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Commentaire de easy

sur Sortir de Babel : pour une science citoyenne


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easy easy 24 février 2012 12:26

J’ai trop diagonalisé
Reprenons 


Je pose d’abord ce que je comprends de votre démarche sur le sujet que vous nous exposez avec ce papier et le précédent afin que vous puissiez me corriger de quelque méprise éventuelle.

Traduit dans le trop libre excès de mes termes toujours à reprendre, voici ce que vous considéreriez :

Confrontés aux problèmes que posent les anomalies mentales, surtout l’autisme, les docteurs égotiques n’acceptent pas d’avouer leur impuissance et remplissent leur vacuité par une abondante production de fumigènes (le jargon).

Le jargon de chacun étant inaccessible même aux plus pugnaces puisque c’est fait pour ça, chaque docteur développe le sien à proportion de son échec. Quiconque voudrait comprendre ces jargoneurs pour en extraire une synthèse devra faire d’abord bonne réserve d’aspirine.

Comme les fumées sont insaisissables et qu’elles se mélangent tant en amont de leur création qu’en aval, chaque enfumeur pantoufle en toute inexpugnabilité bien comprise de ses comparses. Et ce ne sont pas les rares Michel Onfray ou Sophie Robert qui vont les empêcher de dormir.

Résultat de cette situation qui dure depuis un siècle, la carte des théories de l’autisme a une allure cacophonique (balkanisation). Prises une à une ou ensemble, ces théories doctorales semblent produire quelque chose mais ce n’est que de l’autisme. Il y a bien du bruit, ça bouge, ça semble bien vivant, mais on n’y comprend rien et ça sent surtout le cramé.


Vous n’en êtes pas satisfait. Vous sentant de force, vous réagissez avec optimisme et constructivement.

Considérant que la manière de Michel Onfray est contre productive parce qu’elle apparaît trop exclusivement délogeuse de pantouflards, vous braquez plutôt le projecteur sur Nous Tous pour proposer un modus vivendi autour de l’idée selon laquelle la compréhension de l’autisme peut surgir aussi bien de l’intelligence de Marcel Bidochon, de ma concierge et des Agoranautes que de celle de Pierre Delion, Genevieve Loison, Daniel Widlocher, Bernard Golse, Estela Solano, Yann Bogopolsky, Bruno Bettelheim.

Donnant à entendre alors qu’il sera en tous cas plus facile de synthétiser les productions intelligentes de la rue que les productions de fumée des Babéliens.

D’autant que celles de la rue prennent automatiquement forme concrète (14 juillet 1789, Web, Wiki, pop music, bronzage, piercing, peer to peer, manifs, boycott, restos du coeur, culture bio, SPA, Taï Chi, ...)

D’autant que les parents des enfants autistes font partie de cette rue. Et que si les docteurs ont de bonnes raisons stratégiques de rejeter la faute de leur impuissance sur les parents, la rue qui ne se sent tenue à rien ne se voit aucune raison stratégique d’accabler des parents déjà à la peine.



Ce serait pour démontrer pourquoi il faut passer de la recherche doctoriste à la recherche collectiviste que vous auriez écrit ces deux paragraphes articulés autour d’une nécessaire synthèse pratique et compréhensible à tous.

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La synthèse est donc le lieu où scientifiques et citoyens sont appelés à se rencontrer car elle est le lieu ou s’ordonne l’envahissante richesse du réel et où se dégage ce qui le rend accessible, intelligible. Elle est d’une absolue nécessité car sans elle, sans cette rencontre entre chercheurs et citoyens qu’elle permet, la science reste sans conscience et ne peut mener qu’à la « ruine de l’âme » humaine, prête qu’elle est à servir tous les projets frankensteiniens de la technocratie machinique.
 
Ceci veut dire que la rencontre entre citoyens et scientifiques ne saurait se réaliser comme spectacle, avec un public simplement consommateur. Tout au contraire, il importe que le public soit acteur, ou plutôt, agent contribuant effectivement à la synthèse. Il en a les moyens car, nous avons commencé à le comprendre avec le web 2.0, l’intelligence est un processus collectif. Un peu d’histoire des idées suffit pour soupçonner qu’il n’y a pas plus d’intelligence et de rationalité chez les scientifiques que chez le commun des mortels

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Voilà le topo que je propose de vos motivations et de votre entreprise


Mon propos est alors de vous dire que si dans le domaine de la seule recherche sur les anomalies mentales ou sur le seul autisme, le concept d’intelligence collective ne heurte que le doctorisme et l’autoritarisme, donc le seul narcissisme et la situation des professionnels qui sont payés pour produire de l’intelligence, ce même concept, dans ses divers développements, finira par heurter le principe judiciaire qui veut une seule tête à couper, un seul responsable, une seule intelligence, même pour un fait impliquant plusieurs personnes. 

Alors que vous êtes tout concentré sur l’installation de votre concept d’intelligence collective en n’y voyant que son effet positif sur la meilleure compréhension des maladies mentales, je déboule en alertant que des développements de ce concept heurteront forcément le principe de notre Justice et vous en êtes surpris car vous ne voyez pas le rapport.

Je vous propose de partir de la problématique judiciaire pour voir comment elle pourrait être perturbée par votre concept s’il était adopté.

La Justice s’exerce au nom d’une intelligence collective tant en termes de dommages commis par un fâcheux, qu’en termes de torture à lui infliger en retour. Elle s’exerce en ces termes mais par le biais de docteurs de justice dont la parole est d’une autorité inexpugnable.
La Justice ne peut pas, au nom d’une intelligence collective, juger et condamner cette intelligence collective. 
Elle ne peut juger et condamner que des individus considérés comme séparés ou isolés de l’intelligence collective : « Nous te jugeons, Nous te condamnons, toi le out group »
La Justice doit toujours isoler le justiciable de la masse qu’elle prétend incarner et servir.


On pourrait m’objecter qu’il y a un monde entre l’intelligence collective et la responsabilité collective, ou que les méfaits d’un individu tiennent précisément de ce qu’ils ne relèvent pas de l’intelligence collective, mais je demanderais alors quelle collectivité on considère.

Avant que l’une des deux soit exterminée, n’y avait-il pas au minimum deux collectivités la veille de la saint Barthélemy ? 
En Indochine, en Algérie de 1960, combien y avait-il de collectivités sinon au moins dix ? 

Dans toute affaire de Justice, les avocats tendent à exposer le fait de l’intelligence collective ou son impact sur l’accusé « Il vient d’un milieu qui... »

Diderot, Voltaire auront procédé de la sorte pour rompre l’isolement du Chevalier de la Barre dans lequel l’accusation le plaçait.
Parce que l’accusation a isolé l’accusé, la défense a tenté de le rattacher à la collectivité ou à une collectivité. « Ce qu’a fait le Chevalier, d’autres collectivités n’y voient pas matière à reproches, alors pourquoi votre collectivité s’acharne t-il autant à l’isoler de tous ? Pourquoi votre collectivité expédie-t-elle le Chevalier vers la seule collectivité absolue qu’est celle des morts ? »
Réponse des juges « Vous inventez une collectivité à laquelle appartiendrait le Chevalier or elle n’existe pas. Il n’existe qu’une seule collectivité, celle que nous représentons et le Chevalier s’en est exclu de lui-même »

C’est pour cela que quand on veut élever une protestation, il vaut mieux le faire au nom d’un collectif, d’une intelligence collective qui s’est officiellement annoncée et réalisée, une association, un syndicat, un parti politique.
Autant d’associations, autant de regroupements d’intelligences collectives.

Malgré ces précautions, la Justice trouvant toujours un biais pour isoler le prévenu, bien des leaders de collectifs se retrouvent seuls à la barre puis derrière les barreaux.

Parce que j’estime que votre concept démontrera trop bien que les individus sont psychologiquement rattachés à Nous Tous (dans tous les sens : actifs et passifs ; ontologiquement et phylogéniquement ; pour le meilleur et pour le pire ; au passé, au présent et au futur) et que les responsabilités de chacun sont tout autant rattachées à la collectivité, les avocats l’embrasseront et la Justice en sera embarrassée.




Par ailleurs et plus accessoirement.

Lorsqu’on considère Wiki, on peut y voir une production utile, consensuelle, une réussite sans équivoque née de la rue. De là, on pourrait en déduire que des solutions apportées par l’intelligence collective sur le sujet de l’autisme seraient tout aussi utiles et consensuelles.

En fait la rue produit bien des choses faisant débat voire polémique. Les tags, le rap, le mariage gay, le naturisme, le gothisme, le hooliganisme, l’épilation intégrale, le divorce, le suicide, le libertinage, l’échangisme, le marché noir,...
Et la Justice y met son nez. En isolant toujours ceux qu’elle interpelle. En individualisant leur cas.


La séparation entre les deux sortes de productions se voit par la doctorisation. Lorsque quelque chose surgit de l’intelligence collective, tant qu’aucune doctorisation n’a pu s’y installer, cette chose sera dénigrée par la Justice. Une fois doctorisée, elle servira la Justice.

Justice et doctorisés marchent donc de concert. Les docteurs ou experts sont toujours des auxiliaires de Justice et jamais un psychiatre expert ne dira d’un justiciable qu’il a agit en étant porté par quelque intelligence collective, pas même de petit collectif.

Alors que la psychiatrie admet parfaitement l’ontologie familiale et sociale de notre psychologie, donc une étiologie aussi familiale et sociale de nos déviances, elle nous abandonne à l’isolement en responsabilités pour aider la Justice à nous juger isolément. Ou alors elle nous déresponsabilise complètement pour nous envoyer à l’asile. Elle ne fait rien pour convoquer la famille et la société à la barre.



Je crois en l’intelligence collective. Ramenant cette intelligence collective à la surface d’un lac, je crois que chacun de nous est une goutte de pluie tombant dessus, chacun de nous participant au chaos global et le subissant aussi. Juger du plic de l’un de nous en l’isolant du point de vue de ses responsabilités et en collectivisant au contraire les doléances « Toi responsable, Nous victimes », n’est évidemment pas juste. Mais comme ça ne conduit au sacrifice que d’un seul, ceux qui en réchappent y voient une reconnaissance de leur ploc. Chaque jour le sacrifice d’un bouc confirme le sursis de tous les autres qui se sentent alors davantage vivre.


Les individus, surtout dans les cités, ressentiraient assez fortement un doute sur leur état de vivant s’il n’y avait pas le principe du bouc émissaire. L’unique plaisir que pourrait tirer une personne parvenue en ce Paradis où il ne se passe plus rien, où l’on n’éprouve ni faim ni soif ni désir ni frustration, tiendrait dans son regard sur le fait qu’elle aura échappé à la torture de l’enfer. 

Pareil sur Terre, il me semble que chacun tire un plus grand plaisir de vivre en réalisant chaque jour qu’il échappe à quelque lapidation « Ouf, aujourd’hui la lame est encore tombée sur un autre bouc ! J’ai de la chance, j’ai de la chance ! »
Je ne sais pas comment nommer ce sentiment très secret. Sadisme, égoïsme, cruauté, soulagement ? Non, c’est autre chose mais ça ne porte pas encore de nom. Le chancisme peut-être.




Accessoirement toujours :
 
L’ipséité dont je parle est cette impression que nous avons probablement de façon innée d’être en chaque instant, à chaque réveil, la même personne qu’hier. En dépit d’un mal de dos en moins, d’un divorce en plus, de cheveux en moins, de rides en plus. 

Ce n’est pas un sentiment si logique qu’il pourrait en avoir l’air.
Même nonobstant le fait que nous grandissons de taille, que nous changeons de visage, que toutes nos cellules, sauf les neurones, sont changées régulièrement. Même si nous étions strictement identiques physiquement, il n’irait pas forcément de soi de ressentir chaque matin qu’on est la même personne qu’hier. Et pourtant cette impression existe bel et bien.

Le fait est qu’il arrive que cette impression s’estompe ou n’existe plus.
Déjà, il nous arrive souvent de nous réveiller en nous demandant où nous sommes. mais en plus, à la suite d’un choc à la tête, il nous arrive de ne plus savoir qui nous sommes. Il nous arrive aussi de dire « Je me sens un autre homme ». Et puis il y a l’empathie qui nous envoie souvent dans la peau d’un autre « Je me mets à ta place »

J’estime qu’il faut qu’il y ait quelque mécanisme mental pour ressentir cette ipséité et je ne serais pas étonné qu’une panne de ce mécanisme produise des individus dont on dit qu’ils auraient plusieurs personnalités.

Et je disais donc qu’outre le fait que ce sentiment nous soit probablement naturel et qu’il nous arrive parfois de moins le ressentir, la Justice tient à nous considérer comme étant absolument la même personne aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Si notre ipséité était imparfaite, si elle n’existait pas, la Justice se chargerait de nous l’imposer. 

La Justice se sert grandement de cette ipséité pour isoler l’individu « Tu es toi, personne d’autre. Tu n’es rattaché à rien »

Votre concept de pensée collective contrarierait aussi cette ipséité dont la Justice a besoin pour torturer aujourd’hui de bon droit un corps et très isolément un esprit qui a fauté 30 ans plus tôt.



Voilà à quoi se heurterait, à mes yeux, votre concept d’intelligence collective en ses extensions qui déborderaient de la seule recherche sur l’autisme.
C’est le seul obstacle mais je le crois insurmontable.
Voilà pourquoi, à mes yeux, ce concept qui a pourtant ses réalités, serait constamment dénié et bien avant d’atteindre l’enveloppe du judiciaire. Vous ressentirez des réticences à son adoption, on vous opposera mille prétextes, on ne vous dira pas l’os judiciaire, mais ce sera bien lui qui suscitera les levées de bouclier.






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