Diamnche 28 janvier 2007
Journal suisse « LE MATIN » - http://www.lematin.ch/
ÉLECTIONS
Nicolas Sarkozy contrôle même la vie privée des journalistes
- MAINMISE SUR LA PRESSE TRICOLORE -
LIAISON DANGEREUSE
Depuis 2002, Nicolas Sarkozy a placé des hommes à lui dans presque toutes les rédactions parisiennes, dans la presse écrite comme dans la presse audiovisuelle
Paris
Ian Hamel
Les Français ne connaissent pas la société audiovisuelle ETC (Etudes, techniques et communication). Pourtant, ils ne cessent de voir ses productions à la télévision. C’est cette entreprise, appartenant à l’UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, qui filme le candi¬dat Nicolas Sarkozy et qui ensuite vend (ou plus souvent donne) ses reportages aux chaînes de télévision françaises. « Le plus grave, ce n’est pas que Sarkozy organise ses propres reportages, mais que les télévisions acceptent ce procédé car il leur fait écono¬miser de l’argent », proteste un journaliste parisien sous couvert d’anonymat.
Pourquoi se gêner ? La société ETC jouit d’une excellente réputation profession¬nelle, elle offre des images parfaitement maîtrisées, avec des caméras face à la tribune, sur les côtés, et survolant la foule. Nicolas Sarkozy a même organisé le re¬tour de Cécilia, son épouse, au domicile conjugal. Son photographe a pris soin de prendre les clichés à distance afin de faire croire qu’il s’agissait de photos volées par un paparazzi... Rien d’étonnant à cela. Comme le rappelle Frédéric Charpier dans son livre « Nicolas Sarkozy. Enquête sur un homme de pouvoir » (1), l’actuel ministre de l’Intérieur avait imaginé un temps devenir journaliste
Les journalistes au pain sec
Maire de Neuilly, dans la région pari¬sienne, et président des Hauts-de-Seine, le département le plus riche de France, Nicolas Sarkozy courtise de longue date les patrons de presse, qui sont souvent ses administrés, comme autrefois Robert Hersant, propriétaire du Figaro et de 30% de la presse française, et aujourd’hui Martin Bouygues, le patron de TF1, dont le journal télévisé est regardé par 8 mil¬lions de personnes. « Il est non seulement l’ami des patrons de presse, mais il est aussi l’ami des rédacteurs en chef et des chefs des services politiques qu’il appelle tout le temps au téléphone. Sarkozy s’est aussi constitué une cour de sans-grade qui espionnent pour lui à l’intérieur des ré¬dactions, recevant en compensation des informations exclusives ou des promesses de promotion », raconte un enquêteur connu de la presse parisienne.
Le climat est devenu tellement étouffant que ce journaliste demande non seulement que son nom n’apparaisse pas, mais que son journal ne soit pas mentionné non plus. « Je suis contraint de me méfier de mes propres collègues », déplore-t-il. Ministre de l’Intérieur, à la tête de deux services secrets, la DST et les Renseigne¬ments généraux (RG), Nicolas Sarkozy est un homme tout-puissant. Alors que ses « amis » journalistes sont abreuvés de scoops sur la délinquance ou sur le terro-risme, les autres rédacteurs se retrouvent au pain sec : les policiers ne leur parlent plus.
Pire, ils découvrent que les Renseignements généraux ne font pas seulement des enquêtes sur les collaborateurs de Ségolène Royal, la candidate socialiste, comme Bruno Rebelle, ancien directeur de Greenpeace. Mais qu’à l’occasion, ils s’intéressent aussi à la vie privée des rédacteurs un peu trop à gauche.
« UN PROCHE DE SARKOSY VOUS APPELLE AU TELEPHONE ET LÂCHE LE NOM DE VOTRE MAITRESSE, MENACANT DE LE FAIRE SAVOIR A VOTRE EPOUSE SI VOUS NE DEVENEZ PAS DAVANTAGE CONCILIANT AVEC LE CANDIDATE DE L’UMP », s’étrangle un journaliste du Figaro.
Un proche de Sarkozy que Karl Laské, journaliste à Libération appelle carrément « le lanceur de boules puantes ». Le livre à charge intitulé « Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus » (2), écrit par plusieurs journalistes parisiens sous le pseudonyme de Victor Noir, s’est vendu à plus de 25 000 exemplaires. Il est réédité en livre de poche.
(1) Frédéric Charpier, « Nicolas Sarkozy.
Enquête sur un homme de pouvoir », Editions Presses de la Cité, 304 pages
(2) Victor Noir, « Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus », Editions Denoël, 306 pages