@rosemar
Vous avez écrit à propos de l’agonie
sous morphine : « C’est terrifiant, et je ne souhaite cela à
personne ». Terrifiant pour qui ? Et maintenant vous écrivez
que ce qui est « horrible, c’est la douleur de celui qui
agonise à petit feu !! ». Horrible pour qui ?
Le seule chose dont vous puissiez
parler, c’est de ce que vous avez VU, et bien du SPECTACLE (du latin
spectare : regarder), non pas de ne que vous avez ressenti à la
place du mourant : aussi longtemps qu’on ne s’est pas trouvé dans la
situation de quelqu’un qui est en bout de course, on peut fantasmer
la situation à partir de ses propres angoisses mais on n’en a aucune
expérience et c’est un abus de langage que d’en parler comme si on
savait de quoi il retourne. Par ailleurs, lorsqu’on est sur un lit
d’hôpital et qu’on souffre – nous sommes nombreux, je pense, à
nous être trouvés dans cette situation -, la question de la
« dignité », pour le patient, reste au second plan, et
il est tout à l’honneur du personnel infirmier qui vous prodigue des
soins de ne jamais paraître porter un jugement sur la situation de
dépendance plus ou moins répugnante dans laquelle vous vous trouvez
momentanément. S’il y a « indignité », c’est pour les
proches, et c’est pour eux que le « spectacle » devient
vite insupportable, jamais pour les médecins qui ont une tout autre
expérience, un peu moins fantasmatique et plus objective de ce
qu’est la vie et de ce qu’est la mort, laquelle a toujours quelque
chose d’obscène : l’idée de mourir « dans la dignité »
est la pire des stupidités naïves : je ne vois rien qui puisse
ressembler à de la dignité dans cette déconfiture finale, pas même
dans le seppuku des samouraïs.
La mort sera toujours un SPECTACLE
horrible. En vérité, ce que vous voulez, c’est qu’on tire le rideau
le plus rapidement possible sur la scène finale parce que vous
n’avez pas le courage de regarder les choses en face.