C’est pour cela que, je vous le dis avec beaucoup
d’humilité, je n’aurai ni le temps ni l’envie de me laisser piéger dans un
débat techniciste qui finalement ressemble beaucoup à celui des technocrates
que je ne pense pas aimer moins que vous. Sortez autant de chiffres que vous
voulez, continuez de présenter aussi froidement des « réalités »
complètement sourdes au facteur humain, cela ne m’ébranlera guère. Mais si
notre but est de progresser tous les deux dans notre affrontement, alors
souffrez ma réponse qui va tenter, tantôt de vous répondre par le savoir
lorsque j’en suis capable, tantôt de gratter le vernis qui cache sous votre
brouillard d’insultes et de références érudites soi-disant objectives des
valeurs nauséabondes.
Je commencerai par vous répondre sur l’histoire, que vous
semblez manipuler avec beaucoup d’imprudence. A vous entendre, on croirait
qu’il n’y a qu’une histoire officielle : la vôtre ou celle que le FN aimerait
voir dans tous les manuels scolaires. Lorsque je vous ai dit que je ne croyais
pas aux études simples et rapides, c’était bien pour dénoncer cette posture. "Tout ce que je sais, c’est que je ne sais
pas" disait un philosophe. Et cela se prête aussi à l’Histoire. Rien
n’est simple. Le monde est d’une complexité qui devrait rendre humble toute
personne qui sait réellement les choses (une bonne stratégie, d’ailleurs, pour
faire face à la dissonance cognitive, vous devriez essayer).
Pour avoir déjà été dans une situation de recherche pure,
j’ai notamment appris que la science historique était souvent affaire
d’interprétation. Vous conviendrez que nombre d’historiens éminents, bien plus
compétents que moi, n’ont pas la même analyse que vous du passé. C’est donc
qu’il n’y a pas une vérité mais, au final, une subjectivité indissociable de
celui qui réfléchit.
Loin de moi l’idée de vouloir en faire une science
« molle » : c’est un qualificatif que je combats avec vigueur en ce qui
concerne l’Histoire. Mais en revanche, force est de constater que les personnes
qui prétendent tirer des vérités de l’Histoire le font toujours au fi de la
moindre prudence épistémologique. Ce qui fait de l’Histoire une science comme
une autre, c’est sa méthode extrêmement rigoureuse et c’est pour cette raison -
à moins que vous ne me révéliez votre appartenance à la communauté scientifique
- que je leur ferai davantage confiance à eux. Quant au savoir érudit, qui a
été dans l’Histoire et plus récemment par vous, utilisé pour soi-disant
démontrer des évidences, il n’est « qu »’un outil de réflexion. En
somme, l’historien n’est pas une personne qui accumule une somme de
connaissance pour servir ses intérêts idéologique. L’historien est un enquêteur
qui se sert de ce qu’il sait, rien de plus. Le rôle de juge est tenu par
d’autres personnes, comme vous. C’est pourquoi je ne me sens pas du tout
inférieur à vous dans ce domaine quoique vos insinuations - certes odieusement
drôles - aient prétendu.