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Commentaire de Najat Jellab

sur Epître à Marianne…


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Najat Jellab Najat Jellab 14 mai 2012 02:17
Christian, tout d’abord je n’utilise pas la théorie de la réminiscence pour vous convaincre de quoi que ce soit, je vous citais Platon pour aider votre esprit à mieux se représenter la philosophie du Coran qui lui est étrangère. Et comme en lisant des dilaogues tels que le Phedon ou le Banquet, on ne peut s’empêcher de constater des similarités avec des passages du Coran (la hiérarchie ontologique, l’idée qu’il y a plusieurs mondes repartis en degrés et non en opposition, le concept de beauté etc), il ne me semblait pas choquant de vous citer un philosophe que vous connaissez dans cet objectif didactique et non persuasif. 


Quand vous parlez de musulmans réels, je ne sais pas de qui vous parlez. De vos voisins ? Des musulmans de France ? des musulmans d’Indonésie ? Des Musulmans de Chine ? qui sont ces musulmans réels ? Je ne suis pas réelle moi ? 
Ce n’est pas croyance contre croyance qui s’affrontent, comme vous le prétendez avec votre relativisme récurrent, c’est lecture contre méconnaissance des textes, toute la différence est là. Et justement, comme il s’agit de lecture contre non lecture, il n’y aura jamais d’affrontement tragique des uns contre une éventuelle hérésie des autres : en tant que lectrice, il ne me viendrait jamais à l’idée d’aller en guerre contre quiconque car je sais bien que la première défense dans l’islam, c’est la fuite, laquelle est la seule possibilité de paix quand les circonstances y obligent. Ainsi, quand Mohammed a été attaqué à la Mecque, il a fui à Médine, (l’Hégire), puis, pour éviter une guerre incertaine contre les polythéistes de Quraish à Médine, il a signé un traite de paixdans lequel il acceptait notamment qu’on ne reconnaisse pas en lui l’envoyé de Dieu. Ce traité défavorable aux musulmans est qualifié de victoire dans le Coran, car l’imperatif premier, c’est la paix, condition préalable à la propagation du message.
De même, v nous, musulmans, quand nous sommes confrontés à des conditions hostiles, nous ne nous révoltons pas, nous émigrons ! Sauf si vous me citez le printemps arabe mais c’est une exception qui signe peut-être une ère nouvelle, sans doute un rapport nouveau à l’islam, qui n’est pas étranger non plus au succès des partis islamistes : si on lit moins, on est moins imprègnés par la philosophie de non violence intrinsèque à l’islam, et donc plus poussés à se révolter. Ce qui n’est évidemment pas une mauvaise chose en soi, mais je ne fais que constater la concomitance. Tout naturellement, les partis islamistes emportent les élections libres. Mais comme vous le savez, je suis d’un tempérament hegelien et sais reconnaître la rose dans la croix : ce succès du négatif finira par engendrer son contraire. 
Par conséquent, ne vous réjouissez pas à la perspective d‘un affrontement entre mes semblables et les éventuels « faux croyants », vous êtes encore trop imprégné par l’histoire du christianisme en même temps que par la méconnaissance de l’islam de sorte que vous fantasmez des scènes totalement improbables. S’il y a affrontement, ce sera entre ignorants et d’autres ignorants, mais non entre lecteurs et non lecteurs. 

En attendant, je ne vois pas comment on peut être musulman (réel comme vous dites) si on ne lit pas le Coran. Comment peut-on être un réel épicurien si on n’a rien lu d’Epicure (même s’il ne nous reste pas grand-chose de ses œuvres) et qu’on se contente de considérer l’épicurisme comme un culte des orgies ou de la simple consommation barbare comme le veut la croyance propagée par le christianisme ? Réciproquement, on ne peut pas prétendre être un musulman réel si on considère l’islam, conformément à la propagande « islamophobe », comme le culte de la morbidité et du masochisme. Vous voyez donc que ce que vous appelez l’islam réel, vous ne l’appelez ainsi que pour servir la propagande de l’athée que vous êtes et qui prêche pour sa propre paroisse. Je ne m’attends pas à autre chose de votre part, mais j’espère tout de même que vous comprenez ces différences de catégorie. 
 Idem pour les chrétiens de saint Nicolas du Chardonnet que vous qualifiez de vrais chrétiens.
Moi j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit de chrétiens qui ont un certain goût pour l’ancien, les prêtres en soutane et la messe en latin, ce qui a aussi son charme…Mais qu’ils soient contre Vatican II n’en fait pas des chrétiens plus réels, le message divin ne change pas au gré des vicissitudes de l’église romaine. Si en plus, vous ajoutez qu’ils votent pour le Front National et relisent l’Action Française, adorent aussi bien le Christ que Charles Maurras, vous introduisez là un combat politique qui n’a rien à voir avec la religion, même si celle-ci sert à le dissimuler. 
Voyez que je ne parle pas pour la chrétienne que je ne suis pas, mais simplement pour l’intellectuelle que j’espère être. 

Vous revenez constamment sur la figure d‘Abraham et jusqu’à présent, je n’ai pas pris le temps de vous répondre sur ce point, par paresse, veuillez m’en excuser. Mais je vois qu’il est nécessaire de mettre fin à ce malentendu. 
Pourquoi Dieu a-t-il pu demander à Abraham le sacrifice de son fils ? Comment une telle ignominie est-elle possible, venant de Dieu ? Il vous est facile, grâce à cette interrogation rhétorique de démontrer que Dieu apprécie seulement un Abraham soumis et déterminé à commettre même l’impensable plutôt qu’un Abraham révolté. 
Pour vous aider dans votre argumentation, j’ajouterais que non seulement Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils mais en plus le seul fils qu’il a tant désiré avoir de Sarah, (que ce fils soit Isaac né de Sarah ou Ismaël né de Hajar, cela ne change pas le fond de la question) et que Dieu a fini par lui accorder. Donc après avoir accompli sa promesse de lui donner un fils, voici que Dieu veut le lui arracher de la façon la plus cruelle qui soit. 
Et que faut-il penser d’Abraham se prêtant à un infanticide pour obéir à Dieu ? N’enfreint-il pas l’ordre formel de ne pas commettre de meurtre, opposant ainsi Dieu à Dieu ?

 La Bible de Jérusalem, nous apprend que le rite cananéen des sacrifices d’enfants s’était introduit en Israël et qu’il était pratiqué dans la vallée de la Géhenne (note h, de Lévitique 18, 21). Le premier ordre de Yahvé n’est donc rien d’autre qu’une référence à la coutume qui contraint les pères à brûler leur premier-né.
Si on tient compte de cette pratique archaïque, l’épisode du sacrifice d’Isaac prend une tout autre signification : la suite du récit nous apprend qu’Abraham n’immolera pas son fils comme il aurait dû le faire pour un dieu tribal et jaloux. A la place, il sacrifiera un bélier. Donc à l’homme se substitue l’animal 
Ainsi, pour faire comprendre à Abraham qu’il fait erreur sur la volonté divine, Dieu se comporte avec lui comme un « pédagogue ». Si, dans un premier temps, Dieu accepte d’être pris pour un Dieu idole, c’est pour mieux se révéler comme un Dieu libérateur. Car, en arrêtant le sacrifice, Il libère Abraham de la pratique qui consiste à sacrifier son propre fils.. Le Dieu qui semblait contraindre Abraham à sacrifier Isaac est, à l’évidence, le Dieu de la violence, celui de la tradition et des cultures anciennes, alors que le Dieu qui lui fait libérer Isaac pour le remplacer par un animal, c’est le Dieu qui parle au cœur des hommes libérés des lois tribales.
L’agressivité qui se décharge sur un objet de rechange (bélier, bouc émissaire…) est caractéristique des groupes sociaux évolués. Dans ce processus culturel, les sacrifices d’animaux ont permis de détourner la violence interindividuelle sur des objets de substitution comme l’a si bien montré René Girard. 
Vous comprenez donc que cette demande en apparence terrible d’un Dieu tyrannique est tout le contraire : elle marque la naissance de la civilisation.
Par ailleurs, ii j’étais chrétienne, j’ajouterais que Dieu a bien sacrifié son propre Fils, et ce jusqu’au bout, pour notre salut… 

Quand je dis que le matérialisme ne peut pas produire d’idées, les faits me donnent raison : je vous prie de me citer un philosophe de l’envergure de celle d’un Hegel ou d’un Husserl, depuis que la philosophie de ces matérialistes sauvages a décidé non pas de mettre Dieu à la porte, mais de le tuer . A la place de Dieu, ils ont tue la philosophie. Je vous entends déjà me répondre que la phénoménologie est athée. Mais si c’est bien une philosophie descriptive qui se veut méthodologiquement athée, la réduction phénoménologique d’Husserl ne demande pas de cesser de croire, elle rend possible une purification éthique de l’expérience religieuse qui permet d’en élucider le sens : la transcendance de Dieu ne peut être sépare de l’intentionnalité dans laquelle elle se donne. Dieu comme Idée pratique infinie laisse ouverte la question de la Révélation. 

Pour me donner tort, vous vous empressez d’invoquer les matérialistes antiques Mais si le matérialisme d’Epicure - repris par Lucrèce- affirme en effet qu’il est possible d’être heureux, qu’être heureux c’est comprendre qu’on est de la matière pensante, avec des besoins à satisfaire, les dieux sont remis en cause, mais ils existent. Ils existent pour eux, et n’interfèrent pas avec nous. Lucrèce ne dit pas autre chose. Ils ne dit pas les dieux n’existent pas. Tantum religio potuit suadere malorum… Sans doute pensait-il du sacrifice d’Iphigenie ce que vous pensez du sacrifice d’Abraham, (vous notez qu’Iphigenie aussi a été remplacée par une biche, car il n’y a pas de dieu irraisonnable…) mais constatez aussi que si la piété n’est pas l’accumulation des sacrifices et des rituels, comme le croient les prêtres et la foule selon Lucrèce, les dieux sont un modèle pour l’homme par leur bonheur, sérénité, leur ataraxie. Vous ne pouvez donc pas dire du matérialisme d’Epicure ou de Lucrèce qu’il est athée a proprement parler.
Quant aux intuitions scientifiques du De Natura, les atomes n’étant ni insécables, ni éternels, ni plein, on ne peut envisager son atomisme qu’avec le sourire de celui qui salue l’effort de rationalité mais aussi le sarcasme de celui qui connaît la suite de l’histoire des sciences… 
Quand je vous parle donc du matérialisme, sauvage d’un Onfray et autres, je parle de ceux qui ont oublié le principe de précaution de leurs maîtres, lesquels ne s’étaient jamais risqués à dire que Dieu n’existait pas, et qui nous balancent que l’atheologie est le nouvel ordre et seul véritable de la pensée ! 

Pour en revenir au communisme comme étant bâti sur fond d’athéisme, je crois que ce n’est un secret pour personne et je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes. J’ai peut-être juste oublié de préciser que je ne parlais pas d’un socialisme à la Paul Lafargue ou à la Oscar Wilde - je suis la première à rêver de l’âme de l’homme sous le socialisme- en ce sens vous avez raison de parler d’une eschatologie communiste proche de celle des religions…Mais quand Staline étouffait les religions pour mieux servir son propre culte de la personnalité il fondait cette politique sur l’idéologie communiste… 
Les nazis eux ont démantelé les organisations chrétiennes, confisqué les biens de l’Église, censuré les journaux religieux. Je cite : 
« Le dogme du christianisme s’effrite devant les progrès de la science. La religion devra faire des concessions de plus en plus. Peu à peu, les mythes s’écroulent. Tout ce qui reste est de prouver que dans la nature il n’y a pas de frontière entre l’organique et l’inorganique. Lorsque la compréhension de l’univers sera généralisée, lorsque la majorité des hommes sauront que les étoiles ne sont pas sources de lumière mais des mondes, peut-être des mondes habités comme le nôtre, alors la doctrine chrétienne sera reconnue coupable d’absurdité." Hitler, le 14 octobre 1941…

Que le Hezbollah- né en 1982 à la suite de l’invasion du Liban par l’armée israélienne- et le Hamas aient repris le salut nazi lors de leurs défilés n’est en aucune façon un signe de connivence entre la religion - musulmane qui plus est- et le nazisme, mais le recours à la violence symbolique du geste pour compenser l’impuissance à riposter efficacement à la violence réelle. 
Il y en a d’autres qui qualifient l’Etat d’Israël de régime nazi, ou d’apartheid, cela ne démontre pas pour autant la connivence du judaïsme avec le nazisme ni avec la ségrégation ; ce qui serait absurde… Mais je relève par la même occasion que la propagande sioniste réussit son tour de force qui consiste à tenter d’impliquer les Palestiniens et les Arabes dans le génocide juif… Pour nourrir cette lecture aberrante de l’histoire, les sionistes mettent en exergue, comme vous le faites, le mufti Al-Husseini comme s’il avait été un rouage essentiel de la machine nazie et de l’échec du processus de paix. J’en pousse un éclat de rire. Mais de cette façon, ils réussissent à faire croire que les Arabes étaient mus par la même volonté génocidaire que les nazis, et que donc l’expulsion des Palestiniens en 1948 et leur oppression continue ne sont que de la légitime défense. 
Combien d’Arabes ont combattu dans les rangs de l’Axe comparativement au nombre de ceux qui ont combattu dans les rangs de l’armée britannique et de la France Libre ? On n’a pas vu Al Husseini au tribunal de Nuremberg que je sache. 
Ensuite, en tant que chef de clan nationaliste, il s’est opposé aussi bien à la création de l’Etat d’Israël qu’au Roi Abdallah Ier. Alors si vous considérez que le nationalisme palestinien de 1948 est la cause de l’enlisement du conflit israélo-palestinien, je vous conseille d’une part de vous instruire sur les mouvements nationalistes et indépendantistes du Moyen Orient de l’époque, et d’autre part, d’aller passer quelque temps sur place, cela vous fournira des explications plus plausibles aux avortements répétés du processus de paix …


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