finit par faire toutes sortes de métiers en trouvant fun de toujours bosser en équipe, le plus souvent en plein air. Relationnel de travail. Vrai réseau de travail. ANPE connaît pas.


Qu’en est-il de nos jours ?

Mutadis mutandis, c’est à peu près pareil.
J’aurais à démarrer aujourd’hui, je commencerai par faire un tour en station, que ce soit chez le garagiste, à la patinoire ou à l’école de ski. J’éviterai de me retrouver enfermé dans un labo de charcutier mais tout le reste, je le prendrais. Seul problème initial, le logement. Mais comme c’est grâce à cette étape à franchir qu’on peut se dénicher un job, il suffit de la prendre en compte et de la traiter, d’une manière ou d’une autre elle se résout




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