Votre position n’est pas claire : je n’ai vu personne ici, parmi ceux qui s’opposent à l’euthanasie, qui ait prétendu interdire le suicide. Mais quand quelqu’un a essayé de se suicider, on l’installe en réanimation sans même lui demander son avis. Je repose pour la troisième fois ma question : faut-il achever les pendus qui ne sont pas tout à fait morts ? mais on se gardera bien d’essayer de me répondre.
La question déterminante est celle-ci : l’assistance au suicide est-elle concevable ? Pour toute sorte de raisons que je pourrais développer et qui sont de l’ordre du social et du politique, elle ne l’est pas, trop de débordements étant aisément prévisibles. Il y aura toujours des cas d’espèce, des passages à l’acte irresponsables d’individus psychologiquement trop faibles pour affronter des réalités atroces. Il convient qu’ils soient jugés même si, dans la plupart des cas, la mansuétude des tribunaux aboutira à un non-lieu. Il convient que le geste de tuer engage toujours la responsabilité du tueur, même s’il peut y avoir quelquefois des circonstances atténuantes. Mais on ne peut pas tuer « en conscience » parce que dans les cas qui nous occupent, le tueur ou son complice a toujours un intérêt personnel à voir mourir l’autre, ne serait-ce que, pour lui, le retour à une situation qui diminue le stress. Je l’ai déjà dit plus haut en évoquant le cas bien connu d’Althusser : le meurtre altruiste, fût-ce avec la complicité de la victime, ça existe, mais cela relève exclusivement de la psychiatrie.