J’ai lu la définition du mot islam que vous m’avez envoyée, et je sais bien que l’on traduit couramment islam par soumission sur de nombreux sites et publications, ce qui ne manque pas de déclencher ma colère, car comme vous le savez je traque la manipulation partout où elle peut se nicher et il n’est pas question d’abdiquer devant la férocité du cliché, même sous couvert de rhétorique, aussi intimidante soit-elle. Je vais donc commencer par renverser la question : comment le terme islam dans le sens de « soumission » pourrait dériver d’une racine comme salam (en hébreu shalom) signifiant « paix » ?
On serait donc même prêt à s’engager jusqu’au révisionnisme de l’araméen dans l’espoir d’y trouver de quoi prouver l’incompatibilité de l’islam avec l’humanisme ?
Mais, consciente des ressources extraordinaires de l’héritage islamique, je vous réponds en toute confiance, et mets volontiers au défi quiconque avancerait le contraire :
la racine du mot islam est « slm » de laquelle dérive une multitude de mots en rapport avec la notion de paix ou d’intégrité . Ce qui donne par exemple :
Salam alek : (littéralement) paix sur toi
Salamah : (nom) sécurité, bien-être
Salim : (adjectif) intègre.
Salim est aussi un prénom dérivé de cette même racine « slm » qu’on retrouve dans le prénom Salomon, en hébreu « pacifique », ce roi biblique célèbre pour sa justice ou encore dans Salomé…
Silm : (nom) paix, intégrité
Muslim : (adjectif) celui qui éprouve ou se livre au silm, i.e : celui qui éprouve ou se livre à la paix, donc pacifique.
Islam : (nom verbal) acte de devenir muslim soit acte de devenir pacifique, intègre…
Aslama : (verbe) acte de se convertir à l’islam
Par ailleurs, le Coran oppose les croyants, donc les « musulmans », aux « koufar », traduit donc par « mécréants » « athées ». Ce terme dérive de la racine « kfr » qui en arabe, comme en hébreu, signifie « recouvrir », cacher ». Dans un sens premier, on désignait par le terme « koufar » les cultivateurs qui, pour planter, cachaient leur graines qu’ils recouvraient de terre.
Quel rapport me direz-vous entre les athées et ces pauvres paysans qui ne cachaient les graines qe pour faire leur travail en espérant donc en recueillir les fruits ? Pourquoi le Coran désigne les « non musulmans » par le terme de « koufar » ?
Pour cela il faut entrer dans quelques considérations philosophiques car le Coran ne considère pas l’islam comme une nouvelle expression du monothéisme, ni une « nouvelle religion » dont le Coran serait un second « Nouveau Testament ». L’islam est en fait la foi et la nature originelle de chaque être humain. C’est à dire que l’homme naît musulman, qu’il a « par nature » l’islam pour religion, car, d’une manière innée, il est adorateur d’un Dieu unique, puisque son corps lui-même, ainsi que l’ensemble de la création qui l’entoure, obéissent à Dieu. Mais, c’est l’éducation et son environnement qui font de lui un chrétien, un juif ou un athée. Or Dieu lui donne un libre-arbitre, donc une autonomie qui lui permet de confirmer cette nature ou de l’ignorer ,de la dissimuler, s’il la dissimule, il fait partie des Koufar, donc de ceux qui « cachent ». Mais, même chez le pire athée qui puisse exister, il y a cette croyance qui existe en lui, dans sa chair, qui vit en lui, mais qu’il nie, en se dupant lui-même.
Autrement dit, sont « koufar », ceux qui cachent ou refusent cette attestation de foi, cachent donc leur vraie nature de « musulman ». J’aurais presque envie de paraphraser Platon pour dire que les « non musulmans » sont ceux qui sont incapables de réminiscence et d’accéder à la vérité que chacun a en soi-même.
Pour mieux comprendre cette idée, de révélation de sa propre nature, le Coran considère Abraham comme « musulman » : de toute évidence Abraham n’avait pas connu l’islam en tant que religion révélée mais il était « musulman » en tant qu’il était « juste », par sa foi en un Dieu unique :
« Abraham n’était ni juif ni chrétien, mais il était monothéiste musulman. Et il n’était pas polythéiste » (Coran 3/65-67).
Vous voyez donc que le terme musulman, ou islam, n’a aucune connotation péjorative de soumission ; sinon il faudrait pour le moins que son contraire connote une idée soit de rébellion soit de liberté... Tout au plus, s’agit-il de se soumettre à sa vraie nature pour être en paix avec soi-même car tout homme est « musulman » en ce qu’il a en lui cette vérité d’un Dieu unique.
Ceux qui traduisent islam par soumission sont aussi ceux qui traduisent volontiers le mot « païen » ou « polythéiste » par « chrétien » ou « juif » (dont je vous parlais dans un message précédent) à des fins de propagande abjecte et innommable quand tous les termes sont d’une distinction et d’une clarté on ne peut plus évidentes... Cette abjection profite du même coup à ceux qui cherchent de quoi nourrir leur antisémitisme et, par-dessus le marché, prennent des postures d’intellectuels, nous disant qu’ils voudraient bien raisonner autrement, mais que, hélas, la civilisation islamique est incurable ! Parmi ces derniers on peut ranger Michel Onfray qui avec son matérialisme sauvage, oublie que le siècle le plus morbide que l’humanité ait connu a été celui qui a vu s’affronter le national socialisme et le communisme, deux idéologies construites sur fond d’athéisme ; comme quoi à vouloir se faire plus nietzschéen que Nietzsche, j’ai peur qu’il n’éclate lui aussi. Sans compter que le triomphe de la philosophie matérialiste sonne le glas de la philosophie tout court. Ah mais j’oubliais, il n’y a là rien de surprenant en réalité : le matérialisme postulant que tout est matière, ne peut en aucune façon produire des idées, par définition.
Bref, entre ceux qui parmi les musulmans se sont autoproclamés détenteurs de la foi, ont confisqué le Coran, pour servir un ersatz criminel, et ceux qui démultiplient les démonstrations ignominieuses, je ne vois que les romans de Kafka pour décrire la situation du musulman aujourd’hui : subir un procès sans savoir de quoi on l’accuse !