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Commentaire de Corinne Colas

sur Huile de palme : la déforestation va se poursuivre


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Corinne Colas Corinne Colas 11 mai 2012 17:41
Dès qu’une alarme sonne, elle est « très discutée » ! Concernant le CIRAD, organisme public à caractère industriel et commercial, les « infos » diffusées sur son site ne viendront pas contredire ce pourquoi il a été créé. D’autre part, il faut savoir que la recherche en agronomie n’a rien de philanthropique. Idem de l’INRA. Quand on parle de développement, c’est celui de l’agro-industrie et rien d’autre. Il n’y a pas de paysans dans ce système qui nécessite une production concentrée, standardisée et constante. Cela s’appuie sur une biotechnologie qui induit l’éclatement du concept même de l’agriculture avec des répercussions inimaginables à notre échelle (le fameux « on ne nous dit pas tout » d’une certaine humoriste prend ici tout son sens).

Les assertions concernant une « filière certifiée » s’appuient sur une communication très cadrée où l’on nous montre « les petits producteurs » qui travaillent le lopin familial pour fournir le marché mondial quand en réalité, ceux-là fournissent le marché local. Ceux qui se laissent séduire par les sirènes des cartels finissent en réalité au cimetière comme les « petits producteurs » du coton en Inde ou au mieux affamés comme les paysans brésiliens, devenus esclaves du soja en Amazonie. 

En conclusion, dans le cadre d’une exportation massive, la filière dite équitable ou certifiée de l’huile de palme (et huile de palmiste) est donc une hérésie quand on sait qu’elle ne sert qu’à masquer le désir de maximaliser les profits de l’industrie, en se parant des oripeaux de la bonne conscience. Bien des ONG prônent cette filière au prétexte qu’elle pourrait faire vivre les « petits producteurs », c’est se moquer du monde. 


Un exemple de l’hypocrisie ambiante :

extrait de http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2219_huile_de_palme_deforestation.php

« Le rapport des Amis de la Terre souligne notamment que dans les trois dernières années, le gouvernement du Ketapang(3) a concédé des permis pour des plantations d’huile de palme sur 40% de la surface du district, en violation des lois pour protéger les forêts, l’environnement et les populations locales. 39 des 54 permis sont situés sur 400 000 hectares de forêts protégées, incluant un parc national où vivent des orangs-outangs, menacés d’extinction. Au total, les permis couvrent 1,4 million d’ha au Ketapang...

Ce qui pose problème pour l’ONG c’est le fait que ces violations légales proviennent également (pour 43 %) de compagnies membres de la « La Table ronde pour la production durable d’huile de palme » (Roundtable for Sustainable Palm Oil - RSPO) pourtant fondée par l’organisation de protection de la nature WWF.

Pour une vision plus globale et être averti de ce qui se passe actuellement, on peut consulter le site : http://www.sauvonslaforet.org, association basée à Hambourg mais lecture en français. 


De même, il est utile de bien faire la distinction entre le produit brut : l’huile de palme utilisée par le pêcheur brésilien pour faire frire son poisson et le produit technologique répandu dans les cantines et restos de tous les pays occidentaux, très éloigné du premier. 

Il faut aussi rappeler que la culture intensive aujourd’hui = hybride et non ressource naturelle.

Pour clore ce point, je terminerai par ces mots de Kostas Vergopoulos dans le numéro 105 de la revue des sciences sociales publiée par l’UNESCO : 

« l’agriculture ne s’industrialise pas, comme certains l’attendaient depuis longtemps, mais elle est remplacée par l’industrie. L’agriculture capitaliste ne triomphe pas, mais c’est l’industrie qui se substitue à toute forme d’agriculture, capitaliste ou familiale. »

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Pour revenir au sujet de la déforestation et de la nutrition : 

Les groupes miniers qui s’accaparent des territoires inviolés, oh c’est horrible mais bon… les bois précieux dilapidés, oh c’est horrible mais bon… la culture du soja en Amazonie, oh c’est horrible mais bon… l’urbanisation croissante, oh c’est horrible mais bon… Tous ces arbres abattus sont pour certains remplacés par des rangées de pin en Europe ou des rangées de palmiers à huile hybrides en Asie du Sud-est. Même en les qualifiant de « forêts de substitution », le compte n’y est pas puisque 13 millions d’hectares de forêts « normales » (je ne dis même pas « primaires ») disparaissent néanmoins chaque année dixit un expert du CIRAD (article du Monde). J’ai pris leurs chiffres pour ne pas être taxée d’activiste partisane. Rappelons que le CIRAD ne lutte pourtant pas pour la Décroissance, se proposant même de créer le palmier à huile du futur  ! 

Au final, dans un tel contexte d’indifférence marquée à l’égard du problème de la déforestation au niveau mondial, la mobilisation des occidentaux sur l’huile de palme mériterait tout un article tant elle a été rapide et efficace. Si elle a trouvé un tel écho, c’est d’abord à cause de ses conséquences sur la santé, très habilement mises en avant mais fausses partiellement, ensuite parce que les moyens de rétorsion sont simples à mettre en œuvre. 

Le combat n’est pas terminé. Tandis que de nombreuses marques ont décidé d’investiguer le segment « sans huile de palme » paradoxalement, les industriels du bio n’ont aucun scrupule à l’introduire dans leurs produits déjà très chers, ce qui est une double imposture.


A propos des graisses :

Les biscuits sont au beurre en Normandie, au saindoux en Andalousie… L’hécatombe de maladies cardio-vasculaires ou de cancers est trop complexe et trop récente pour l’attribuer à nos traditions culinaires. Difficile de croire à de bonnes ou mauvaises graisses tant que l’on fait l’effort de préparer soi-même sa cuisine avec des ingrédients de base archi-connus et naturels. Même l’huile de palme n’est pas à bannir en tant que telle. Elle n’est sans doute pas un poison pour nos artères si elle est utilisée non transformée et dans le cadre d’une alimentation spécifique puisqu’elle intervient dans de nombreuses traditions. Chaque culture a su tirer parti de ce que lui offrait son environnement. Si je veux cuisiner chinois, j’utiliserai aussi de l’huile de sésame par exemple, si je veux cuisiner indien, j’utiliserai du ghee, de l’huile de coco dans les îles sous le vent et dans certains coins d’Afrique, d’Asie ou autres, j’utiliserai cette belle huile orange qu’est l’huile de palme… mais ce ne sera pas pour cuisiner des plats européens. En revanche, la margarine : belle « graisse d’usine » continue à prospérer dans nos rayons.

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