@ Frantz
Nonobstant tout contexte, il existe un obstacle très puissant à la tolérance chez les peuples qui qui ne n’ont pas pratiquée depuis toujours.
Un peuple s’est régulièrement adonné à l’insulte, à la condamnation, à la torture et au meurtre par intolérance ne peut plus se déjuger.
Henri IV avait eu à gracier un frère et une soeur coupables d’inceste. Alors que lui-même était très libertin, il ne pouvait pas, après les bains de sang commis par intolérance lors de la Saint Barthélemy, leur accorder sa grâce. Et ces deux jeunes ont été décapités.
Nous n’en discutons que très peu tant c’est devenu d’usage, mais nous avons tous, au travers de nos ancêtres, vendu notre âme au diable en consentant à torturer des gens en place publique ou dans des caves. Il nous est très difficile de passer à la tolérance d’homosexuels ou de mangeurs de sauterelles, alors que pendant des siècles nous avons pris l’option de devenir des diables en devenant féroces contre des gens ayant des goûts différents.
Jean Marie Le Pen, il s’en serait fallu d’un battement d’ailes de papillon qu’il ait commencé sa vie sociale en visant une attitude empreinte de douceur.
Il n’était pas passé loin d’une opportunité de choisir la fraternité lorsqu’il avait été témoin du duel à l’épée qui avait opposé Serge Lifar et le comte de Cuervas. Car cet évènement, s’il lui avait d’abord démontré qu’il était logique de s’affronter à l’épée quand on n’était pas d’accord, lui avait ensuite montré que c’était se laisser embarquer par notre diable que de vouloir la mort d’autrui. En effet, dès le premier sang versé, les deux duellistes s’étaient étreints en pleurant. « Nous avons été fous »
Mais JMLP n’aura pas été emporté par cette repentance bilatérale qu’il avait observée.
Quelque autre noeud de son enfance l’en aura empêché et il aura préféré la cruauté.
Au moins en Algérie, à ce qu’on en sait, il a torturé (Cf Affaire du poignard). La diablerie s’était passée dans un contexte de colonialisme encore féroce et il y avait donc des gens au-dessus et autour de lui qui l’encourageaient à ces lâchetés.
Une fois ces actes terribles commis, pour ne pas s’effondrer en culpabilité, ce que ses compagnons de la scène plus passifs ont peut-être pu faire, JMLP a été obligé, vis-à-vis de sa conscience, de magnifier sa vilenie et donc de dire non seulement que c’était une bonne chose mais surtout qu’il faut continuer ainsi et que les pacifistes sont des diables, des traîtres ou des lâches. Il lui était impossible d’effacer ses crimes de sa conscience alors il les a valorisés. Et ça lui a été d’autant plus facile qu’il n’a jamais été condamné pour ça.
Je comprends donc très bien le blocage ou la rigidité de JMLP et celui de ceux de ses descendants qui prennent l’option de s’en réclamer.
Comme nous avons tous été criminels ou très violents par le passé, parfois très proche, nous ne pouvons pas devenir tolérants sans ressentir l’absurdité ou la folie de nos duretés antérieures, sans nous parjurer auprès du diable.
Nous restons durs aujourd’hui et nous nous promettons de l’être encore demain afin de nous donner raison de l’avoir été hier. Cela à toutes les échelles, de l’individu, de la famille, du peuple, de l’Etat.
De quoi auraient l’air les caciques Chinois au pouvoir si demain ils toléraient une presse libre alors qu’hier ils avaient massacré à Tien An Men ?
De quoi auraient l’air les chrétiens catholiques s’ils toléraient demain les musulmans, qu’ils soient sunnites ou chiites, alors qu’hier ils massacraient des chrétiens protestants ?
L’Histoire, toute empreinte de fureurs et de crimes immenses, oblige à un continuum d’intolérance pour justifier le passé qui l’a été. A cause du principe des Lois et de l’enseignement identique pour tous, très peu des contemporains se sentent libres par rapport à leur peuple, par rapport à leur famille et très peu d’entre nous osent réfléchir en faisant table rase du passé, des habitudes et tabous.
Les sociétés trimbalent leur fonds historique, magnifient leurs crimes collectifs et seuls quelques trublions, souvent des artistes, font bouger les lignes. Mais au péril de leur vie.
Marguerite Duras, à 15 ans, avait fait quelque chose d’interdit en couchant avec un Jaune. Revenue en France, bien obligée de se trouver un job, elle a bossé au ministère des colonies puisqu’elle avait des connaissances de terrain. Elle y avait participé à la rédaction d’un ouvrage xénophobe officiel comportant la phrase « le Blanc ne doit pas de mélanger au Jaune ». Mais très retournée par ce déni, par cette apostasie personnelle et intime, elle avait quitté ce ministère juste après.
Il lui a fallu 60 ans pour avouer avoir transgressé la xénophobie ambiante : Oui, « La fille » de mes romans c’était moi.
Et elle n’a pu dire la tolérance que parce qu’au fil des décennies, les lignes avaient progressivement bougé grâce à des milliers d’autres trublions et parce qu’elle avait contribué à cette moindre xénophobie en montrant, livre après livre, une « fiction » où des gens interdits de se fréquenter pouvaient en réalité s’aimer avec un feu né de l’incroyable découverte.
Il arrive que les lignes bougent brusquement vers plus de tolérance ou plus de haine suite à des évènements massifs. Mais elles bougent aussi, plus imperceptiblement, dans un sens ou dans un autre, sous l’effet des expériences individuelles, privées.
Comme en ce moment il y a peu de chances que se produise un grand évènement poussant à plus de tolérance des anciennes familles françaises envers les nouvelles, il ne faut compter que sur les seuls cas de rencontres privées pour faire bouger les lignes.
C’est uniquement ce qui se passe au cas par cas des rencontres et confrontations individuelles qui est le déterminant du sens du mouvement. Ceux qui croient pouvoir faire bouger les lignes par des discours sont dans l’erreur.
Il existe toutefois un type de discours produisant de forts effets. Il s’agit de celui qui appelle à la solidarité-tolérance en disant implicitement ou explicitement « Si vous ne tolérez pas l’Autre, vous le regretterez si vous le devenez »
C’est le cas de l’Appel du 18 juin en 1940 et plus encore celui de l’abbé Pierre en 1954.
L’Abbé disait implicitement « Si vous n’aidez pas les clochards, demain, quand vous serez dans la misère, personne ne vous aidera ». En une heure, à la suite de ce seul discours, les lignes de l’égoïsme ont fortement bougé vers l’altruisme. Chacun, même riche, peut tomber dans la misère.
Peut-on lancer un appel aux indigènes d’un pays richement doté par la nature en leur disant implicitement « Si vous ne tolérez pas les exogènes, personne ne vous tolèrera si par malheur vous le devenez » ?
C’est impossible car à moins d’émigrer un indigène ne peut jamais devenir exogène.
Alors, devant les indigènes français, les promoteurs de la tolérance tentent un sophisme « Acceptez donc l’exogène car il est pourvoyeur de richesses. S’il repart vous redeviendrez misérables »
Mais les indigènes français de 2010 regardent derrière, dans leur passé commun et n’y voient pas de misère, au contraire.
Et maintenant j’aborde notre contexte actuel qui a ceci de particulier qu’il considère n’avoir plus besoin de bras
Dès 1870, dans les Etats sudistes d’Amérique, plus personne ne trouvait économiquement intéressant d’employer des esclaves (Apartheid oui, esclavage non). Parce que la Machine arrivait. Et de nos jours, la colonisation, si elle était encore autorisée, n’intéresserait plus personne. De nos jours seules les matières premières nous semblent intéressantes à saisir.
Nous serions dans un contexte où les bras seraient encore un peu précieux, les exogènes courageux ressortiraient économiquement intéressants aux yeux des indigènes français comme jusqu’en 1960.
Mais le niveau de chômage est devenu tel pour tous les Terriens machinistes que les bras d’où qu’ils viennent, ressortent de plus en plus surnuméraires.
On ne veut plus d’esclaves. A part pour quelques niches et pour encore peu de temps, on ne veut plus d’ouvriers. On ne court même plus après les savants et les philosophes. Même les soldats sont encombrants (Il nous faut tout de même de plus en plus de policiers et de geôliers parce que les peuples sont à cran)
Depuis 1870, on préfère les terres cultivables, les mines et les nappes de pétrole. Avec ces trois éléments, on peut faire des machines, des drones, des robots, des missiles auto-guidés et produire des biens à vendre à des gens dont on n’a nullement besoin au niveau de la production.
Maintenant, on n’est disposé à fréquenter les Différents que quand on est chez eux et qu’ils nous laissent exploiter leurs ressources naturelles.
C’est dans ce contexte planétaire sans retournement sérieusement concevable que se situe la néoxénophobie dont nous souffrons désormais tous puisque nous nous sentons tous humiliés. Celui qui surnage au-dessus des autres depuis son 300m² de l’avenue Foch méprise de la même manière les indigènes et les exogènes du quartier de Bellevile. Il les trouve tous inutiles.
Ce qui n’empêche pas qu’ici et là, il soit encore possible de se débrouiller une solution séparée à la Pierre Rabbi. Mais pour cela il faut d’abord comprendre la situation de manière pragmatique, non en s’égarant dans des explications en « idéologie » en « capitalisme » en « financiarisme » en « racisme ».
Pierre Rabbi évite l’ouroboros machiniste dans lequel nous nous trouvons en participant le moins possible à ce machinisme. Un individu, pour peu qu’il dispose d’une terre fertile et d’eau, peut vivre sans participer aussi intensément que les autres au machinisme.
Chez lui, chez les Amish, dans la Société des Amis, les bras sont précieux.
27/05 09:56 - herbe
Merci à l’auteur pour l’article et aussi à easy pour ce dernier commentaire. easy (...)
27/05 05:37 - zelectron
en résumé les allochtones ont des droits et les autochtones des devoirs, ah ! bon (...)
23/05 13:44 - easy
@ Frantz Nonobstant tout contexte, il existe un obstacle très puissant à la tolérance chez les (...)
22/05 23:33 - Frantz Denba
@easy : j’aime bien votre façon de vous exprimer, qui est apaisante, après tout ce débat (...)
22/05 22:33 - Frantz Denba
@ Olivier Perriet : toujours à côté de la plaque, Olivier. Il faudra un jour que vous écriviez (...)
22/05 22:24 - Frantz Denba
C’est à moi de vous remercier pour votre message que j’ai lu à plusieurs reprises (...)
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