« Une grande discrétion » ? Qu’est-ce qu’il vous faut ! Le fait que les médias ne se soient pas intéressés à Mélenchon pendant qu’il n’était encore que l’un des huit dirigeants nationaux d’un courant ultra-minoritaire de la gauche du PS n’implique pas qu’il a été, sur le terrain, « d’une grande discrétion ».
Pendant le début des années 1980 il faisait partie de ceux que les commentateurs autorisés nommaient « les irresponsables », qui fustigeaient le tournant de 1983 et réclamait « l’autre politique » (un slogan porteur, à l’époque). Par la suite, il s’est tenu à une ligne républicaine sociale, dans la gauche du PS. Il a toujours refusé de faire comme Dray et d’intégrer la majorité, par exemple.
Il a commencé à devenir une figure un peu connue au début des années 1990, quand il a importé au PS le concept de « développement durable » (on parlait alors plus volontiers de « développement soutenable »), mais avant 1997, il n’avait que fort peu d’espace médiatique.
Comme aujourd’hui encore un Gérard Filoche, il estimait alors qu’il était possible de renverser le mouvement qui porte le PS vers le libéralisme à tous crans. Avec 2005, il a failli partir, mais les enquêtes internes indiquant que deux semaines avant le vote une grande majorité de militants PS était finalement hostile au TECE l’a convaincu de rester. Au congrès suivant, sa motion, portée par Laurent Fabius, obtenait 21%, permettant audit Fabius de pouvoir prétendre à la candidature pour 2007, d’autant que l’autre motion de la gauche du PS obtenait 23%.
Mélenchon a donc soutenu Fabius, candidat de « l’aile gauche » du PS un peu malgré lui. Intégré dans le processus des primaires du PS, il ne pouvait pas décemment partir parce que son champion n’avait pas été choisi. Il a donc « rallié » Ségolène Royal (« elle a le programme commun minimum : être présent au second tour pour battre la droite ») et a conçu pour le PS ses argumentaires contre François Bayrou et son centrisme libéral.
Après la défaite de 2007, le traité de Reims aurait dû être le moment de la réorientation du PS : la majorité hollandiste (53% en 2005) partait divisée en trois motions tandis que la gauche du PS (deux motions, 44% en 2005) était pour la première fois de l’histoire du PS unie autour d’une seule motion. Et cette motion unitaire de la gauche du PS s’est faite laminer en arrivant 4ème avec moins de 20% des voix.
C’est là que Mélenchon a conclu, au contraire d’autres comme Emmanuelli, Lienemann ou Filoche qui continuent (non sans certains succès ponctuels, il faut le souligner... mais pas comparables à ceux de la branche sociale-libérale), que la réorientation du PS n’était plus possible, que la ligne de partage entre gauche sociale conséquente (qu’il appelle « l’autre gauche ») et gauche social-démocrate (voire social-libérale) ne passait plus au sein du PS mais à sa gauche.