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Commentaire de Morpheus

sur L'abstention confirme le divorce entre les français et la classe politique


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Morpheus Morpheus 13 juin 2012 14:22

Ce sont des questions qui méritent d’être abordées, cela va de soi. En vous penchant sur la question du tirage au sort en politique, vous constaterez assez vite que ce n’est pas un « terrain vierge ». L’existence du tirage au sort en politique n’est d’ailleurs pas exclusivement attesté à Athènes, mais également à Rome, dans les républiques italiennes du moyen-âge, à Florence, à Venise. Les mécanismes et l’utilisation étaient différents, souvent combiné avec l’élection. Ces différentes approches ont permis de dégager des observations sur les avantages, inconvénients, combinaisons possibles, etc. Toutes ces expériences sont donc riches en enseignements.

Il n’est pas évident, par exemple, que la question de gouvernants incapables soit l’ultima ratio du tirage au sort en politique, loin de là.

Première chose à mentionner concernant le tirage au sort en politique, c’est qu’il ne sert pas, la plupart du temps, à désigner des « gouvernants » ou des « dirigeants ». Considérant notre mode de scrutin, nous avons tendance à « plaquer » le tirage au sort sur les principes de l’élection, et penser que l’on désigne des gouvernants qui auront tout pouvoir. Ce n’est pas du tout le cas.

A Athènes, les magistrats, qu’ils fussent élus ou tirés au sort, n’exerçaient pas un pouvoir politique majeur. Le « pouvoir politique majeur » - c’est-à-dire le fait de décider, voter et approuver ou rejeter les lois, décrets, projets, budgets, sentences, etc. - était détenu par l’assemblée du peuple et les tribunaux (le contraste avec la représentation moderne est à cet égard flagrant !). Nous pourrions transposer cette assemblée, soit à la façon des athéniens (à l’échelle des communes), soit via le processus du referendum. Les magistrats étaient donc avant tout des administrateurs et des exécutants (des serviteurs, plutôt que des maîtres copmme actuellement).

Pour citer Manin : « Le principe cardinal de la démocratie n’était pas que le peuple devait être à la fois gouverné et gouvernant, mais que tout citoyen devait pouvoir occuper tour à tour l’une et l’autre position (...) L’alternance du commandement et de l’obéissance formait même, selon Aristote, la vertu ou l’excellence du citoyen. »

L’un des grands avantages de la rotation des charges et des mandats non renouvelables est qu’il élimine de facto les jeux de la politikè - les luttes pour garder ou accéder au pouvoir. La fonction commande l’action et c’est donc débarrassé de ces intrigues le plus souvent malhonnêtes et qui induisent la corruption d’une manière ou l’autre, que les tirés au sort peuvent se consacrer à leur tâche, la politea - la gestion des affaires et des problèmes de la cité, qui concerne directement les citoyens.

Il n’est pas nécessaire d’avoir des personnes « compétentes » (on pourrait à bon compte s’interroger sur la compétence de nos dirigeants actuels...), car la compétence s’acquiert dans l’exercice de la tâche elle-même. L’un des principes de la démocratie est justement l’absence de professionnalisme de la fonction publique : tout citoyen est considéré comme responsable et capable de commander lorsqu’il est tiré au sort, tout comme il est considéré comme capable d’obéir lorsqu’il ne l’est pas, et comme le tirage au sort garantit statistiquement que tous ont les mêmes probabilités de se trouver dans l’une ou l’autre position, c’est en définitive, tout le monde qui détient le pouvoir. Les citoyens se voient responsabilisés, et comme leur tâche les concerne tout autant que les administrés (ils redeviendrons administrés dans un ou deux ans), ils font en sorte de prendre les mesures les plus responsables et les plus justes.

D’autre part, à Athènes, le tirage au sort est basé sur le volontariat. C’est-à-dire que les personnes qui se présentent au tirage au sort s’estiment à même d’assumer les responsabilités qui leur seront confiées en tant que magistrat. Pour empêcher que « les meilleurs » ne finissent par abuser de leur talent au point d’abuser du pouvoir, des mesures de contrôle existent : reddition des comptes, révocabilité à tout moment, ostracisme.

Les inconvénients de chaque outil (élection ou tirage au sort) peuvent être solutionnés par des mesures qui les contrebalances. Ces principes sont donc robustes.

Cordialement,
Morpheus


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