« Pourquoi parlez des victimes du communisme si les victimes du non-communisme sont bien plus nombreuses »

Dans le même esprit, pourquoi parlez des victimes du nazisme alors que les victimes du non-nazisme sont bien plus nombreuses ?

J’avoue que ce concept de non-communisme me fascine.

Très pratique au demeurant. Puisque depuis Cro-Magnon jusqu’en 1917, toute l’histoire de l’humanité s’est déroulée dans le non-communisme !
En comptant comme ça, depuis Sparte jusqu’à la guerre de 14 en englobant les massacres coloniaux, Attila, Gengis Khan, l’Inquisition, les guerres napoléoniennes et celles de Louis XIV , entre autres massacres, génocides et autres ignominies, vous n’aurez effectivement pas beaucoup de mal à démontrer que le Goulag ne fut qu’un détail de l’Histoire.

Mais je trouve le raisonnement un peu fallacieux.

On peut vous suivre quand vous interdisez de comparer le capitalisme ( un mode de production) avec le stalinisme qu n’était qu’une certaine forme de gouvernement.
Quoiqu’il resterait à prouver que cette forme de gouvernement, justement, n’était pas la seule que le mode « socialiste » de production permettait...
Mais en disant ça vous entérinez l’idée (juste !) que le mode de production n’avait pas fondamentalement changé.
Ce qui est bien le cas.
Le « communisme » à la sauce tartare ne fut qu’un capitalisme monopolistique d’État administré à la schlague. Dans un de ses derniers articles, Lénine lui-même en convient : « Le mieux que nous puissions obtenir ce sera un Capitalisme d’État » dit-il.
Je n’ai pas le temps de rechercher la source exacte mais je crois que c’est dans la Pravda vers la fin de la guerre civile.

Ainsi donc, la glorieuse tentative d’Octobre a presque immédiatement échoué et le capitalisme, mode de production, est demeuré.
Il avait juste changé de nom et de forme.
Ce qui explique très bien pourquoi le capitalisme, au sens occidental du terme a pu si facilement être rétabli dans les années 90.
A peine quelques grèves... Et encore, pour obtenir le paiement de leurs derniers salaires avant d’être jetés à la rue.
Si la classe ouvrière, le peuple soviétique avait réellement été le propriétaire collectif des moyens de production, usines, ressources naturelles, magasins, etc... Ils ne seraient pas laissé déposséder comme ça !
Mais là... On leur proposait juste de changer de taulier... Et encore en leur disant que le nouveau serait plus humain.
Mensonge ! bien sûr...
Mais comme ils avaient 70 ans d’expérience du premier, c’était foutrement crédible.
On ne se fait pas tuer pour un chambardement dans un conseil d’administration.

Mais enfin... Tout ça pour ça ?

Quant à la Chine, le tournant de 1976, Deng : « Peu importe que le chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape des souris ! » cette conversion au « marché » était une question de vie ou de mort pour une population exsangue après 20 ans de guerre civile et d’expérimentations sociales démentes genre Grand bond en avant et la famine qu’il avait provoqué.
Ce qui n’enlève rien à ce qu’a fait Mao contre les japonais, les seigneurs de la guerre et le Kuomintang.

Vous pouvez tourner ça dans tous les sens, le Capitalisme n’a jamais été aboli nulle part. Ce qui n’est pas très surprenant, et on ne le reprocherait pas aux révolutionnaires malheureux (le droit à l’échec !) si la clique de tueurs sans scrupule qui avait usurpé le nom de communiste, et s’était hissé au sommet de la pyramide, en escaladant des cadavres, n’avait pas menti pendant 70 ans au monde entier en essayant, pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, de faire croire le contraire, tandis qu’ils esclavagisaient leur peuple.

Et soyez sympa : ne nous racontez pas que personne n’exploitait personne... Le premier cheval de bois polonais, russe, bulgare, tchèque ou roumain que vous croiserez vous foutra une ruade. Faut pas exagérer quand-même...

Le stalinisme ne résume heureusement pas le mouvement communiste.
Luttes sociales, antifascisme conséquent, défense acharnée des classes ouvrières ailleurs que dans les pays du socialisme réel, réformes sociales impressionnantes, luttes anticolonialistes, soutien actif des mouvements de libération nationale...
Les militants communistes occidentaux n’ont pas à rougir, au contraire...
Sinon de la complaisance qu’ils ont mis à se laisser duper pendant beaucoup trop longtemps.
Sinon de leur sectarisme et de leur insupportable arrogance qui leur faisait croire qu’ hors de leur église il n’y avait que ténèbres, bêtise ou trahison.

J’ai dit les militants, hein ! Parce-que pour ce qui concerne les Plissoniers, les Fajon, les Thorez et les Marchais... Sans parler d’Aragon...Toute la THSC (Très Haute Société Communiste)  le jugement moral doit être beaucoup plus sévère.
Mais pas le jugement moral de Madelein Alwright, de BHL ou de Jean François Copé...
Pas eux ou pas ça !

Reste à analyser vraiment ce qui s’est passé au 20ème siècle, qui est celui du communisme (1914-1992) mais ça, personne ne veut sérieusement le faire.
On oscille depuis 20 ans du plaidoyer pro domo, le plus souvent crispé dans le déni et d’une absolue mauvaise foi, aux pleurnicheries assez écœurantes des repentis de toute sorte, qui n’en finissent jamais de cracher sur leur jeunesse.

Tant que cette analyse, approfondie et vraiment sans complaisance ne sera pas faite, tout discours sur la sortie du capitalisme ne sera que posture.
Et donc une imposture.

Mais continuer, vingt ans après le dépôt de bilan à s’empailler sur le nombre de cadavres des uns ou des autres :
« T’en as tué plus que moi ! Non c’est toi ! »
Ne nous fera pas avancer d’un millimètre sur la voie de l’émancipation humaine.

Et c’était quand même ça le but de toute cette gigantesque odyssée, non ?