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Commentaire de Najat Jellab

sur Epître à Marianne…


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Najat Jellab Najat Jellab 13 mai 2012 01:39

Pour en revenir aux spéculations futuristes concernant les assembleurs moléculaires et une éventuelle conscience artificielle, j’ai bien lu tous les liens que vous m’avez envoyés et vous en remercie ! Si vous voulez connaître mon avis sur la question, et il est également partagé par d’éminents chercheurs qui ne le diront jamais tout haut : il est d’usage que les chercheurs et promoteurs de nouvelles technologies bluffent sur leurs possibilités, dans le but d’épater le public, mais surtout d’attirer des bailleurs de fonds. Pour exemple : combien coûte une conférence de citoyens sur les nanotechnologies ? 200 000 euros. Combien le Conseil

Régional d’Ile de France a-t-il versé au centre C’Nano d’Ile de France en 2006 ? 4,7 millions d’euros. Investir 200 000 euros en relations publiques est donc tout à fait raisonnable, d’autant que cet investissement nourrit de nombreux débats d’éthique dans les media qui s’interrogent sur des problèmes totalement inexistants. C’est le cas des assembleurs moléculaires comme de la conscience artificielle qui ne sont que des concepts théoriques.

 

Mais, supposons que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes, et que, animés des meilleurs intentions, nous contemplions cette idée d’assembleur moléculaire : pourquoi aurait-on besoin d’en construire ?

 On voit bien évidemment un intérêt écologique dans le fait de fabriquer la même quantité d’énergie par exemple avec moins de matière – à supposer que notre système capitaliste s’oriente dans ce sens- l’éradication des maladies, et peut-être même la résurrection des corps cryogénisés… Tels sont en tout cas les espoirs qui réunissent les chercheurs, experts, investisseurs etc…

Mais si on n’a pas vu  une quelconque capacité réelle à réaliser un objet complet, de taille macroscopique, à partir d’un assemblage atome par atome, c’est que la technologie avance dans le sens de la miniaturisation, mais n’illustre pas l’architecture contraire, à savoir partir des briques que sont les atomes et molécules pour construire une voiture…

Mais pourquoi, en plus, des nanomachines autoreplicantes ? La seule chose proche de ce concept que nous connaissions c’est la cellule vivante. Qu’est-ce qui rend une cellule vivante capable de se répliquer ? Il faut, en plus, pour que l’organisme dont cette cellule fait partie, puisse vivre, qu’elle s’autoréplique en cellule fonctionnelle et en cellule souche. Alors comment reproduit-on artificiellement ce mécanisme propre au vivant ? Dieu merci, l’homme est encore loin de connaître la réponse.

Mais cela permet d’en venir à l’autre point que vous posiez comme hypothèse : la conscience artificielle.Ce concept présuppose de considérer l’homme comme un ordinateur, avec à l’intérieur un logiciel composé de molécules (ADN), qui composent les gènes et les chromosomes.

S’il est certain que le génotype conditionne le phénotype, c’est-à-dire les aspects physiques de l’homme, qu’en est-il des aspects psychologiques, de ce qu’on pet appelle la subjectivité, de ce qui fait de lui un sujet ? Est-ce que si, par exemple, j’aime jouer au tennis, ce talent trouve ses explications dans mes chromosomes, soit dans un certain arrangement de mes molécules ADN ? Autrement dit, l’homme serait conditionné par la nécessité intrinsèque à sa composition moléculaire, ce qui élimine d’emblée la possibilité d’un libre-arbitre. Supposons que la science arrive à prouver que c’est le cas, et que par exemple, j’aime le tennis par ce que j’ai un gène qui régule le métabolisme de mes muscles de sorte qu’ils subissent moins de crampes et d’essoufflement que les humains chez lesquels ce gène a muté différemment, et qui, eux préfèrent le yoga. Ma conscience aurait détecté cette particularité de mon génome, et aurait d’elle-même généré une pensée qui m’a poussée à me mettre au tennis. Du même coup, tous ceux avec lesquels j’ai pu jouer partagent sans doute ce même arrangement moléculaire de leur ADN. C’est seulement à cette condition de réification de l’homme qu’on peut intellectuellement concevoir une conscience artificielle mimétique de la conscience humaine.

Or Alain Cardon précise lui-même dans son ouvrage que la pensée humaine ne saurait être identique à la conscience artificielle. Il reconnaît donc qu’il y a quelque chose de particulier dans les mécanismes du cerveau. Qu’il s’agisse de puces d’ordinateurs ou de processus biochimiques, la différence porte bien sur l’intelligence et non sur son support matériel. Mais tout en reconnaissant cette différence, les défenseurs de l’intelligence artificielle formelle vont jusqu’à prétendre que si ces aspects supérieurs de notre humanité ne peuvent être programmés alors ils ne sont que de simples illusions.

Spéculations de scientiste complexé ?

A commencer par sa définition de la conscience, ou plutôt sa non définition, Cardon décrit bien le processus de la pensée mais évidemment il ne peut pas la définir car il est confronté à la même impossibilité que l’ontologie de Dieu : on peut dire Dieu est ceci, cela mais on ne peut pas répondre a la question qu’est-ce que Dieu ?… Aussi, quand il prétend que par la construction d’une conscience artificielle, il réunira les différentes sciences de la conscience (psychanalyse, philosophie, neurosciences…), il ne fait qu’additionner différents modes d’appréhension et de connaissance de la pensée, mais en aucune façon il ne la définit. Or pour reproduire, il faut définir ; pas seulement par des attributs du type « la pensée est un système qui construit des formes dynamiques dont il garde la mémoire de la construction », cette définition qu’il donne, nous l’avons déjà grâce à la neurobiologie, mais ontologiquement, chimiquement, ou que sais-je, il nous faut bien définir ce principe actif si on veut le reproduire… Est-il donc plausible d’envisager une conscience artificielle quand on n’a pas défini la conscience elle-même ?

 


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