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Commentaire de Philippe Vassé

sur Franc-maçonnerie de France : de crise en crise, où va-t-elle ?


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Philippe Vassé Philippe Vassé 14 avril 2012 12:02

Cher Talion,

Un peu de vérité historique fondée sur des documents réels est une nécessité, surtout sur Internet où tout peut circuler.

Historien qui ai longtemps porté mon attention sur l’histoire contemporaine de la Russie, et qui ai beaucoup travaillé notamment sur la période 1905-1991, il m’est aisé de pointer le fait que Trotsky n’a jamais été franc-maçon, et ce pour des raisons très concrètes, en dehors des positions annoncées.

D’ailleurs, il serait intéressant de savoir comment une institution de ce type, sous le régime tsariste, qui soutenait le régime impérial, aurait pu accepter un dirigeant révolutionnaire engagé et connu, voulant abattre ce régime autocratique.

Enfin, la vie aventureuse, pour le moins géographiquement mouvementée de l’homme, n’aurait pas facilité son intégration dans une loge.

Il aurait fallu qu’il parle successivement anglais, finnois, turc, français, espagnol, norvégien, afin que l’information puisse être un tantinet crédible. Certes, Trotsky fut un homme d’une intelligence que même ses pires ennemis ont saluée, mais là, on verse dans le processus de type « mission impossible ».

Enfin, vu ce qu’il a subi comme coups en tous genres, y compris venus de dirigeants politiques liés à des Grandes Loges nationales ( France et Norvège notamment), le moins que l’on puisse en conclure est que ses supposés « frères » ont plutôt aidé à le transformer en homme à abattre, ce qui ne correspondrait pas à la tradition maçonnique.

Il sera rappelé que le GODF, lors des procès de Moscou, où Trotsky fut vilipendé par tout l’appareil de l’URSS d’alors, et les PC du monde, prit longtemps fait et cause pour les meurtres staliniens sous couvert judiciaire, avant de lentement changer de position à la fin du Front Populaire, avec la SFIO.

Un petit livre de Trotsky, intitulé « leur morale et la nôtre », paru en 1938, rappelle que les « frères », la LDH et la SFIO avec, soutinrent Staline et ses crimes jusqu’à qu’il apparaisse clairement que ses massacres, notamment de cadres militaires, risquaient de conduire à la victoire probable du nazisme en Europe en cas de conflit déjà prévisible !!!

De ce constat évident arriva un tournant prudent de critiques « douces » du régime stalinien qui mettait en danger le front anti-hitlérien et l’affaiblissait fortement. On connaît la suite avec l’accord Molotov-Ribbentrop.

Marceau Pivert, membre du GODF, fut un certain temps proche des positions politiques de Trotsky, mais rompit vite avec lui. Ce fut une alliance tactique, mais Trotsky lui reprocha souvent sa soumission fondamentale à une institution qu’il qualifiait de « bourgeoise ».

Bref, on pourrait dire avec quelque humour et le recul du temps que si Trotsky avait été ce que certains disent qu’il aurait été sur la base de racontars et de petites malversations historiques récentes, il n’aurait certainement pas eu le tragique destin que sa famille et lui eurent.

N’oublions pas enfin que, quand la jeune République des Soviets se battait contre les armées blanches monarchiques et antisémites, alliées à des forces militaires étrangères, y compris françaises, même le GODF se prononça contre la Révolution russe d’octobre 1917 et ensuite contre le gouvernement soviétique, dont, jusqu’en 1922, Trotsky fut le n° 2, après Lénine.....

Pour des gens qui auraient été ses « frères », voilà encore une étrange solidarité fraternelle !

Un tel sens historique de la « fraternité » suffit à à faire litière de ragots inutiles et stupides, contraires aux faits publics les plus avérés.

Notons que lors de sa mort, les seules références faites furent celles de la 4ème Internationale qu’il avait contribué à créer en 1938. Aucun texte maçon n’a jamais été publié sur sa disparition par assassinat fomenté par Staline, ce qui achève de détruire la thèse avancée.

Plus fort encore, jamais aucune structure franc-maçonne au monde n’a indiqué avoir accueilli Trotsky en son sein. Ses écrits au contraire ne lui font pas de cadeaux.

Il semble que l’origine de cette invention historique aberrante soit à chercher dans la position de démocrate du général Cardenas, au Mexique, qui accueillit Trotsky, sous des conditions strictes comme réfugié politique. Certains sicaires de Staline à cette époque y virent une action de la maçonnerie mondiale.... mais sans apporter non plus de preuves !

On peut évoquer donc un personnage historique comme Trotsky, à mon sens très intéressant en divers points, sans lui attribuer des appartenances cachées qu’il n’a jamais eues.

Mieux vaut rester sur la vérité historique, qui est une base solide. Ensuite, appréciations et critiques relèvent de la liberté d’expression de chacun.

Bien cordialement,


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