@rahsaan
L’excès n’est pas à craindre dans l’avenir, il est déjà dans l’espèce de norme qu’impose implicitement l’exigence de « mourir dans la dignité ». Formuler une pareille incongruité, c’est la preuve même qu’on est incapable d’un commencement de réflexion philosophique. Dans le cas de l’avortement, il n’y a pas l’imposition implicite d’une norme qui voudrait qu’on ne se reproduisît pas, et contrairement à ce que prétendent les intégristes de tout poil, l’embryon n’est pas plus un sujet ou une personne, au sens philosophique du terme, que tant de gamètes dont le corps se débarrasse naturellement et qui ne formeront jamais d’autres individus.
Vouloir mourir « dans la dignité », cela impliquerait que lorsque la mort n’est pas quasi instantanée comme celle qui résulte de l’injection d’un produit létal, lorsqu’elle n’est pas équivalente à cette sorte d’opération presque purement administrative, on tomberait dans une sorte de répugnante bestialité tout à fait déshonorante pour le sujet mourant aussi bien que pour son entourage. Le mot d’ordre implique donc que les mentalités changent radicalement, que s’impose à tous (qui voudrait se complaire dans « l’indignité » !) une semblable manière de disparaître proprement et rapidement. C’est-à-dire qu’on prétendrait imposer par une loi de cette espèce, si elle était votée, une sorte de pression morale sur l’ensemble du corps social.
Je suppose que nos fanatiques de la mort par euthanasie ne se contentent pas de s’exprimer ici. Le discours qu’ils sont en train de nous servir, ils le tiennent également chez eux, en famille. C’est-à-dire que leurs aînés savent déjà à quoi il faut qu’ils s’attendent quand ils seront au bout du rouleau, et qu’il leur faudra savoir répondre à l’exigence de « dignité » qu’on aura déjà formulée pour eux bien avant qu’ils soient à la dernière extrémité. Ils savent déjà que ce qu’on attend d’eux : « de la dignité » avant toute chose, c’est-à-dire une certaine manière qu’il leur faudra trouver de quitter la scène du monde sans trop emmerder l’entourage. Il y a vraiment des vieux parents à la place de qui je n’aimerais pas être et je vois mal que leur décision soit tout à fait « libre » quand il leur faudra la prendre dans dix ou vingt ans. Ce sera donc un meurtre, n’ayons pas peur des mots, et longuement prémédité.