@rosemar
« La ballade de Narayama » parle de la vieillesse et de la mort, de la manière dont le problème est vécu par les vieux devenus inutiles et par leur entourage. Il s’agit, pour les vieillards d’échapper à « l’indignité » qui consiste, dans un monde frappé par la pénurie, à dépendre des autres, à devenir pour eux une charge insupportable. Ceux qui ne veulent pas eux-mêmes monter dans la montagne pour y mourir, on les y transporte. Les vieillards savent ce qui les attend. C’est une fiction, réalisée à partir d’un roman, mais cette fiction illustre fort bien, dans sa logique inhumaine, les arguments actuels à propos de la « dignité » dans la mort.
Dans nos sociétés en proie à la crise économique, le problème semble désormais de trouver un moyen de se débarrasser des vieux. Il y a les maisons de retraite, les hôpitaux, mais ça coûte très cher et le fond de la question est bien là. Si seulement on pouvait persuader les vieillards que la vie qu’ils mènent ne vaut pas d’être vécue, qu’elle est « indigne », qu’il vaudrait mieux pour eux disparaître le plus rapidement possible, « dans la dignité », au lieu de continuer à exhiber salement leurs infirmités ! Bref, instituer une sorte de stoïcisme d’un nouveau genre, une sorte d’éthique samouraï ou de mystique nazie qui ferait du suicide une vertu et du meurtre une solution de remplacement. Quel bénéfice pour la société ! Et quelle société !